L’innovation est un mot qui
va revenir très souvent dans l’actualité éducative des prochaines semaines.
Bientôt se tiendra la Journée de l’innovation organisée par le Ministère où
seront remis les grands prix de l’innovation. Un peu plus tard, une
manifestation concurrente organisée par le Café pédagogique mettra à l’honneur
les enseignants innovants. À la fin de l’année scolaire, le Conseil National de
l’Innovation et de la Réussite Éducative installé il y a un an et demi par la ministre
de la réussite éducative et présidé par Didier Lapeyronnie rendra son rapport
et ses préconisations pour favoriser l’innovation. Je suis membre de ce
conseil, j’ai aussi été membre du jury du Grand Prix de l’innovation. Mais je
vais tenter ici un exercice délicat en essayant de faire un pas de côté pour
livrer quelques réflexions strictement personnelles sur ce que m’inspire cette
question de l’innovation.
Innover, mot piégé…
L’innovation est un mot aux
multiples sens et qui entretient la confusion. Etant professeur de Sciences Économiques
et Sociales, mon approche du concept est d’abord liée aux disciplines de référence
de ma discipline : l’économie et la sociologie. En économie, on apprend
tout d’abord aux élèves à distinguer l’invention de l’innovation. Cette dernière
suppose la généralisation et l’application au domaine de la production
commerciale d’une technique nouvelle ou d’un produit nouveau. Sans rentrer dans
le détail, on distingue également plusieurs formes d’innovations : des
innovations de procédé et des innovations de produit, des innovations majeures
et des innovations incrémentales... Mais quel qu'en soit le type, une innovation réussie suppose la diffusion.
En sociologie, on montre que très souvent l’innovation est une forme de déviance. L’innovateur va aller à l’encontre des codes, des normes du moment, pour proposer autre chose.
En sociologie, on montre que très souvent l’innovation est une forme de déviance. L’innovateur va aller à l’encontre des codes, des normes du moment, pour proposer autre chose.
L'innovation serait donc une déviation. On retrouve cette idée chez Edgar Morin et notamment dans une interview
par Maryline Baumard dans Le Monde (le 25 octobre 2013) ou il répond ainsi à la question « Comment
faire changer l'école ? » “ Il faut
sans cesse s'appuyer sur une avant-garde agissante. Il n'existe jamais de
consensus préalable à l'innovation. On n'avance pas à partir d'une opinion
moyenne qui est, non pas démocratique, mais médiocratique ; on avance à partir
d'une passion créatrice. Toute innovation transformatrice est d'abord une déviance.
”.
Or, dans l’éducation
nationale, nous sommes dans un apparent paradoxe. L’innovation est encouragée
par l’institution elle même. On trouve dans chaque académie des
“conseillers recherche-développement, innovation et expérimentation” (CARDIE).
Au sein de la Degesco, c’est une
DRDIE qui coordonne leurs actions. Par ailleurs, dans le référentiel qui
guide la formation des enseignants (2013) la compétence 14 « S'engager
dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel» insiste
sur la nécessité pour les enseignants de développer des « démarches
d'innovation pédagogique visant à l'amélioration des pratiques.» Cette
injonction à l’innovation était déjà présente dans les “10 compétences” (2007
et 2010) qui ont précédé ce référentiel.
Innover deviendrait alors
une norme ? L’innovateur serait alors un conformiste ? Comment
expliquer ce paradoxe ?
Les rebelles ne sont pas ceux qu’on croit !
Dans les médias et les représentations
on assimile souvent l’enseignant innovant à un “rebelle” qui va lutter contre
une administration forcément hostile et conservatrice. Or, innover ça peut être
tout simplement vraiment appliquer les textes !
La déviance se situe alors plus par rapport à un conformisme ambiant, à une culture professionnelle et des normes non écrites qu’à des textes. Innover, nous le savons bien aux Cahiers Pédagogiques, c’est peut-être d’abord utiliser les marges de manœuvre disponibles et évoluer dans les interstices des textes et des procédures.
La déviance se situe alors plus par rapport à un conformisme ambiant, à une culture professionnelle et des normes non écrites qu’à des textes. Innover, nous le savons bien aux Cahiers Pédagogiques, c’est peut-être d’abord utiliser les marges de manœuvre disponibles et évoluer dans les interstices des textes et des procédures.
Innover c’est donc aussi “s’autoriser”, car les barrières sont
bien souvent celles de nos propres routines et nos représentations.
