samedi, janvier 30, 2016

Bloc-notes de la semaine du 26 au 31 janvier 2016





- Grève(s) – Bac pro – Polémique et rumeurs - Butinages -



Grève, Bacs pros, polémiques et rumeurs sont au menu de ce bloc notes. Mardi 26 janvier c’était jour de grève(s), et les sujets étaient multiples et pouvaient poser un problème de lisibilité des revendications. Cette semaine on fêtait aussi les 30 ans du bac pro et à cette occasion la Ministre a fait quelques annonces pour l’enseignement professionnel. Une ministre au coeur de la tourmente avec une polémique médiatique et des rumeurs autour du prochain remaniement gouvernemental.




Grève(s)
Mardi 26 janvier, c’était jour de grève... Dans la fonction publique à l’appel de plusieurs syndicats et dans l’Éducation Nationale. Pour cette dernière c’était avec des mots d’ordres multiples : pour les salaires (dans le primaire) et aussi contre la réforme du collège (dans le secondaire). D'après les chiffres du ministère de l'Education, environ 11% des enseignants, tous niveaux confondus, ont observé cet appel à la grève. La mobilisation est plus forte au collège (22,3% pour les professeurs de collège) qu'au primaire ou au lycée. Ces chiffres sont nettement inférieurs aux estimations des syndicats (33% dans le primaire, 50% dans les collèges).
Pour les salaires de la fonction publique, un article de L’Obs nous apprend que les représentants de la FSU, de la CFDT et de l’UNSA n’ont pas appelé à l’action, puisque le principe d’une revalorisation salariale avait déjà été accepté par le gouvernement en septembre dernier Mais cela n’a pas empêché des syndicats membres de la FSU (SNUipp, SNES,...) de se mobiliser pour les salaires. Dans le primaire, le principe d’une augmentation de l’ISAE (prime destinée aux professeurs des écoles) avait aussi été acté.
En ce qui concerne le collège, c'est la quatrième fois que l'intersyndicale appelle à la grève sur ce sujet, après mai, juin et septembre 2015. C'est lors de la première mobilisation que la participation avait été la plus forte (27,6% selon le ministère, deux fois plus selon les syndicats).
On retrouve dans les commentaires la sempiternelle querelle de chiffres entre les syndicats et le Ministère. Les uns calculent la proportion de grévistes à partir des personnes potentiellement présentes ce jour là et les autres à partir de l’ensemble du personnel. Il y aurait une manière de mettre tout le monde d’accord c’est de se baser sur le nombre de personnes à qui on a retiré un jour de travail sur leur fiche de paye. Mais alors , il faudrait attendre un mois !
Mais au delà des chiffres la vraie question est bien sûr celle de l’opinion des enseignants et de leur état d’esprit à l’égard de la réforme et plus globalement de la politique qui est menée. Comme l’écrit Mattéa Battaglia dans Le Monde Peut-on la mener à terme en se passant de la collaboration, de l’enthousiasme des premiers concernés ? ”. Au delà de la seule question des moyens, c’est tout l’enjeu des prochaines semaines et des formations qui continuent à se dérouler pour préparer la rentrée 2016

Bac Pro
Le Bac pro fête ses 30 ans nous disent le Ministère et de trop rares articles. Claude Lelièvre nous rappelle sur son blog Médiapart que c’est le 22 mai 1985, au cours de l’émission télévisée ''Parlons France'', que le Premier ministre Laurent Fabius annonçait que le gouvernement préparait “une loi-programme sur cinq ans pour l’enseignement technique”. Le premier ministre précisait que cette loi permettra la création de nouveaux établissements scolaires, les «lycées professionnels», et la mise en place d’un nouveau baccalauréat, le «baccalauréat professionnel». La loi-programme prévoyait également “ l’augmentation de 50 % du nombre des instituts universitaires de technologie (IUT) et la création de plusieurs universités de technologie”. Mais alors pourquoi commémorer la création des bacs pro en janvier ? Claude Lelièvre apporte la réponse : la décision avait été prise quatre mois plus tôt en janvier 1985.
Trente ans après, où en est-on ? Avec 700 000 élèves et près de 1700 lycées, la voie professionnelle fournit chaque année un bachelier sur trois. C'est aussi, comme le dit le Ministère, une "voie de réussite" : 80% de réussite au bac pro et 27% des bacheliers professionnels en emploi 3 mois après le bac.
Mais cet anniversaire était aussi et surtout l’occasion pour la ministre de faire des annonces . C’est le cas avec la mise en place de 500 nouvelles formations “dans les secteurs identifiés comme porteurs pour les jeunes” en s’appuyant sur l’étude de France Stratégie “Les métiers en 2022” ainsi que sur des études produites par les régions. Ces formations débuteront à la rentrée 2017, “le temps de procéder aux recrutements nécessaires d’enseignants spécialisés dans ces domaines”, selon le ministère. Autre annonce : dès la rentrée 2016, les élèves de seconde pro (1600 lycées) auront droit à une semaine de préparation avant leur premier stage en entreprise. Il s’agit à la fois de leur expliquer “ce que le monde de l’entreprise attend d’eux” et de les sensibiliser “ aux règles de santé et de sécurité indispensables”. Mais la principale annonce c'est la création d'une période d'essai en seconde professionnelle. “A partir de la rentrée 2016 les élèves auront la possibilité de changer d'orientation jusqu'aux vacances de la Toussaint”. En fait un nouveau tour d'orientation sur Affelnet aura lieu à ce moment et les conseils de classe pourront valider la demande de réorientation ce chaque jeune. Le Café Pédagogique rapporte que cette annonce a suscité des mouvements divers chez les proviseurs présents dans la salle lors de l’intervention de la ministre... Avec cette mesure dont la mise en œuvre risque d’être complexe, le ministère entend faire de l’enseignement professionnel “l’univers des possibles et non pas un corridor fermé”. Et un choix positif plutôt qu’un choix contraint.


