Le programme de Benoit Hamon
a
été présenté à la presse jeudi 16 mars. Il comporte un volet “éducation” qui se situe dans la continuité de la politique menée depuis
2012 et auquel il a lui même contribué comme (éphémère) ministre. On y retrouve
des promesses sur les postes, la revalorisation des enseignants, la priorité au
primaire, la mixité sociale… Il faut noter aussi quelques nouvelles
propositions comme le “service public du soutien scolaire”. Les principales réformes
ne sont pas abandonnées même si on sent poindre aussi une certaine prudence. Il
est vrai que l’enjeu est complexe : comment ne pas renier cet héritage tout
en ramenant dans le giron du PS des enseignants qui semblent s’en éloigner... ?
Un héritage à assumer
A la lecture des discours et
des interviews, on a le sentiment que pour Benoit Hamon, l’éducation est le
domaine où le quinquennat a le mieux réussi et où les engagements ont été généralement
tenus. Il y voit une vraie politique éducative de gauche. Si l’objectif de Benoît
Hamon est de se démarquer, sur ce sujet, c’est plutôt de ses concurrents que de
la politique éducative menée pendant cinq ans.
B. Hamon se situe donc dans
la continuité du quinquennat Hollande et les principales mesures le montrent.
Il veut continuer à revaloriser
les enseignants, créer de nouveaux postes (40.000) et donner la priorité au primaire
créer et diminuer les effectifs élèves, Le candidat socialiste annonce 9
milliards d'investissements dans l'éducation sur le quinquennat.
Il y a quelques mesures
nouvelles mais qui, elles aussi, se situent dans la logique du quinquennat précédent.
On le voit avec la volonté de créer un système d'aide pour les écoliers et collégiens.
Et c’est aussi le cas avec le droit à la scolarisation dès 2 ans dans les REP
et l’abaissement de la scolarité obligatoire à 3 ans (seuls 5% des enfants de
cet âge ne sont pas scolarisés).
L’embarras se lit en revanche
pour la réforme du collège. Le candidat est convaincu que si on veut que la réforme
s'applique, l'adhésion des enseignants est nécessaire. Il envisage donc de « prendre le temps d'écouter les enseignants».
C’est la même position pour une éventuelle réforme au lycée : prendre le temps
du diagnostic et du dialogue avant une éventuelle réforme.
Toutefois, il y a une volonté
de préserver l’essentiel de la réforme. Il est intéressant de lire le
communiqué où Benoit Hamon répond à Emmanuel Macron qui propose le rétablissement
des classes bilangues. Selon les rédacteurs de ce commniqué cela revient à « réinstaller
un système qui réserve l’apprentissage de la 2ème langue vivante à quelques
enfants et favorise l’entre-soi social et culturel. Il [E.Macron] réserve l’excellence éducative à quelques élèves
quand nous en avons fait un vecteur de la réussite de tous. Benoit Hamon considère
au contraire qu’il est plus ambitieux de maintenir l’apprentissage de la deuxième
langue vivante pour tous les élèves dès la 5ème et de programmer, avant la fin
du quinquennat son début dès la classe de 6ème. »
Même si on peut penser que
le vote pour un candidat ne se fera pas forcément en fonction de son programme éducation
mais sur un bilan plus global, il faut tenir compte que les motifs de
contentieux avec une partie des enseignants se situent sur ce domaine. Plus que
de l’embarras, on peut voir aussi une forme de courage à ne pas reculer sur des
points (collège, rythmes,…) qui ont pourtant cristallisé des mécontentements.
Fidèle aux postes
Malgré les 54 000 postes créés sous Hollande (dans l’enseignement scolaire), on n'a
toujours pas retrouvé le nombre d'enseignants du début du quinquennat Sarkozy. Le
projet de B. Hamon prévoit donc le recrutement de 40.000 enseignants supplémentaires dont
20.000 dans le primaire « pour qu’il n’y
ait pas plus de 25 élèves par classe en CP, CE1, CE2 et pas plus de 20 élèves
dans les REP, et REP +, les outre-mers et les territoires ruraux».
