- Vendredi 13... – Un peu d’espoir... ? – Programme des programmes -
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Le bloc notes bloque sur les notes... ! L’essentiel de celui ci portera sur l’annonce du vendredi 13 ( ! ) que la ministre ne retenait pas la proposition de la Conférence Nationale sur l’Évaluation d’interdire les notes jusqu’en 6ème. On essaiera d’analyser cette décision et sa portée en en proposant une version pessimiste et une version “optimiste”.
Et on s’intéressera aussi à la dernière version du socle commun qui a été votée le 12 février dernier.
Et on s’intéressera aussi à la dernière version du socle commun qui a été votée le 12 février dernier.
vendredi 13...
C’est donc Vendredi 13 février que la conférence nationale sur l’évaluation des élèves , lancée en juin 2014 à l’initiative de Benoit Hamon, a débouché sur sept recommandations. On peut en lire le détail sur le site de la conférence ou un résumé dans un article du journal Le Monde Dans sa recommandation n°3, le jury proposait de «généraliser l'abandon de la notation chiffrée tout au long des cycles 1, 2 et 3, classe de 6e comprise, et de la remplacer par un autre type de codage reflétant la situation de l'élève».
Najat Vallaud-Belkacem a fait savoir par son entourage qu’elle ne retenait pas cette proposition n°3. En ce qui concerne les autres points, les arbitrages seront rendus en avril. La ministre de l'Education nationale et le président de la République ont toujours dit qu'«une suppression des notes chiffrées n'était pas à l'ordre du jour», fait-on valoir rue de Grenelle, précisant que l'objectif était d'aboutir à une évaluation «plus fine, plus exigeante» mais qui «ne décourage pas» les élèves.
Rude vendredi 13 pour les pédagogues ! Car la première lecture que l’on peut faire de cette annonce n’est pas très positive même si on peut aussi voir, malgré tout, quelques motifs d’espérer ou en tout cas de nuancer l’impression de départ.
Le signal donné n’est en effet pas très positif. Car la première traduction que l’on peut faire de cette réponse de la ministre est : “le système n’est pas réformable”. C’est en tout cas, ainsi que beaucoup vont lire cette annonce. Et, en soi, c’est déplorable. On a l’impression que c’est la frilosité qui l’a emporté et que la dynamique de la refondation semble bien loin. Par cette non-décision, on passe par pertes et profits le travail de tous ceux qui se sont investis dans ce débat. On peut même craindre que cela menace les expériences innovantes qui se développent et qui manquent cruellement de soutien. En tout cas ce pas-de-clerc rendra les enseignants encore un peu plus sceptiques, si c'est encore possible, vis à vis de toute annonce ou consigne institutionnelle d'un peu d'ampleur, et justifiera l'à-quoibonisme de ceux qui étaient de toute façon contre. Ce n’est donc pas un signal encourageant et cela augure mal de l’attitude du gouvernement face aux prochains dossiers comme la redéfinition du socle commun et la rénovation du collège. Pour reprendre une question déjà posée : le changement, c’est maintenu ?
Autre traduction possible de cet épisode : “on se débarrasse du mistigri que nous a refilé Hamon... ”. Car il faut bien dire que ce dossier semblait piégé dès le départ. Quand on relit le bloc notes du 29 juin 2014 qui suit cette annonce par Benoît le bref, on voit dès le départ que les craintes sont nombreuses. Ainsi Marie-Caroline Missir, dans L’Express rapportait les propos d’un recteur (anonyme) qui s’interrogeait "Mais que va faire Benoît Hamon dans ce guêpier de la notation?". On trouve la même critique chez Maryline Baumard dans Le Monde qui s’interrogeait : “Benoît Hamon a-t-il bien évalué… les risques ?. ” Et elle ajoutait : “en faisant de cette discussion un objet politique et non scientifique, le ministre affaiblit la réflexion qu'il souhaite. Benoit Hamon a ouvert ce dossier de l'évaluation contre l'avis de la direction générale de l'enseignement scolaire, contre celui de l'inspection générale et sans le Conseil national d'évaluation du système éducatif (CNESCO) ”. Pour ma part (pardon de m’auto-citer), dans mon bloc-notes du 14 décembre 2014 j’alertais sur le piège politique qui était tendu : « l’enjeu de ce débat n’est pas négligeable. Si la montagne accouche d’une souris, les dégâts peuvent être importants en termes d’images et par ricochet pour l’ensemble de la “refondation” » Un article du Monde pointe un autre aspect en indiquant que ce dossier cadre mal avec le ton de fermeté adopté récemment depuis les attentats. Et on retrouve alors la sempiternelle (et idiote) accusation de "laxisme" collée à la remise en cause des notes.