On notera au passage que
cette question de la posture pollue le débat sur les méthodes pédagogiques et l’opposition
“Pédagogues/Républicains”. Pendant longtemps en effet, les innovateurs
luttaient contre l’institution. On a bien sûr en tête le cas de Célestin
Freinet obligé de quitter l’Éducation Nationale et de fonder sa propre école
pour mener à bien son projet. Or, aujourd’hui, alors que l’encadrement du
ministère s’est emparé du vocabulaire de la pédagogie et de la thématique de l’innovation,
on assiste à un renversement idéologique. Ce sont les supposés “républicains”
qui se donnent la posture du rebelle face au "système" alors qu’ils ne sont que des conservateurs
et des conformistes…
Comment un Mammouth peut-il innover ?
Si l’Éducation Nationale développe
un discours sur l’innovation et cherche à la promouvoir, on peut cependant s’interroger
sur la capacité d’un système bureaucratique et centralisé à produire de l’innovation.
Cette injonction risque de n’être qu’un discours creux et incantatoire si cela
ne se traduit pas dans des actes et dans des structures favorables.
De nombreux sociologues ont étudié
la bureaucratie et ont montré comment ce système se reproduisait et était créateur
de routines et d’inertie peu propices au changement. Dans le cas de l’ Éducation
nationale, on soulignera plus particulièrement trois aspects qui y contribuent.
• Des statuts rigides et cloisonnés rendent plus difficile la conscience collective. PE,
PLC, certifiés, agrégés, AE, CPE, Perdir, IA-IPR, IEN, … L’Éducation Nationale,
c’est la manufacture des sigles ! Et les statuts qui sont derrière sont
associés à des avantages, des obligations et des périmètres spécifiques. Tout
cela aboutit à des méfiances réciproques voire à la “guerre” des uns contre les
autres. Et les périmètres se transforment trop souvent en territoires. Comment
dans un tel contexte créer les conditions de l’innovation ?
• Le rôle des cadres intermédiaires dans l’Éducation Nationale est ambigu. Leur
formation (distincte de celle des enseignants) les conduit à développer des
compétences managériales. Cette formation passe souvent aussi par un processus
d’acculturation où ils oublient leur passé enseignant et leur fait confondre
quelquefois “leadership” avec
autoritarisme. Mais surtout, la logique bureaucratique à l’œuvre conduit bien
trop souvent ces personnels à produire de la procédure pour se convaincre d’exister…
On retrouve là, les logiques de territoire évoquées plus haut. C’est aussi lié à
la confusion entre deux fonctions qui sont les fonctions d’animation d’une part
et les fonctions d’évaluation (individuelle) d’autre part. L’une pollue l’autre…
Et on aboutit ainsi à des effets pervers: comportements infantilisants,
clientélisme, contrôle a priori, paperasserie, conformisme…
• Un système déconcentré mais pas décentralisé. Certes, on n’est plus au temps où le ministre
pouvait se vanter de savoir ce que faisaient tous les instituteurs de France en
même temps à la même heure ! Mais le système reste cependant construit sur
une logique très hiérarchique (“top down”
) et les recteurs sont autant de “petits” ministres dans leur région. Le système
reste très jacobin et marqué par une forte hiérarchie. Il génère des effets indésirables : force d’inertie, faible adaptabilité aux situations locales,
lourdeur des contrôles… Il contribue ainsi à l’infantilisation et la déresponsabilisation
des acteurs et est donc peu propice à l’innovation.
Sans considérer qu’il faut
en faire des modèles, on pourrait s’inspirer de certaines des réformes menées
dans d’autres pays. Passer d’une
logique “top-down” (du haut vers le
bas) à une logique “bottom-up” (du
bas vers le haut) signifierait qu’on donne plus d’autonomie locale aux établissements
pour qu’ils puissent innover et proposer des solutions pédagogiques plus adaptées
aux contextes locaux. Pour éviter les dérives et la rupture de l’égalité républicaine,
il faudrait alors que les missions assignées à l’École et à chaque niveau
soient plus claires. Qu’on ait donc un système plus ferme sur les finalités et
plus souple sur les procédures.
Pour cela, il faut passer d’un
contrôle a priori à un contrôle a posteriori et faire évoluer le rôle
des fonctions d’encadrement. Cela suppose une dissociation des fonctions d’animation
et d’évaluation de l'inspection. Une évaluation qui pourrait d’ailleurs être plus collective qu’individuelle.
