dimanche, février 16, 2014

Bloc-Notes de la semaine du 10 au 16 février 2014





- Accord historique – Genre et manipulation – Genre et parapluie- Le monde comme il va… - .



Le bloc notes de la semaine revient sur l’accord syndical à propos du statut des enseignants du second degré. Est-ce un “accord historique” comme le dit un communiqué du ministère ? Ou un accord cosmétique ? Au risque d’y accorder trop d’importance, on revient aussi une nouvelle fois sur la polémique autour du genre qui a pris une dimension politique avec l’entrée dans la danse (du ventre auprès des traditionnalistes) de Jean-François Copé. Il faut aussi évoquer les pressions qui s’exercent auprès des écoles et des bibliothèques. Et se demander s’il ne faut pas arrêter de faire des concessions et de sortir le parapluie et faire preuve (enfin) de fermeté… On évoque aussi le monde comme il va (mal) pour finir…





Accord “historique” ?
Accord “historique” ? ou accord symbolique ?
A propos de l’accord qui vient d’être trouvé mercredi dernier sur l’évolution du métier d’enseignant du second degré, peut-on vraiment parler comme le font certains de la fin des statuts de 1950 ou est-ce seulement un changement cosmétique ? Verre au trois quart plein ou au trois quart vide ? se demande jean-michel Zakhratchouk sur son blog. : “doit-on être ravi devant le consensus, saluer un « bon compromis » et qualifier d’ « avancée » ce qui vient d’être établi, ou au mieux réservé, et pour le moins sceptique : si tout le monde est content, ne s’est-on pas « contenté » (c’est le mot) d’une réformette qui n’engage pas à grand-chose, qui ne change pas grand-chose et pourrait bien alors remettre aux calendes grecques (ou les calendes du « Grand Soir ») les vrais changements que beaucoup espèrent, y compris parmi les signataires de l’accord en question ? ”.
Si le qualificatif d’ « historique » est utilisé par le Ministère, et dans une moindre mesure par les syndicats signataires, la presse est, quant à elle, plus mesurée. Le journal Le Monde parle d’un “accord symbolique ”, Le Figaro évoque un “simple lifting .
Mais en quoi consiste cet accord ? Rappelons que le principe est de rendre visible le travail invisible qui était ignoré par les fameux statuts de 1950 qui ne reconnaissaient que les heures de présence devant élèves. On peut s’en féliciter. On aura donc bien avec cet accord une réécriture du fameux décret de 1950. La nouvelle version, qui prendra effet à la rentrée 2015, tiendra compte de l'évolution du métier. “Nous avons mis de la transparence, de la justice aussi, dans le maquis des décharges, des aménagements de service”, a indiqué le ministre, rappelant aussi la création de décharges en éducation prioritaire annoncées dès décembre. Par exemple, la décharge de “cabinet d’histoire-géographie” qui compensait le temps passé à gérer les cartes affichées dans les salles disparaît, mais des indemnités seront créées pour coordonner une discipline ou s’occuper d’un niveau de classe, selon le ministère. Les enseignants qui acceptent des responsabilités comme la coordination d'activités culturelles, le rôle de professeur principal ou celui de référent pour les élèves décrocheurs percevront dorénavant, une indemnité d'environ 1 200 euros par an, dont les modalités seront clairement établies. Une enveloppe d'une trentaine de millions d'euros est prévue à cet effet.
Mais l’accord trouve vite ses limites et on peut le lire en filigrane dans la déclaration du SNES. “Le ministère a compris dès le début qu’il y avait des bornes à ne pas franchir, notamment les volumes horaires de travail, et qu’il ne fallait pas entrer dans une logique d’annualisation”. “Le montant des indemnités n’a pas été discuté, ce sera fait ultérieurement”, a indiqué Frédérique Rolet, cosecrétaire générale du Snes-FSU, pour lequel l’identité professionnelle est “sécurisée” avec le futur texte. Mais on voit bien que les activités citées plus haut, si elles ont maintenant le mérite d’exister restent considérées comme annexes et ne sont pas l’occasion de réfléchir sur le “cœur” du métier et encore moins d’amorcer une réflexion sur les services enseignants.
Et puis surtout, cet accord ne concerne que l’enseignement dans les collèges et les lycées. On pourra vraiment parler d’un accord “historique” lorsqu’on parviendra à une réelle égalité de traitement (dans tous les sens du mot) entre les enseignants du primaire et les enseignants du secondaire. C’est là, véritablement, qu’on pourra aussi parler de justice et d’équité.