Autres traductions de cet épisode : “Moi, Président de la République, je ne me suis jamais intéressé à la pédagogie, ce qui m’intéresse ce sont les voix des enseignants...”. On peut faire d’abord l’hypothèse que la décision a été arbitrée à l’Élysée plutôt que Rue de Grenelle et on suppose que l’appétence de François Hollande pour la pédagogie est faible voire nulle et que sa conception de l’enseignement reste conservatrice. "L'école doit continuer à noter", avait déclaré François Hollande le 21 janvier, lors de ses vœux à la communauté éducative. On peut y voir aussi, me semble t-il, une dimension électoraliste. La priorité accordée à la jeunesse par la promesse quantitative des 60 000 postes durant la campagne de 2012 visait essentiellement à faire revenir les enseignants dans le giron de l'électorat du PS. Mais dès qu'on sent qu'il peut y avoir des frictions avec les "conservateurs" en matière d'école, et dans la perspective de 2017, on se garde bien de bouger quoi que ce soit ...
La suppression des notes était un sujet relativement secondaire et la question était très mal posée dans le débat public, on peut en convenir, mais c’était intéressant de savoir si le gouvernement aurait l'audace de "tenir". Cela aurait pu certainement "faire bouger les lignes” Parce qu'à force d'attendre qu'elles bougent toutes seules, ces fameuses lignes elles ne bougent jamais...
On peut donc être pessimiste et, au final, peu surpris de cette décision. La surprise ? elle est peut être surtout dans le fait qu'on se rend compte qu'il y avait des gens qui y croyaient quand même un peu...
Un peu d’espoir...
Essayons toutefois de nuancer et de prendre du recul. Dans son dernier billet de blog sur Mediapart, Claude Lelièvre se livre à une défense de la position ministérielle. Il indique que si la Conférence Nationale sur l’évaluation avait pour but de faire quelques recommandations d’ordre général, “les propositions de ''préconisations'' (précises et opératoires) dans le domaine de l'évaluation (conformément à la « Loi sur la refondation de l'Ecole ») devraient être du ressort du Conseil supérieur des programmes, en articulation étroite avec ses préconisations en matière de programmes et de maîtrises de tel(s) ou tel(s) type(s) de connaissances et/ou compétences ”. En somme, l’ami Claude Lelièvre nous dit qu’il faut attendre les autres arbitrages et surtout la mise en œuvre concrète du nouveau socle commun par le CSP pour voir les réels changements.
On rappellera en effet que dans ses propositions rendues publiques fin novembre 2014, le Conseil Supérieur des Programmes faisait déjà des propositions assez audacieuses sur l’évaluation sans aller toutefois jusqu’à la suppression des notes. Coupler socle et évaluation pourrait être une forme de session de rattrapage...
Mais surtout, ne sommes nous pas victimes d’une illusion ? Comme le dit un de mes correspondants suisses sur les réseaux sociaux qui regarde cela d’un air amusé «Demander au ministre de l'EN de se prononcer sur l'évaluation, c'est comme demander au ministre de la santé de choisir la meilleure technique pour remplacer une valve cardiaque défectueuse.» Mais dans le système très centralisé qu'est la France, il y a un fonctionnement qui reste très vertical. Toute cette affaire, aussi bien la mise en place de cette conférence que la non-décision de la Ministre montre bien les limites d'un tel système de gouvernance. «Le système n’est pas réformable», c’est le signal qui semble donné par cette non-décision, disions nous plus haut. Mais peut-être sommes nous tous victimes d’un fantasme jacobin et centralisateur qui nous fait croire encore que les réformes se font par une décision venue d’en haut et redescendant impeccablement jusqu’aux cahiers de chaque élève...
Programme des programmes
Vendredi dernier, Michel Lussault, le président du Conseil Supérieur des Programmes a remis à la ministre le résultat des délibérations de son conseil. Il s'agit de la nouvelle version du « socle commun de connaissances, de compétences et de culture ». Michel Lussault, préfère parler du “programme des programmes” un “cahier des charges pour les attendus de fin de scolarité obligatoire.Le document de 15 pages que Le Monde commente dans un article, détaille les cinq “grands domaines de formation” qui doivent succéder aux sept “piliers” nés de la loi Fillon de 2005 :
1- Les langages pour penser et communiquer
2- Les méthodes et outils pour apprendre
3- La formation de la personne et du citoyen
4- Les systèmes naturels et les systèmes techniques
5- Les représentations du monde et l’activité humaine
Comme l’indique le rapport du CSP les cinq domaines ne se déclinent pas séparément. Ils ne correspondent pas à de nouvelles disciplines qu’il serait possible d’appréhender distinctement les unes des autres, mais définissent de grands enjeux de formation. Chaque domaine de connaissances et de compétences requiert la contribution de toutes les disciplines et démarches éducatives, chaque discipline apporte sa contribution spécifique à tous les domaines. « Nous avons fait le pari de les décrire en nous plaçant non pas du point de vue de l’enseignant, mais toujours du point de vue de l’élève, ce qu’il doit savoir, savoir faire, comprendre et analyser», souligne Michel Lussault. On a envie de rajouter à cette liste “et comment il sera évalué”...!
Reste à connaître les « programmes de cycle », que le CSP doit remettre dans un mois. Ce sont eux qui donneront à un document “un peu elliptique” reconnaît M. Lussault, “une forme et un sens concrets”. Le printemps sera t-il pédagogique ?
Bonne Lecture et n’oubliez pas d’aller voir aussi la rétrospective de la semaine en dessins... !
Philippe Watrelot
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