Bien sûr, dans cette
administration centralisée et homogène, on trouve malgré tout des “îlots” d’innovation :
des classes où se sont regroupés quelques pédagogues, des établissements
secondaires publics innovants (regroupés au sein de
la Fespi)… Mais le problème de ces structures est de dépasser l’“entre-soi”
et de parvenir à infuser dans l’enseignement classique. Sinon, on court le
risque de n’être, au final, que des alibis justifiant par ailleurs l’inertie du
système.
Peut-on se former à l’innovation ?
Dans quelle mesure la manière
dont les enseignants sont formés peut-elle favoriser la résistance au changement ou au
contraire l’innovation ?
L’enjeu est d’abord de
construire une identité professionnelle qui permette de dépasser la seule référence
disciplinaire (dans le 2nd degré) et d’offrir une vision plus large
du métier. En somme, construire une “culture commune” qui soit à la base d’un
travail collectif On pourra me dire que, justement, la formation initiale est en
train d’être rénovée et de devenir plus professionnalisante. Mais, comme j’ai déjà
eu l’occasion de l’exprimer, les inquiétudes demeurent. La construction des ESPÉ
ne semble pas, pour l’instant, à la hauteur des enjeux.
Y a t-il des compétences à
construire pour favoriser la capacité à innover ? On peut évoquer brièvement
quelques pistes :
- le travail en équipe ça s’apprend. Et les techniques d’animation de groupe sont indispensables pour construire des projets collectifs
- le partenariat aussi, on peut s’y former. La plupart des projets innovants sont des dispositifs qui impliquent des intervenants extérieurs. La relation avec les parents est également une des clés de la réussite de bien des projets. Une formation initiale de qualité devrait donner des outils pour penser et agir dans cette direction.
- L’analyse de pratiques est aussi un levier du développement professionnel. Elle permet d’installer dès les débuts dans le métier une posture réflexive indispensable. Tout comme l’écriture professionnelle qui fait partie intégrante de cette compétence.
- Se mettre dans une logique de recherche et d'expérimentation, formuler des hypothèses, produire soi même des travaux de recherche est indispensable. Et si nous étions tous, au sens plein du terme, des “enseignants-chercheurs” ? Car finalement, un collègue innovant ce serait d’abord un enseignant qui considère que rien n’est jamais acquis et qui est capable de se remettre en question.
Mais au delà de la formation
initiale, la condition majeure du changement et de l’amélioration des
pratiques est surtout celle de la
formation continue. Comment peut-on considérer qu’on est formé une fois pour
toutes ? Feriez vous confiance à un médecin qui n’aurait jamais eu l’occasion
de se former à de nouvelles techniques ?
Une occasion a été ratée
dans les annonces du débat du quinquennat et dans les négociations sur le métier.
On aurait pu instituer une obligation de formation pour les enseignants sous
forme d’un droit opposable. Cela aurait été un levier important pour enclencher
une dynamique mobilisant à la fois l’éducation nationale elle même et en
particulier les ESPÉ mais aussi les mouvements pédagogiques qui auraient pu
ainsi contribuer à cette évolution indispensable.
Peut-on innover en respectant les programmes ?
Nous évoquions plus haut le
poids des procédures et la contrainte des nombreux textes produits par le
mammouth. Parmi ceux ci figurent bien sûr les programmes d’enseignement.
Ceux-ci sont pléthoriques et comme si ça ne suffisait pas s’accompagnent bien
souvent d’instructions complémentaires qui les alourdissent encore. Et les
corps d’inspection sont les garants de leur stricte application. Cela limite la
capacité à innover même si nous savons bien que c’est le talent de chaque
enseignant que de trouver des dispositifs et des supports qui lui sont propres
et qui répondent aux besoins de ses élèves.
La loi de refondation a institué un Conseil Supérieur des
Programmes (CSP). On peut espérer que la fabrication de ces futurs programmes
aille vraiment vers une logique
curriculaire, c’est-à-dire une logique qui enferme moins dans des procédures
et des indications strictes et qui donne de la souplesse aux enseignants pour
mettre en œuvre des objectifs clairs. Comme
cela se fait dans bien d’autres pays. Pour favoriser l’innovation, il faut aller vers un système moins rigide sur les modalités
et plus ferme sur les finalités. Et qui ne laisse personne sur le bord de la
route.
Et le numérique dans tout ça ?
Aujourd’hui, pas un discours
sur la pédagogie et sur l’évolution de l’École sans un couplet sur le numérique.
