mardi, septembre 04, 2018

Les marronniers que l’on a relancé(s)


L'actualité éducative est très répétitive. Dans une année normale, on parle de l'École à la rentrée et puis au moment du bac. C'est ce que les journalistes appellent un "marronnier". 
 Mais il y a aussi des marronniers à l'intérieur du marronnier. Des polémiques reviennent de manière récurrente. A tel point qu'on pourrait ressortir pratiquement les mêmes articles, les mêmes arguments que ceux qu'on utilisait précédemment.
Cette année est particulièrement riche en polémiques inutiles. Et le développement des réseaux sociaux n'arrange rien, bien au contraire. 

D'abord, on a le retour de la rumeur de l'éducation sexuelle et des "cours de masturbation" qui nous rappelle 2013 et les "journées de retrait de l'école". Ce sont les mêmes à la manœuvre. Avec la même volonté de détruire le lien entre les familles et l’École. 

Et puis, voici venir la traditionnelle polémique sur l'orthographe ou la grammaire... Rappelez vous, on s'est déjà écharpé sur l'abandon du circonflexe et ensuite sur le prédicat. 
Cette année, nous avons un concurrent sérieux avec l'accord du participe passé. Libération a publié, il y a quelques jours une tribune de deux enseignants belges wallons proposant d'abandonner la règle d'accord. Et tous les médias ou presque, comme des morts de faim, se précipitent sur cet os à ronger. Voici que Le Monde reprend l’info, les radios en parlent. On peut s’attendre à voir des débats entre les « Pour » et les « anti » dans les colonnes et sur les plateaux télés. Les éditorialistes qui ont un avis sur tout vont s’en mêler. Et le Ministre interviendra pour tirer les marrons (ah ah !)  du feu... On parie ? 

Il faut dire que la recette est facile à cuisiner. 
Prenez un sujet sur lequel tous les 67 millions d’“experts” de l’École peuvent avoir un avis. Qui n’a pas eu à batailler avec cette règle durant sa scolarité et dans ses écrits au quotidien ? 
Pour l’assaisonner, faites revenir des morceaux de nostalgie (ah, l'école d'antan...) et un soupçon d’identité nationale (comment ? des belges voudraient nous dicter nos règles ?). 
Rajoutez enfin une bonne rasade de débat Pédago/Républicains de 30 ans d’âge avec des senteurs de « laxisme » et de « nivokibess ». Vous pouvez aussi utiliser le « pédagogisme » plus récent, mais au goût plus fort. 
 On a là tous les ingrédients d’une polémique bien française sur l’éducation. Celle ci est encore amplifiée par les réseaux sociaux où règne l’indignation permanente et sur-jouée. 


Est-ce que ça fait avancer la réflexion sur l’École ? La réponse est Non. Je pense même qu’au contraire, ça la fait régresser. 
Je dis à mes amis « pédagos » que l’on n’a rien à gagner dans ce débat qui nous fait perdre du temps et de l’énergie (la preuve avec celui que je perds en écrivant ce billet !) et nous détourne de l’essentiel.
 Car pendant ce temps là, des questions bien plus graves mériteraient d’être posées et débattues. Comment voulons nous que les élèves apprennent ? Quelle place pour l’expertise des enseignants dans l’élaboration de leurs pédagogies ? Quelle école voulons nous ? Comment lutter efficacement contre les inégalités dans et avec l’École ? Comment préserver l’École publique contre à la fois la marchandisation mais aussi les crispations et les conservatismes ? 
Bien loin de l’inanité du débat qui s’annonce, ce sont ces questions là qui mériteraient d’être posé(es) et débattu(es) !

Philippe Watrelot

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