- ESPÉ : attention fragile- Sarko...mmence ! – Dé-concertés – Nobel de la Paix -
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Le bloc notes revient sur plusieurs informations qui ont fait l’actualité éducative de la semaine. D’abord la publication de plusieurs articles sur la mise en place des Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation (ESPÉ) à l’occasion de la publication d’un rapport et d’un colloque sur ce sujet. On s’intéresse aussi aux déclarations de Nicolas Sarkozy qui souhaite réduire de 30% les effectifs enseignants s’il revient au pouvoir. Le report des réunions de concertations sur le socle à la suite de recours juridiques des parents d’élèves nous amènera à nous interroger sur le statut de l’institution qu’est l’École aujourd’hui. Enfin, nous ne pouvions pas ignorer le Prix Nobel de la Paix qui vient d’être décerné à deux militants des droits des enfants : Malala Yousakzay et Kailash Satyarthi.
ESPÉ : attention fragile
“ESPÉ : attention fragile”, c’est le titre choisi par le site d’information Educpros pour son dossier consacré à la formation des enseignants et paru le 8 octobre. Et ce titre est particulièrement approprié tant les différents rapports et enquêtes montrent que ce dispositif n’est pas encore arrivé à maturité et qu’il est confronté à des difficultés de tous ordres.
Avant d’aller plus loin, on peut déjà se réjouir que ce sujet fasse l’objet de plusieurs articles cette semaine. C’est un thème important ; même s’il ne passionne pas l’opinion. S’il fait l’actualité c’est parce qu’un rapport des inspections générales (IGEN et IGAENR) est sorti sur ce sujet. Ce long rapport conclut que "Les ESPE vont être confrontées à de redoutables défis au cours de l’année à venir pour réussir la mutation des ex IUFM en écoles supérieures du professorat et de l’éducation et vaincre les résistances culturelles qui peuvent encore se manifester au niveau des formateurs disciplinaires comme des formateurs de terrain.”. Signalons qu’on attend aussi un prochain rapport du “comité de suivi de la réforme de la formation des enseignants” présidé par le Recteur Filâtre. Cette même semaine se tenait au Lycée Louis le Grand un colloque organisé par la conférence des présidents d’université (CPU) avec pour titre « Les Universités et le défi de la formation des enseignants » . L’un des co-organisateurs, Gilles Baillat, président de l’Université Reims Champagne-Ardennes, est interviewé sur le site de La Croix . Il se félicite de l’évolution des concours de recrutement et de l’harmonisation des formations qui en résulte. Il est donc optimiste mais apporte des nuances. Pour lui les enseignants débutants sont “mieux formés qu’auparavant. Avec un bémol, toutefois : avec la réforme, les deux années de master sont extrêmement lourdes. Il faut, en fin de première année, passer le concours ; il est nécessaire aussi d’effectuer des stages ; il faut enfin, à l’issue du M2, obtenir son diplôme de master. La barque est très chargée. Il ne faudrait pas qu’elle coule, et avec elle un certain nombre d’étudiants et stagiaires… ”. Un article de Slate.fr nous rappelle aussi que les situations sont très diverses d’une ESPÉ à l’autre, et surtout d’un étudiant à l’autre...Sur le même sujet, on pourra lire aussi sur le site VousNousIls un entretien avec Alain Mougniotte, directeur de l'ESPE de Lyon. Il concède qu’il y a "encore des ajustements et des bugs à résoudre" mais a, lui aussi, une vision optimiste.