Polémique et rumeurs
Même si cela ne concerne pas directement l’éducation, la semaine a été aussi marquée par le départ de Christiane Taubira du gouvernement. Mais cela n'empêchera pas François Hollande de procéder à un vrai remaniement vers le 8 février nous dit un article paru dans l’Obs. La journaliste Ghislaine Ottenheimer se livre au petit jeu des pronostics : “deuxième objectif de ce remaniement: rééquilibrer le gouvernement après le départ de Christiane Taubira. Il faut recréer une madone de la gauche. Najat Vallaud-Belkacem devrait donc être promue numéro 3 ou 4 du gouvernement. Avec un portefeuille élargi, regroupant toutes les thématiques de la jeunesse! Cela permettrait de fabriquer une icône qui symbolise la génération Hollande, le dynamisme de cette fin de quinquennat. Son couac médiatique sur Canal Plus a été pardonné en haut lieu! […] Mais tout cela n’est que conjoncture et rumeurs. C’est le Prince qui décide. Seul. Et souvent au dernier moment.”.
Toutefois, il faut signaler qu’il y a aussi la rumeur inverse qui circule. On annoncerait le départ de NVB pour qu’elle puisse s’investir plus à Villeurbanne dont elle vise le poste de députée. N’oublions pas, dans ce sens, le communiqué assez énigmatique il y a quelques jours où elle déclarait que la refondation est achevée...
Le texte de Ghislaine Ottenheimer fait allusion à un “couac médiatique sur Canal Plus”. Il faut dire que cette affaire a fait grand bruit au cours de la semaine. Rappelons les faits. Lors de l’émission “Le supplément” le dimanche midi sur Canal Plus, la Ministre qui était venue parler de l’action menée contre la radicalisation s’est trouvée placée à côté du président d’une association humanitaire islamique (dont un des membres est aujourd’hui emprisonné au Bangladesh où il venait en aide aux Rohingyas, une minorité musulmane opprimée). Idriss Sihamedi s’est présenté comme un “musulman normal” mais au cours de l’entretien on a appris qu’il refusait de serrer la main aux femmes ou de condamner l'État islamique. Invitée à réagir à cette séquence, Najat Vallaud-Belkacem décline dans un premier temps : "Non". Puis elle ajoute "Plus exactement, si je devais vraiment réagir, je dirais simplement qu'il faut distinguer à mon avis deux choses : la situation de Moussa (l'humanitaire emprisonné au Bangladesh, ndlr), qui en sa qualité de ressortissant français a droit à une aide et une protection qui, si j'ai bien compris, lui est apportée par l'ambassade, et puis pour le reste je crois que c'est une association qui porte une façon de voir les choses qui n'est pas la mienne, à laquelle je ne souscris pas et qui me met aussi mal à l'aise, honnêtement, sur votre plateau, et donc je n'ajouterai rien".
Cette réaction a été jugée insuffisante par plusieurs éditorialistes et commentateurs et jusqu’à l’Assemblée Nationale où la ministre a été interpellée par plusieurs députés de droite qui semblent avoir fait de N. Vallaud-Beljkacem la remplaçante de Christiane Taubira dans leur acharnement. A tel point que le mardi, elle était contrainte de se justifier dans une interview au Parisien . "L’interview a provoqué une espèce de sidération sur le plateau, explique Mme Vallaud-Belkacem, partagée par l’ensemble des participants et du public. Mon premier mouvement, quand on m’a demandé si je souhaitais poursuivre la discussion, a été de répondre « non » sèchement. Car je refuse de me prêter à ce petit jeu nauséabond consistant à inviter des gens infréquentables pour faire du buzz. J’étais indignée de la tribune qu’on venait de lui donner. Le reste de ma réponse a été un rejet en bloc des propos tenus". Puis à l’assemblée nationale lors des questions au gouvernement elle a rajouté "On ne débat pas contre les ennemis de la République, on les combat. On les combat !".
Dans une certaine opinion enseignante déjà à cran sur de nombreux sujets, cette position a suscité des réactions assez vives et très critiques et donné une occasion supplémentaire d’invectiver la Ministre. “Elle aurait du...” est la rengaine revenue dans plusieurs commentaires. Mais alors que tous ceux qui critiquent en disant "elle aurait du faire ceci ou cela" se demandent aussi ce que eux ils auraient VRAIMENT fait... Certes je ne suis pas Ministre et simple citoyen mais pour être passé quelquefois à la télévision et à la radio et aussi faire régulièrement des interventions publiques, je sais combien cet exercice est difficile. Il m'est arrivé d'être déstabilisé lors d'une émission et d'avoir l'esprit de l'escalier et de penser après coup à ce que j'aurais pu/du dire... On peut donc avoir de l’indulgence pour la personne (plus que la Ministre) et s’étonner aussi de constater que c'est Najat Vallaud-Belkacem qui prend les coups des éditorialistes et des réseaux sociaux et non le pseudo-humanitaire qui ne serre pas la main des femmes... On vit une époque formidable...