Il est vrai que les technologies de l’information et de la communication ont
changé notre vie quotidienne et qu’on peut penser que ces innovations vont
aussi changer l’École et les manières d’apprendre. Ils ont en effet des potentialités
énormes. Ils donnent accès à des informations et des connaissances illimitées
(reste à les transformer en savoirs…). Les outils numériques peuvent agir sur la
motivation des élèves, leur concentration, leur participation en classe. Ce
sont donc potentiellement des outils de lutte contre l'ennui à l'école et au
final contre l'échec scolaire. Ils sont aussi le ferment d’une évolution des
pratiques enseignantes. Les Tice peuvent permettre que les enseignants ne travaillent plus de manière isolée,
mais mutualisent leurs ressources et collaborent pour la préparation de leur
cours. Le numérique peut enfin favoriser l’apprentissage personnalisé, actif
et coopératif…
Mais le numérique peut à l'inverse renforcer l’individualisme et l’aspect répétitif des apprentissages. Il peut être l’instrument d’une pédagogie encore plus magistrale et frontale. Et
l’usage effréné du numérique peut même, à terme, être générateur d’ennui et de démotivation.
Il faut donc se garder d’une
illusion d’optique dans laquelle tombent trop facilement nos décideurs. Celle de
croire qu’à lui seul un outil, aussi performant soit-il, va
révolutionner l’enseignement. Certes, le numérique est au cœur d’une révolution
de la production et de la consommation dans tous les domaines et il modifie considérablement la manière
dont circule l’information et notre rapport aux connaissances. Mais pour l'enseignement cette transformation passe
d’abord par une réflexion sur les usages et donc une formation. Ce n’est pas la
technologie qui, dans l’école, est
intrinsèquement innovante, c’est la réflexion pédagogique qui l’accompagne.
Car il faut dire que l’illusion
d’optique est renforcée par un deuxième phénomène. Ce sont en effet les
enseignants les plus innovants au départ qui se sont emparés des outils numériques
pour en explorer les possibilités. Mais ce ne sont pas forcément les outils qui
les ont transformés !
Seul ou à plusieurs ?
Nous
sommes encore confrontés à une vision très “libérale” de l’exercice du métier d’enseignant
qui a du mal à se définir autrement que dans l’espace intime de la classe.
Il est tentant d’inscrire l’innovation dans le
cadre de la “liberté pédagogique” individuelle. Pendant longtemps ce droit était surtout
revendiqué par les pionniers de la
transformation de l'école. Il était difficile d’enseigner autrement que les
autres alors qu’on était isolé et qu’on subissait la pression conservatrice de
la hiérarchie. A cette époque la question de la liberté pédagogique ne se
posait donc pas pour les tenants d’une école traditionnelle. Elle ne se posait
que pour la minorité qui voulait changer l'école. Mais aujourd’hui, le message
est brouillé et c’est plutôt dans le camp des “conservateurs” que le thème de
la liberté pédagogique a été repris. La liberté pédagogique est ainsi devenue l’alibi
des conservateurs et « la liberté de faire comme avant »
(P. Frackowiak).
On voit donc que la notion
de “liberté pédagogique” est au final un concept ambigu. La loi dit d’ailleurs
qu’ « elle s’exerce dans le respect
des programmes et des instructions du ministre et dans le cadre du projet d’école
ou d’établissement. ». Si
l’innovation a besoin de liberté, elle a aussi besoin d’une dimension
collective pour durer et se développer.
Pour dépasser cette ambigüité, on préféra donc la notion d’autonomie. Celle-ci ne peut se confondre avec la liberté
illusoire de celui qui, refermant la porte de sa classe, croit qu’il n’a de
comptes à rendre à personne.
Car, si une part irréductible
du métier reste individuelle, on sait aussi que ce qui fait l’efficacité et la
durabilité de l’action réside dans l’action collective d’une équipe, d’un établissement.
Pour cela, il faut que les enseignants se redonnent collectivement une expertise
et un pouvoir d’agir sur les structures, les contenus enseignés, les modalités
d’évaluation, etc. En somme passer d’une logique “top down” à une logique “bottom-up”…
Même s’il faut louer et
encourager les “enseignants innovants”, il donc est tout aussi important de
mettre en évidence et d’analyser la dimension collective et institutionnelle
qui permet aux projets de se développer et de se diffuser. Car ce qui fait le
succès d’une innovation c’est sa diffusion et sa pérennisation. Finalement,
tout comme pour les innovations dans le monde économique, lorsqu’elle se
massifie et devient une pratique nouvelle et généralisée. Un enseignant innovant c’est bien,
une équipe innovante c’est encore mieux !