On ne peut s’empêcher d’être un peu circonspect devant cette parole “officielle”. Elle s’explique par le volontarisme de ceux qui s’expriment ainsi et qui sont aux manettes. Mais ils l’admettent à demi-mot et le rapport des inspections générales le dit aussi : la mise en œuvre des ESPÉ s’avère compliquée et complexe. Nous évoquions déjà cette question dans notre Bloc-Notes de la semaine dernière. Il y a deux manières de voir les choses et il convient d’identifier ce qui relève de la première logique et de la seconde. D’abord on peut se dire qu’un certain nombre de difficultés tiennent à des adaptations nécessaires qui se résoudront avec le temps. Il en est toujours ainsi quand on fait travailler ensemble des personnes qui n’avaient pas l’habitude de le faire. On voit aussi que des questions se posent (par ex la question des stagiaires déjà détenteurs d’un master) qui n’avaient pas été suffisamment anticipées. On peut espérer qu’il y a aura à moyen terme une stabilisation et une plus grande efficacité. Mais cependant, on ne peut empêcher que les étudiants actuels ont vraiment l’impression d’essuyer les plâtres et de servir de cobayes. On peut aussi considérer que certaines difficultés tiennent à des contradictions et des défauts de structure qu’il faut corriger. Ainsi, la multiplicité des décideurs et des intervenants pose un vrai problème de gouvernance qu’il faudrait résoudre en allant vers plus d’autonomie. De même la place du concours reste selon moi une question qui affecte durablement la formation et la construction de l’identité professionnelle. Le concours en fin de M1 aboutit à ce que, de fait, la formation reste structurée dans le secondaire autour des “tuyaux” disciplinaires que sont les UFR. La “culture commune” qui se met en place avec beaucoup de difficultés et de critiques de la part des étudiants n’apparait alors que comme un pis-aller. Dans ces conditions il ne faudra pas s’étonner que pendant encore longtemps on se définira d’abord par sa discipline avant de se penser tout simplement comme “enseignant”...
Un dernier mot sur ce sujet où je peux être intarissable. On l’a vu toutes les ESPÉ ne connaissent pas exactement les mêmes situations. On met en avant certaines qui semblent mieux réussir que d’autres. C’est le cas de l’ESPÉ de Clermont-Ferrand qui dans un article d’ÉducPros est présentée comme “la bonne élève ”. On y voit que la “réussite” de cette école est le fruit d’un travail qui s’inscrit dans la durée et vient après de très nombreuses adaptations au cours des dernières années. Et l’article se conclut par une phrase qui montre aussi les limites de ces réformes à répétition pour les personnels : “Quant aux équipes, elles fatiguent. Tous s'accordent sur le fait que le niveau de sollicitation est tel qu'il n'est pas tenable sur la durée.”
Sarko...mmence !
De nombreux commentateurs de la vie politique s’accordent à dire que le retour de Nicolas Sarkozy semble raté. Un sondage récent et sans pitié montre que seuls 20% des personnes interrogées l’estiment “honnête”. Quoi qu’il en soit, il multiplie les meetings de campagne (à la présidence... de l’UMP, faut-il le préciser) et (re)fait des propositions sur l’éducation.
L'idée de l'ex-président est d'augmenter la rémunération des enseignants en échange de contreparties comme pendant sa campagne de 2012. Il a proposé mercredi 8 octobre à Toulouse une augmentation du temps de travail des enseignants de 30%, assortie d'une hausse de salaire de 30%. Jusqu'ici, l'annonce correspond à ces précédents discours, comme celui du 6 octobre dernier à Vélizy. Sauf que, à Toulouse, Nicolas Sarkozy a ajouté un chiffre choc : “Nous supprimerons 30% de postes d'enseignants”, là où il s'était contenté jusqu'ici d'évoquer une “baisse des effectifs", sans donner de précision. Notons au passage que selon ce calcul (idiot, ce que démontre un article de L’Express) il proposerait donc de supprimer 250 000 postes puisqu'il y a 839 700 enseignants en France, selon les statistiques du ministère de l'Education nationale !
Rappelons que durant le quinquennat Sarkozy c’est près de 80 000 postes qui avaient été supprimés dans l’Éducation Nationale. C’est la raison pour laquelle, dans cette revue de presse je prends bien soin de parler systématiquement de “(re)création” (plutôt que de “création”) à propos des 60 000 postes promis par François Hollande.
Ce thème de l’École n’est pas propre à Nicolas Sarkozy puisque quelques jours plus tard, Alain Juppé, à son tour prenait position sur ce sujet. “C'est un fait qu'ils [les enseignants] sont bien moins payés que beaucoup de leurs partenaires européens. [...] Nos professeurs sont sous-payés, il faut leur demander d'être plus présents dans les établissements et là, on peut effectivement les payer davantage". Si on veut réduire la dépense publique, il faut naturellement travailler sur les effectifs de fonctionnaires ", a déclaré sur l’antenne de Radio Classique ce vendredi l'ancien Premier ministre qui entend "renouer" avec le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite, supprimé par la gauche. François Fillon a, lui aussi, fait connaitre depuis quelques mois ses propositions pour l’École . On voit donc que l’Éducation Nationale redevient un thème de campagne pour 2017. Avec toujours les mêmes approximations et les mêmes parti-pris. Et des propositions qui dessinent une École plus libérale marquée par la remise en cause du statut de fonctionnaire et une transformation radicale de leur temps de travail.
