Certains pourront trouver cela dérisoire et ils auront sûrement
raison... Mais j’ai envie de vous faire part de la suite de mes mésaventures
avec Facebook. Car cela peut être intéressant pour ceux qui pourraient se trouver
confrontés à la même difficulté et surtout cela me semble dire des choses
intéressantes sur l’évolution des réseaux sociaux.
Résumé de l’épisode
précédent
Comme je l’ai déjà expliqué dans
un précédent billet de blog, mon compte a été déconnecté, jeudi 19 février.
Je me suis retrouvé dans l'impossibilité d'accéder à mon profil et avec le
message suivant qui apparaissait : « Il
semblerait que vous utilisiez, un profil pour représenter une organisation. une
entreprise, une marque ou une personnalité publique. Les profils personnels sont réservés aux individus et doivent
comprendre un vrai nom et prénom (par exemple Jean Dupont) Les Pages Facebook
sont similaires aux profils, mais elles offrent plus d'outils aux
organisations, entreprises, marques et personnalités publiques pour entrer en
contact avec les personnes susceptibles de s'intéresser à elles. Afin de respecter les Conditions
d'utilisation de Facebook et de vous permettre de mieux atteindre votre
audience, nous allons devoir convertir votre profil en Page. Les amis de votre
profil actuel seront transférés vers votre nouvelle Page en tant qu'abonnés. »
Je déteste les situations qui vous mettent devant le fait
accompli...
Mais après avoir pesté, tenté de joindre un quelconque
service en vain, je me suis résigné à faire cette manipulation.
Déconvenues
1er constat : j'ai perdu tous les messages
précédents (sauf les images) ainsi que les commentaires associés à ces messages.
Mon mur Facebook était une sorte d’archive et de forum et cela vient de
disparaitre. Dommage...
2ème constat : c'est nettement moins pratique. Il faut avoir à la
fois un compte personnel pour administrer une page et pour lire les messages des
autres (la seule page ne permet pas de voir ce que publient les abonnés, or pour faire de la "veille" c'est indispensable). Vous
devez donc sans cesse naviguer entre les deux.
3ème constat : la visibilité est nettement plus faible et suscite
moins de réactions. En plus on ne peut pas être notifié des commentaires quand
il y en a, ce qui rend vraiment plus difficile l’interaction et aussi le
contrôle de la teneur des messages (insultes, propos répréhensibles,...)
4ème constat : dès qu’on rentre dans la logique des pages, on vous
considère comme une source de monétisation et il faut payer pour être plus visible
et augmenter son “organic reach" et le
transformer en “paid reach”...
5ème constat : je ne comprends pas pourquoi c'est tombé
sur moi alors qu'il y a plein d'autres comptes qui pourraient rentrer dans
cette catégorie de la confusion entre individu et organisation. La rançon du
succès ou de la malveillance ?
Leçons
Amis, apprentis “community
managers” d’associations et autres organisations non marchandes attendez
vous à vivre des jours difficiles...
Car, visiblement, le durcissement de la politique de
Facebook sur la véracité des comptes personnels ne semble pas être lié à une
volonté de lutter contre l’anonymat ou d’autres principes éthiques. Il s’agit
d’abord et avant tout de “monétiser” le réseau social. Celui-ci reste gratuit
pour les particuliers mais devient très vite payant pour tous ceux qui sont
susceptibles de rentrer dans une logique marchande. “Quand c’est gratuit, le produit c’est vous...” dit un célèbre
dicton de l’Internet. La formule devient un peu plus complexe et s’inscrit
dans la logique de remise en cause de la neutralité
du web : “si tu veux être vu, il
faut payer...” Et dans une logique monopoliste, pas moyen de négocier...
Une autre leçon de cette mésaventure est à rechercher dans
la standardisation et la réduction des usages imposée par Facebook. Au début de
l’informatique, on distinguait les logiciels “ouverts” des logiciels “fermés”,
ceux qui permettaient plusieurs usages de ceux qui imposaient un seul mode
d’action. On peut tenir le même raisonnement aujourd’hui pour les outils
numériques. Facebook au départ était un “trombinoscope” (c’est ce que veut dire
le nom en anglais) mais est très vite devenu un outil multi-usages permettant
aussi bien de partager des photos de famille que des informations militantes ou
des messages commerciaux avec une frontière assez floue entre personnes
physiques, personnes morales, personnalités/militants/individus... Mais
aujourd’hui on semble aller vers une typologie plus rigide. On est soit une
“organisation”, soit une “personnalité publique” ou un individu lambda... Et de chacun on attend un mode d'action et un seul.
Et la
confusion, ou plutôt la complexité de la vie, n’est plus de mise dans un monde paradoxalement à la fois de plus en plus marchand et d’une extrême rigueur bureaucratique.
La suite ?
Je vais donc m’adapter à cette difficulté supplémentaire.
Car je continue à penser, malgré tout, que c’est un outil pour fabriquer du
réseau, échanger et diffuser des idées (et pas forcément des “produits”). Or, dans ma démarche personnelle et
militante, c’est ce qui m’intéresse. Je compte sur les amis/abonnés pour rester
sur cette dynamique.
Mais, je suis un peu amer de constater que ce réseau
patiemment construit depuis 2009 est remis en question par cette décision
unilatérale qui complique grandement les choses et m’oblige à recommencer presque à
zéro...
L’amertume est aussi de constater que dans le mot « réseau
social », le “réseau” a
tendance à se distendre et le “social”
laisser un peu plus la place à l’“économique”...
Philippe Watrelot
Ajout du 24 février 2015 :
J'ai retrouvé mon compte Facebook initial (moins la mention “Cahiers Pédagogiques") avec toutes les archives et les commentaires. J'avais envoyé un peu au hasard une demande de réactivation de compte avec une copie de ma carte d'identité et j'ai reçu une réponse d'un certain "René, Community Operations Facebook" qui me dit "Nous vous remercions d’avoir confirmé votre identité. Nous avons débloqué votre compte et vous devriez maintenant pouvoir vous connecter. Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée."
Merci René ! Je ne pense pas que ce soit le résultat d'un revirement de la part de Facebook mais simplement le fait que j'ai joué sur plusieurs tableaux.
Quant à la “gêne occasionnée" Facebook m'a juste fait perdre du temps et de l'énergie en m'obligeant à créer une page et un nouveau compte perso (que je viens de désactiver) et m'a pourri la vie pendant quelques jours mais on va espérer que maintenant c'est du passé...
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