La diffusion de l’innovation
“L’École fait des réformes, la médecine fait des progrès”, cette métaphore
de Philippe Meirieu nous interpelle sur la manière d’évoluer. Pour progresser, la médecine s’appuie sur les savoirs partagés la diffusion et la
capitalisation des innovations. Or, dans l’éducation nationale, malgré des
progrès dans la mutualisation des supports de cours il y a encore une réelle
difficulté à diffuser les innovations et à analyser et évaluer les dispositifs
mis en place. Y compris au sein d’un même établissement où il est quelquefois
difficile de savoir ce que fait son collègue et de donner de la cohérence à l’ensemble.
L’enjeu
de la circulation de l’information et de la recherche est essentiel. Il permet
de lever les résistances en montrant la « faisabilité » des
dispositifs à ceux qui en doutent. En obligeant les enseignants à écrire sur
leurs pratiques, il permet de mieux les formaliser et d’enclencher un retour réflexif.
Enfin, l’apport de la recherche permet évidemment de nourrir la réflexion des
praticiens. Et vice-versa.
Toute
ressemblance avec une revue comme les Cahiers Pédagogiques n’est
absolument pas fortuite ! Celle-ci est née en 1945 comme un “bulletin de
liaison” des enseignants des classes nouvelles issues du plan Langevin-Wallon
dans une logique de mutualisation. Et dès le départ, il s’est agi de combiner
les récits de pratiques et les apports de la recherche . C’est ce que reconnaît
d’ailleurs l'Agence
d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AÉRES) en nous
qualifiant du beau qualificatif d’ « interface ». Il ne s’agit
pas ici de faire de l’autopromotion pour les Cahiers Pédagogiques (quoique…)
mais bien d’insister sur une dimension essentielle qui est d’ailleurs assumée
par d’autres rares médias et mouvements.
L’innovation ce n’est pas seulement une question de “savoir-faire” mais aussi une question de “faire savoir” !
L’innovation ce n’est pas seulement une question de “savoir-faire” mais aussi une question de “faire savoir” !
Difficultés
L’innovation pédagogique se
heurte à une série de freins qu’on peut rapidement énumérer.
Tout d’abord, le discours pédagogique
de l’innovation est souvent vécu
comme culpabilisateur par bon nombre de collègues. Parce qu’il conduit à mettre en avant des individus (on a même une “héroïsation” de l'innovant) ou des équipes
dans un métier marqué par une culture égalitaire. Et que la critique implicite
des méthodes pédagogiques qu’il contient peut être ressentie comme une remise
en cause personnelle.
Les innovations se heurtent
aussi à des résistances forgées dans des valeurs respectables mais aux effets
pervers. L’égalité républicaine peut conduire à un égalitarisme interdisant les
expérimentations et à un jacobinisme rejetant l’autonomie des établissements. On
a vu également que l’institution elle-même pouvait être un facteur de blocage.
Enfin, les difficultés
peuvent être dans les pratiques des enseignants innovateurs eux-mêmes. On
peut tomber dans le piège de l’immodestie et dans la conviction d’avoir trouvé
LA solution. Et au final recréer une nouvelle routine. Or, on le sait bien en
matière de pédagogie, si l’on peut avoir des convictions on ne peut pas avoir
de certitudes. Il faut sans cesse se remettre en question dans un travail du
quotidien.
Le discours emphatique et
incantatoire sur l’“innovation” peut être analysé comme le symptôme d’une
institution qui peine à se transformer et qui accepte mal les écarts à la
norme. Si l’on en parle tant, s’il y a besoin d’une “journée de l’innovation” c’est
peut-être parce qu’elle est absente…
Si l’esprit d’initiative était
la règle, si la pédagogie ordinaire était fondée sur le travail d’équipe, l'expérimentation et la
recherche permanente, si les programmes et l’organisation du temps laissaient
plus de marges de manœuvre, si l’on faisait un peu plus confiance aux
enseignants, si on leur donnait un peu plus de pouvoir d’agir, … ce serait tous
les jours la journée de l’innovation !
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Philippe Watrelot
1 commentaire:
L'innovation est pour moi une politique, une pensée ou un état d'esprit. La France se fatigue aujourd'hui à râler sur les réussites et les succès des autres, Paris communique à grand coup d'opération... mais pendant ce temps précieux, l'innovation nous a échappé, elle d’épanouie ailleurs, dans des pays où l'on ne te juge pas si tu n'as qu'un bts, mais où on te laisse ta chance si tu es un battant.
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