Dé-concertés
La semaine dernière nous nous réjouissions du lancement des concertations sur le socle commun et les programmes. Mais cela ne se passe pas comme prévu.
Les parents d’élèves de Seine-et-Marne et du Val-de-Marne ont obtenu mercredi 9 octobre que la demi-journée banalisée ne se tienne pas lundi prochain qui était le jour prévu. On se souvient que certains maires avaient eux aussi protesté contre la tenue de ces réunions sur le temps scolaire dont la date est différente selon les académies. Interpellée à l’assemblée, Najat Vallaud-Belkacem a déclaré qu'elle avait “conscience que cela puisse poser des difficultés aux élus et aux parents. C'est la raison pour laquelle dans certaines académies où les difficultés sont très prégnantes, j'ai demandé aux recteurs de voir avec l'ensemble des acteurs locaux une date qui convienne à tous. Plusieurs académies ont déjà modifié leurs dates après les avoir consultées. [...] nous trouverons une date qui convienne à tous.”
“Dé-concertés”, c’est le titre (excellent) qu’a choisi le blogueur et enseignant Lucien Marboeuf pour son billet sur ce sujet. Il s’étonne (tout comme beaucoup d’enseignants) des raccourcis et des implicites à l’œuvre dans cette affaire. Ainsi une journaliste de France Inter utilise un raccourci plutôt maladroit en parlant d’enseignants qui allaient “faire l’école buissonnière” alors qu’ils vont se concerter sur les nouveaux programmes. Si l’on veut faire porter le chapeau aux enseignants, il n’y a pas mieux. D’autant plus selon Marboeuf que beaucoup d’enseignants seraient, selon lui, hostiles à ce que cette réunion vienne “manger” des heures de classe. Et il rappelle que pour les enseignants du primaire, 108 heures annuelles sont prévues dans leurs obligations de service hors du temps de classe ! Et notre collègue de s’indigner : “Alors si, au ministère, on s’est dit qu’on allait faire plaisir aux enseignants en plaçant la concertation sur le temps de classe, et bien « on » s’est trompé, « on » a raisonné de travers, et c’est plus qu’une maladresse, cela dénote une réelle méconnaissance du terrain, en plus d’une vision bien triste de l’enseignant– il serait heureux de ne pas avoir ses élèves et de ne pas travailler, bref, de ne pas faire son métier. ”.
Pourtant, par le passé, les enseignants se sont déjà concertés sur des temps banalisés pour travailler sur ce qui constitue le cœur de leur métier. Aujourd’hui cela semble poser problème et cela fait même l’objet d’une surenchère avec vendredi la Une du Parisien qui titre tout en nuances : “Couacs à l’École : les parents n’en peuvent plus !”. On a l’impression que l’École est l’objet d’une instrumentalisation qui la dépasse et aussi d’une sorte de défiance. On peut ainsi lire tous ces recours comme une "désinstitutionnalisation" de l'École où celle ci n'est plus vue comme une institution de la République mais comme un service qui peut faire l'objet de réclamations et d'un recours systématique au tribunal. Mais on peut aussi considérer que c’est un appel à ce que cette machine qui tourne un peu (trop) en circuit fermé prenne mieux en compte les usagers. Alors que la réforme des rythmes a montré la nécessité de faire travailler ensemble les différents partenaires, il semble logique que cette décision unilatérale prise sans concertation soit mal ressentie.
D’une certaine manière, cela signe la fin d’une École, bureaucratique, hors de la société et dont la logique s’imposait à tous. Faut-il le déplorer ou s’en réjouir ?
Espérons en tout cas, que cela ne fasse pas oublier l’intérêt de cette concertation car il ne s’agit rien de moins que de débattre de ce que doivent maîtriser les élèves à l’issue de leur scolarité obligatoire.