Butinages
Comme j’en ai pris l’habitude, on conclut cette revue de presse de la semaine par quelques suggestions de lectures repérées au cours de mes butinages sur la toile.
À l’occasion de la conférence organisée les 28 et 29 janvier par le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) sur l’intégration des enfants handicapés, le sociologue Serge Ebersold fait le point sur leur situation en France dans une interview à La Croix. Il utilise une formule très juste (reprise dans le titre) en parlant à propos du travail des enseignants pour l’inclusion de “Bricolage héroïque”. Tout est dit...
Dans le journal Libération du lundi 25 janvier , François Dubet revient une nouvelle fois sur le caractère profondément inégalitaire du système éducatif français : “Derrière un décor républicain et national homogène, l’offre scolaire reste profondément inégale. Le lycéen français coûte environ 30 % de plus que son camarade de l’OCDE, l’élève de l’école élémentaire environ 20 % de moins. Or, c’est à l’école élémentaire que se cristallisent les inégalités ; près de 20 % des élèves y sont en grande difficulté. Pourrons-nous choisir l’école élémentaire et le collège qui doit en être aujourd’hui le prolongement ? A l’heure où les parents choisissent l’établissement, la filière et les options qui leur semblent les meilleurs, comment garantir une qualité de l’école telle que personne n’ait intérêt à fuir les établissements populaires ? Il ne suffit pas de multiplier les «dispositifs» spéciaux dont nous sommes les champions, il faut s’assurer de la stabilité des équipes éducatives, reconnaître la difficulté des conditions de travail, revoir les modes d’affectation des enseignants. Une légende dorée entoure la nostalgie de l’école républicaine, mais on ne peut ignorer le poids d’une tradition scolaire profondément élitiste. Il s’agit non pas de refuser la formation d’élites scolaires dont les compétences sont utiles à tous, mais de rompre avec une culture commandée par la production des élites, obsédée par le tri des élèves en fonction d’une «voie royale» qui condamne la plupart d’entre eux à des orientations négatives et à un sentiment endémique d’échec et d’incompétence. Enfin, si nous voulons véritablement créer des communautés éducatives, nous avons besoin d’établissements capables d’éduquer les élèves, de leur donner une expérience réelle de la solidarité et de la tolérance, plutôt que d’affirmer des valeurs et des principes que, bien souvent, la vie scolaire dément sans même le savoir.”. La pédagogie, parait-il, est l’art de la répétition. Et Dubet fait donc de la pédagogie...
Plusieurs textes proposent aussi une réflexion sur le métier d’enseignant. On retiendra surtout un article dans The Conversation qui pose en titre la question “T’aimerais être prof, toi ? ”. La chercheuse Dominique Macaire (ESPÉ de Lorraine) rappele que selon une enquête de l’OCDE seuls 5 % des étudiants choisissent cette profession avec une légère préférence chez les filles : 3 % sont des garçons, 6 % des filles. Et elle énumère les raisons que l'on connait déjà pour expliquer le manque d'attractivité : rémunération, conditions de travail, bureaucratie,... Mais elle interroge aussi les conditions de la formation et la difficulté à faire évoluer les pédagogies. Les représentations du métier et de la discipline constituent des obstacles non négligeables. Et elle se demande aussi si, dans les politiques de changement, on a pas oublié la réalité des enseignants en cours de route...

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot


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