Genre et manipulations
La querelle autour du “genre” à l’École continue et a pris de nouvelles directions. D’abord un tour plus politique avec les interventions à répétition de Jean-François Copé et ensuite en élargissant le champ de la critique non seulement à l’École mais aussi aux livres jeunesse et aux bibliothèques.
La revue de presse de lundi 10 février revenait sur l’intervention de JF Copé au grand jury RTL-Le Monde dimanche dernier . Il s’en prenait à un livre jeunesse paru trois ans plus tôt, “Tous à poil”, dont il affirmait qu’il est recommandé par l’Éducation nationale et qui selon lui serait symbolique d’un gouvernement qui "s'immisce dans leur vie intime". Sur Europe1 quelques jours plus tard, il en rajoute une couche de plus en soutenant que ce livre est en fait un instrument de la lutte des classes.
M. Copé est intelligent (pensez donc, il a fait l’ENA…). C’est donc sciemment qu’il surfe sur la vague de la remise en cause de l’École. Lorsqu’il s’en prend à ce livre de jeunesse ce n’est pas de la bêtise mais du calcul politique. Il cherche à récupérer une opinion traditionnaliste et qui s’est agrégée l’an dernier avec les manifestations contre le mariage pour tous. A la suite de leur chef, plusieurs élus UMP semblent eux aussi, attiser la défiance à l'égard de l'École et jouent ainsi avec le feu... Je retiens cependant une réaction d'un député UMP, Franck Riester qui ne semble pas participer à cette manipulation générale, il s'étonne en effet que ses amis politiques «encouragent les familles à contrôler ce qui se passe en classe alors qu’ils en appellent sans cesse à la restauration de l’autorité du maître».
Une preuve supplémentaire de cette manipulation se retrouve en faisant un petit saut en arrière. En 2011, en effet, l’UMP (avec déjà à sa tête JF Copé) proposait de lutter contre les stéréotypes «dès la maternelle», exactement comme les ABCD de l’égalité d’aujourd’hui c’est ce que nous rappelle Libération et même Le Figaro ( !) . Nadine Morano invitait même à ce que l’on s’inspire du modèle scandinave… !

Genre, pressions et parapluie
Le Monde nous rapporte que des militants d'extrême droite intimident des bibliothèques”. Depuis une semaine, une trentaine de bibliothèques, selon le ministère de la culture, ont été ciblées par des activistes traditionnalistes, demandant le retrait de certains ouvrages dans les rayons jeunesse : dans la ligne de mire, Jean a deux Mamans, Mademoiselle Zazie a-t-elle un zizi, La nouvelle robe de Bill, etc. Mercredi 12 février, sur RMC, Aurélie Filippetti a dénoncé des « attaques scandaleuses » contre les bibliothèques, qui sont des « espaces de liberté ».
Quant aux pressions sur les écoles, elles sont constantes et aboutissent à beaucoup d’inquiétudes. Un article du Monde décrit l’état d’esprit dans de nombreuses écoles . « Dans mon équipe, aujourd'hui, on porte un regard inquiet sur des ressources qu'on jugeait bon, jusqu'ici, d'utiliser », confie une directrice d’école primaire.
On apprend aussi qu’un collège de Tours a annulé une représentation théâtrale qui avait pour affiche une reproduction de L'Origine du monde, de Gustave Courbet, avec un bandeau noir masquant le sexe de femme.
« Tous à poil » n’est plus un outil pédagogique conseillé par le site des ABCD de l’égalité, révèle Le lab d’Europe1. Selon ce site d’information, l’Education nationale, le ministère des Droits des femmes et le Centre national de documentation pédagogique ont refondu leur site. Résultat : leur bibliographie jeunesse n’est plus une « ressource complémentaire » indicative mais un « outil pédagogique » recommandé aux enseignants.
En d’autres termes, face aux risque de pressions, beaucoup de personnes sortent le parapluie…
Pourtant quelques articles nous informent que la deuxième journée de retrait de l’école a fait un flop. Seules 71 écoles auraient été perturbées lundi dernier. Il ne faut donc pas sur-estimer la menace même si cet épisode de défiance à l’égard de l’École ne peut être non plus tenu pour négligeable. Pour revenir sur l’attitude de l’UMP, on ne peut qu’être scandalisé que les déclarations de plusieurs (ir)responsables de ce parti contribuent à entretenir le mouvement et à remettre en cause une institution telle que l’École.
Quelle attitude adopter ? Céder à la pression ou rester ferme ? En guise de réponse, il faut lire l’interview de Vincent Peillon dans Libération et titrée “Nous n’allons pas reculer sur nos valeurs, cela suffit ! ”. Le ministre, dont les services ont semblé reculer et faire des concessions douteuses face aux pressions, adopte dans cet entretien une position ferme : “Nous n’avons pas à nous excuser d’être de gauche ni d’être républicains. Nous n’allons pas reculer sur nos valeurs, sur l’égalité filles-garçons, sur la lutte contre le harcèlement, l’homophobie, les discriminations. Pas davantage sur la priorité à l’école. Cela suffit !
Espérons que ce discours de fermeté sur les principes soit suivi d’effets et conduise à des positions tout aussi claires à tous les échelons de l’administration. Et qu’on évite de sortir le parapluie…

