Faites l'expérience...
Face à un collègue qui pérore en salle des profs en prenant tout le monde à témoin sur le "niveau-qui-baisse" ou les "pédagogos" et qui pense qu'il exprime un avis partagé par tous, dites simplement “je ne suis pas d'accord avec toi" ou mieux encore "tes propos me choquent".
Vous verrez son étonnement et sa difficulté à admettre que son avis ne puisse pas être partagé par tous.
Ainsi, juste avant les vacances, face à un collègue qui s'indignait des attaques contre les disciplines et les “gens des IUFM", responsables de tous ces "délires" et qui ne sont plus dans les classes depuis longtemps et qui concluait face à l'idée même de réforme par un bras d'honneur, je lui ai répondu que je personnifiais tout ce qu'il venait de rejeter : j'étais plutôt pour la réforme, je travaillais à l'ESPÉ en temps partagé et on pouvait me cataloguer comme “pédago". Il est resté bouché bée quelques instants avant de dire, embêté, “oui, mais toi c'est pas pareil...”
Il y a toujours un mythe, me semble t-il, d'une profession unie ("tous ensemble, tous ensemble..") et avec des idées semblables. Et une vraie difficulté à penser la diversité du métier et la “dispute” . Quand parle t-on métier et manière de faire dans les salles des profs ?
C'est aussi avec cette difficulté à penser la diversité et la contradiction, je trouve, qu'il faut interpréter les réactions sur les réseaux sociaux de la part de certains opposants à la réforme visant à renvoyer ses partisans à une sorte d'extériorité. Les partisans de la réforme ne seraient pas "sur le terrain", ils ne seraient pas dans les classes...
Ce procès en légitimité est particulièrement vif notamment à l'égard de certains syndicalistes (déchargés de cours). Il est curieusement absent pour les intellectuels et éditorialistes opposés à la réforme !
Dans un tel contexte, celui qui ne pense pas et n'agit pas comme la “norme" (supposée) de la salle des profs l'impose est considéré comme un déviant.
Une norme qu'il faut questionner parce que c'est souvent le silence qui est opposé à ces déclarations péremptoires. Un silence qui signifie plutôt qu'on ne veut pas rentrer dans le conflit plus qu'un assentiment. J'ai en tête des récits de collègues qui voulaient innover ou travailler différemment et qui se sont trouvés confrontés à une pression sociale très forte de la part de leurs collègues à la limite du harcèlement.
Et si je n'exagère pas je ne généralise pas non plus, heureusement ce n'est pas le cas partout mais cette difficulté à penser la diversité est réelle.
Pour finir, et faire le lien avec ce qui se passe aujourd'hui dans les réseaux sociaux, je dirais que, trop souvent, nos bons vieux réflexes très français fondés sur une culture du conflit nous amènent à penser “camp contre camp" là où les espaces de dialogues et de “disputes” professionnelles pourraient permettre un dialogue constructif et un peu plus serein.
Car nous sommes collègues, malgré tout...
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