Sur cette mesure précise,
elle rentre en compétition avec celle d’ Emmanuel Macron. Le candidat d'« En
marche ! » promet de mettre 12 élèves par classe dans les CP et CE1 des écoles
de l'éducation prioritaire. Ce que propose Benoît Hamon est moins percutant
mais peut-être plus réaliste.
Même si je sais que ce qui
va suivre va faire hurler, il faut rappeler que le lien entre taille de classe
et performance des élèves n’est pas clairement établi par la recherche. Il s’agit
donc plus d’une mesure qui agit sur les conditions de travail des enseignants,
ce qui est déjà beaucoup.
Par ailleurs, 15 000 postes
seront crées pour la formation continue et 2 000 postes pour garantir le
remplacement des enseignants absents. A ces 37000 postes créés, s’ajouteront 3.000
postes volants pour garantir un droit à la scolarisation dès 2 ans dans les
REP.
Les questions posées par ces
annonces de créations de postes sont assez simples à formuler.
On peut d’abord s’interroger
sur le vivier de recrutement. En l’état actuel de l’organisation de la
formation et du niveau de recrutement (fin de l’année de M1) la question de
savoir si le nombre est suffisant est légitime. Il semblerait que l’équipe du
candidat évoque d’ailleurs un pré-recrutement en L3 suivi de deux années de
formation payées. On sortirait enfin du compromis boiteux qui a présidé à la création
des ESPÉ. Et si on en profitait aussi pour revoir la formation ?
Ensuite, une fois ces postes
créés et budgétés, encore faut-il qu’ils soient pourvus. Ce qui pose la
question des concours et du niveau mais surtout celle de l’attractivité du métier.
L’autre question dépasse le
seul cadre de l’éducation nationale et est au cœur du débat sur les contraintes
budgétaires. Peut-on à la fois créer des postes et en même temps revaloriser
les salaires ? On ne va pas ici entamer un débat de politique économique
mais la question ne manquera pas de venir sur le tapis.
Enseignants : Revalo et formation continue...
B. Hamon annonce le
doublement de l'ISOE (indemnité destinée au secondaire) et de l'ISAE (pour le
primaire), soit environ 800 millions versés aux enseignants.
On peut se réjouir de ces
mesures tant la question de la rémunération des enseignants est un élément fort
du sentiment de déclassement présent chez de nombreux collègues. Mais on se
garde bien ici d’aborder la question d’une (re)négociation du statut et des
missions des professeurs. Il y a eu une négociation en 2014 mais très (trop) timide au regard des enjeux. On ne peut s’empêcher d’avoir en tête l’exemple de la “revalo” de 1989 où la lutte
syndicale a fait un préalable de l’augmentation de salaires sans qu’il y ait au
final de réelles contreparties et évolutions.
Une nouvelle revalo sans
contrepartie ? comment louper l'instauration du travail en équipes, l’obligation
de formation continue ou un système de remplacement local cohérent négocié ?
Sur le plan de la formation,
il annonce : « Je mettrai en œuvre
un grand plan de formation continue des enseignants pour valoriser leur travail
et leur carrière. En fonction de son ancienneté et des besoins qu’il exprimera,
chaque enseignant bénéficiera tous les ans de 3 jours, 5 jours ou 10 jours de
formation. » Une bonification du nombre de jours de congés de formation
serait attribuée aux enseignants en fonction du temps passé en REP.
Là aussi, on peut voir cela
positivement, car la formation continue est vraiment sinistrée, mais aussi
trouver cette mesure un peu timide. On aurait pu aller vers une obligation de
formation avec un plan de développement professionnel négocié au niveau de
chaque établissement et de chaque enseignant. Cette annonce d’une obligation de
formation avait pourtant été formulée en 2012 avant d’être abandonnée faute de
volonté politique face à la pesanteur technocratique.
Mixité sociale
Un autre domaine où le
programme du candidat du PS se situe dans le prolongement de l’action menée
actuellement est celui de la mixité sociale.