Malala Yousakzay et Kailash Satyarthi
Vendredi 10 octobre, les jurés du prix Nobel ont annoncé les noms des lauréats du Prix Nobel de la Paix .Il s’agit de Malala Yousakzay et Kailash Satyarthi. Ils ont été distingués “pour leur combat contre l'oppression des enfants et des jeunes et pour le droit de tous les enfants à l'éducation”. “Les enfants doivent aller à l'école et ne pas être financièrement exploités”, a lancé le président du comité Nobel norvégien, Thorbjoern Jagland. Avec ces deux personnes, c'est donc toute la cause de l'éducation (et notamment des filles ) et des droits des enfants qui est mise en avant et on doit s’en réjouir ! Et c'est aussi un symbole supplémentaire que soient récompensés en même temps une pakistanaise et un indien. Une musulmane et un hindou.
Malala Yousakzay (pourquoi la réduire à son seul prénom ?) est la plus jeune lauréate en 114 ans d'histoire du Nobel. Depuis des années, elle milite pour le droit des filles à l'éducation, ce qui lui a valu d'être la cible d'une tentative d'assassinat qui a failli lui coûter la vie il y a deux ans presque jour pour jour, le 9 octobre 2012. Elle était déjà pressentie pour le Nobel de la paix l'an dernier. Il y a un peu plus d’un an, la jeune Malala prononçait un discours important devant l'ONU.. Elle y déclarait notamment "Nos livres et nos stylos sont nos armes les plus puissantes. Un enseignant, un livre, un stylo, peuvent changer le monde". Malala s'était montrée exempte de tout sentiment de revanche contre ses agresseurs. Elle avait même dit qu'elle souhaitait que leurs filles aillent à l'école. "Les talibans ont pensé que la balle qui m'a touchée nous pousserait à nous taire, mais ils ont eu tort. Au lieu du silence, une clameur s'est élevée. Ils ont pensé changer mes objectifs et mes ambitions, mais une seule chose a changé: la faiblesse, la peur et le désespoir ont disparu et le courage et le pouvoir sont nés. Je suis la même Malala. Mes ambitions, mes rêves et mes espoirs sont les mêmes". A plusieurs reprises, elle a aussi déclaré “Les extrémistes ont peur des livres et des stylos. Le pouvoir de l'éducation les effraie”
Beaucoup moins connu que Malala, l’Indien Kailash Satyarthi a pourtant une légitimité incontestable pour recevoir le prix Nobel. Il organise des opérations commandos pour libérer des milliers d’enfants réduits en esclavage dans les usines du pays. Le militant préside également la « Global March Against Child Labor », un mouvement constitué de 2 000 associations et mouvements syndicaux dans 140 pays. Pour agir en faveur des déshérités, Kailash Satyarthi a renoncé à tout : sa carrière d’ingénieur, sa caste brahmane dont il dénonce les privilèges et même son vrai nom (Satyarthi veut dire « chercheur de vérité »).
Selon les estimations des Nations unies, plus de 57 millions d'enfants, garçons et filles, n'ont pas la chance d'aller à l'école primaire. La moitié d'entre eux vit dans des pays en conflit.
Bonne Lecture...
Philippe Watrelot
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1 commentaire:
Votre raisonnement dans le paragraphe sur la "culture commune" et les "tuyaux disciplinaires" est curieux (sans même évoquer les choix sémantiques, d'une finesse inégalable).
Globalement, vous dites que les tentatives pour donner des formations communes aux divers enseignants aboutit à des usines à gaz sans intérêt, de l'aveu même des stagiaires, comme c'était déjà le cas au temps béni des IUFM. Mais, vous n'en tirez pas les conclusions qui s'imposent, à savoir la nécessité d'une formation en lien direct avec les pratiques professionnelles, et donc très nettement différenciée selon qu'on est enseignant du primaire ou secondaire, et selon la discipline enseignée dans ce dernier cas. Au lieu de cela, vous semblez regretter qu'on n'aille pas encore plus loin dans la mise en place de dispositifs inefficaces.
C'est très à l'image du débat sur les questions éducatives en France, malheureusement : dès qu'on met en place une structure, un enseignement, une réforme, l'évaluation se fait à l'envers, c'est-à-dire que le constat d'inefficacité ou de faible valeur formative est aussitôt suivi d'un discours expliquant que, certes, ce qu'on fait est très mauvais, mais que, potentiellement, dans une réalité parallèle, cela pourrait être très efficace, et qu'il convient donc de généraliser et d'aller encore plus loin dans l'inanité.
A quand la généralisation de la prise en compte de la réalité parmi les analystes des questions éducatives ?
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