samedi, novembre 23, 2024

Un petit coin de ciel bleu ?


Il est toujours difficile de dégager des conclusions d’une tendance encore récente et dont on ne sait pas si elle va se poursuivre. Mais ces dernières semaines, de ce que j’observe, on a assisté à un reflux d’inscriptions sur X (ex Twwitter) et parallèlement une augmentation des arrivées sur BlueSky. 

L’implication de Musk dans la campagne de Trump, et demain dans son équipe gouvernementale a déclenché, en effet, une deuxième vague de départs. Le premier mouvement s’était fait lorsque le milliardaire avait racheté le réseau social. 

Il est vrai que les plaintes contre X (j’ai pas pu résister...) sont multiples. L’absence de régulation érigée en principe par le patron libertarien se combine avec une orientation de la lecture qui va mettre en avant des comptes auxquels vous n’êtes pas abonné. X devient donc de plus en plus un lieu de propagande et de désinformation et surtout le lieu d’une agressivité débridée. 


Où vont les  « déçus » de X ? 

Notons d’abord que s’il y a un reflux, il n’y a pas pour autant un exode massif. Beaucoup créent (ou réactivent) un compte ailleurs mais sans pour autant supprimer définitivement leur compte Twitter. Il y a une forme d’attentisme qui tient à la position monopoliste du réseau sur lequel je reviendrai. 

Il y a, en gros, trois alternatives (Linkedin étant un cas à part, même s'il connait aussi un changement de pratiques). Mastodon a été créé dans une logique coopérative et déecntralisée. Threads est une émanation de Meta, la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp. BlueSky a été créé en 2019 (mais diffusé vraiment à partir de 2022) par Jack Dorsey, l’ancien fondateur de Twitter. Celui-ci s’est désengagé de BlueSky récemment. 

Après un engouement à sa création, Mastodon marque le pas. La complexité de la structure semble le desservir. La proximité de Threads avec Facebook et surtout Instagram est à la fois un atout et un inconvénient. C’est une création d’un GAFAM et l’usage des données peut là aussi poser question tout comme l’interface qui « oriente » un peu trop la lecture (on retrouve un onglet « pour vous » par défaut au détriment des comptes suivis). Il semble cependant qu’aux États-Unis, Threads soit sur une bonne dynamique de développement adossée à Instagram.

Mais dans notre petit monde, c’est plutôt BlueSky qui profite de cette logique de recherche d’une alternative. Depuis plusieurs jours, j’observe un nombre d’inscriptions en très forte hausse à mon compte BS. Mais cela se retrouve au niveau global. Les statistiques sont très parlantes. Même si le rapport de forces est toujours déséquilibré : 20 millions d'inscrits (mais pas forcément utilisateurs) pour Bluesky, 550 millions pour X, 8 millions d'inscrits pour Mastodon (2M actifs)  et 100 M pour Threads.



Attentisme

Peut-il y avoir un effet de bascule ? On voit un certain nombre de médias et de comptes publics annoncer qu’ils se désengagent de X et ne plus y publier. Mais cela peut-il suffire ? Le réseau bénéficie d’un effet de dimension qui rend difficile la mutation. Lorsque X a été interdit au Brésil, cela a bénéficié aux autres réseaux mais les utilisateurs sont ensuite revenus vers lui lorsque le blocage a pris fin. Il faudrait qu’il y ait vraiment un départ massif et concerté pour que les choses changent et qu’il perde son statut de média et de "place publique" (avec tous les défauts déjà cités). Ce n’est pas gagné et c’est ce qui explique l’attentisme. 

Beaucoup espèrent que BlueSky retrouve l’esprit des réseaux sociaux des débuts. Mais ce monde virtuel  où on pouvait échanger avec des personnes aux avis différents et trouver de l’information alternative, est largement fantasmé. Pour évoluer sur ces réseaux depuis 2009 (et dès 2002 sur les forums), je peux témoigner que l’agressivité y était déjà forte tout comme la désinformation. On peut craindre que si BlueSky atteint une taille critique, on y retrouve les mêmes phénomènes avec les mêmes trolls et autant de haters...

En fait, ce qui est en jeu, outre la nécessaire régulation de ces nouveaux médias, c’est notre capacité à accepter la contradiction et le débat régulé  et argumenté. Si les « gentils » quittent X, ils se retrouveront entre eux dans leur propre bulle informationnelle et abandonneront le combat en laissant le terrain aux haineux sans contre-pouvoirs. 

Le petit coin de ciel bleu des Bisounours peut être entouré de bien sombres nuages...


Ph Watrelot le 23 novembre 2024. 


PS : Concrètement, cela signifie, pour ce qui concerne ma pratique des réseaux, que je vais désormais diffuser aussi sur Bluesky l'essentiel de ma veille sur l'actualité éducative que je réservais jusque là à Facebook et Twitter. A terme, je n'exclus pas de quitter X. 


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