Le Monde, comme il va (mal…)
L'habitat indigne a tué une petite fille de huit ans à Bobigny, mais quel média en a parlé... ? On a préfèrer parler de l’indignation de Copé sur un album de jeunesse.
C’est dans l’incendie d’un bidonville que la petite fille est décédée. Véronique Decker, directrice de l'école Marie-Curie de Bobigny, où était scolarisée la fillette évoque sa mémoire sur BFMTV et dans L’Humanité . Pour elle, Mélissa est "une victime de l'habitat en bidonville, une victime de l'habitat indigne. Ce n'est pas l'incendie qui l'a tuée! C'est notre indifférence à l'existence de l'habitat indigne.".
Un quart des Américains (26 %) ignorent que la Terre tourne autour du soleil et plus de la moitié (52 %) ne savent pas que l'homme descend du singe. C'est ce que révèle une enquête , menée auprès de 2 200 personnes par la Fondation nationale des sciences et publiée vendredi 14 février. Sur neuf questions portant sur des connaissances élémentaires en physique et en biologie, le score moyen des réponses exactes a été de seulement 6,5. Les Européens font-ils mieux ? Une petite recherche nous amène à un article paru dans Le Monde en juin 2012 qui nous donne les résultats d’une enquête réalisée à partir de quelque 33 000 entretiens menés dans une trentaine de pays d'Europe (Turquie comprise). Face à l'affirmation suivante – "le Soleil tourne autour de la Terre" – 29 % des personnes interrogées ont déclaré qu'elle était vraie, 66 % l'ont jugée fausse (ce qu'elle est) et 4 % ne savaient pas ou ont refusé de répondre. Et les russes sont 32% à penser que le soleil tourne autour de la Terre. L’article pose donc la question : “pourquoi le savoir scientifique peine-t-il à s'inscrire dans nos cerveaux ? ”. Selon plusieurs recherches — et l’expérience pédagogique nous le prouve au quotidien — lorsque les écoliers, collégiens, lycéens et étudiants suivent des cours de sciences, ce qu'on leur enseigne entre parfois en conflit avec ce qu'ils savent intuitivement du monde car, lorsqu'ils arrivent en classe ou en amphi, leur cerveau n'est pas une feuille vierge attendant d'être imprimée. C’est ce que l’on appelle les théories "naïves", au sens d'"empiriques" ou plus simplement les représentations. Et selon la belle formule d’André Giordan, pour l’enseignant “il faut faire avec pour aller contre”.
Et sans le vouloir (quoique…) nous retombons sur la problématique du “genre”. Une partie de la difficulté vient de ce que certaines familles ont des représentations qui entrent en contradiction avec ce qui est enseigné à l’École. Dans le cas de la question du genre, cela est en plus renforcé par le fait que, pour beaucoup de personnes, les sciences sociales n’ont pas la même légitimité scientifique que les sciences “dures”. Mais il ne faut pas pour autant renoncer devant la difficulté et les résistances. Faire prendre conscience des déterminants culturels et sociaux et des stéréotypes grâce aux sciences sociales est le chemin pour éventuellement s’en émanciper. C’est bien de l’enseignement et non de l’idéologie… !

La revue de presse prendra un rythme aléatoire pendant la période des vacances d’hiver en fonction de l’actualité et de la disponibilité des différents rédacteurs.

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

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