Le programme propose une
politique de redécoupage de la carte scolaire axée sur la sectorisation, l’affectation
et une contractualisation avec l’enseignement privé pour qu’il participe à l’effort
de mixité sociale. La redéfinition aussi des zones d’éducation prioritaire se
ferait avec la mise en place d’un indice social transparent qui « évalue objectivement les établissements qui
font face aux difficultés sociales les plus importantes afin d’y allouer plus
de moyens.»
La mixité à l'école serait
aussi renforcée avec la généralisation des expérimentations actuelles (comme
par exemple les secteurs multi-collèges) lancées par l'actuelle ministre Najat
Vallaud-Belkacem.
Comment compte-t-il faire en
pratique ? Avant lui, aucun responsable politique n’a vraiment réussi à avancer
sur cette question complexe qui concerne plusieurs acteurs. Le gouvernement ne
peut pas agir sans l'appui des collectivités locales qui sont normalement compétentes
pour la sectorisation. Passera-t-il par la loi pour obliger les chefs d’établissement
du privé à jouer le jeu ? Va t-on rallumer une guerre public-privé ?
Autant de questions pour un sujet explosif et pourtant essentiel.
Service public du soutien scolaire
« Il faut inclure dans le temps scolaire des élèves le travail personnel
et les devoirs qui, aujourd’hui, sont à faire à la maison. L’école et le collège
doivent organiser en leur sein l’accompagnement des élèves pour que l’aide aux
devoirs soit directement liée au travail fait en classe. »
L’argumentaire rappelle qu’un
élève sur 10 en 6ème et un élève sur 5 en 3ème fait appel à des petits cours. C’est un
marché officiel de plus de 2 milliards. Et c’est surtout une source d'inégalités
importante entre les familles.
Ce service serait assuré par
les enseignants en heures supplémentaires ou par des mouvements d'éducation
populaire. La revalorisation passe donc aussi par l’augmentation des primes
comme le dit très clairement Benoit Hamon dans Le Parisien.
Le cout de cette mesure est
estimé à 400 millions. Le service d'aide serait étendu à tout le collège en
l'incluant dans l'horaire actuel de la 5ème à la 3ème.
Cette mesure ravive un vieux
débat porté depuis longtemps par les parents d’élèves et plusieurs mouvements pédagogiques
sur l’intérêt pédagogique des devoirs eux-mêmes. Rappelons d’abord que les
devoirs à la maison sont en principe interdits à l’école depuis 1956. Mais la
pratique perdure et la distinction est souvent difficile à faire entre le nécessaire
moment d’apprentissage des leçons et l’externalisation du travail scolaire. L’école
doit être son propre recours mais en même temps il faut aussi re-questionner le
moyen de renforcer le lien entre l’école et les familles qui était souvent
exprimé par ces “devoirs”. Reste à voir aussi comment les enseignants, qui ont
quelquefois été réticents à l'arrivée des animateurs des activités périscolaires
dans les écoles, accueilleront cette intervention des mouvements d'éducation
populaire.
Gouvernance de l'éducation nationale
J’ai souvent écrit que la
question de la gouvernance était un angle mort des politiques éducatives. Notre
système reste très centralisé et
marqué par une forte hiérarchie. Cette bureaucratie contribue ainsi à la déresponsabilisation
des acteurs et est donc peu propice à l’innovation et aux expérimentations.
Mais c’est un débat très vite piégé. On fait souvent appel, comme une
incantation, aux principes républicains pour réaffirmer le principe d’“égalité
Républicaine” qui serait menacé par l’autonomie des établissements, vue comme
une dérive managériale et libérale.
Le programme de Benoit Hamon
évoque pourtant un peu cette question : « J’associerai les enseignants à la prise de décision par un management
plus horizontal, par la création de collectifs de travail, et par la prise en
compte de leurs responsabilités au sein des écoles, collèges et lycées.» C’est
ce qu’on peut lire dans le programme sans plus de précision.
On retrouve cependant des éléments
dans
le communiqué de presse où Benoit Hamon réagit au programme d’Emmanuel
Macron sur l’éducation : « Si
nous partageons la volonté de confier davantage d’autonomie aux équipes pédagogiques,
nous sommes opposés à la libéralisation du recrutement des enseignants. Cette
mesure aurait pour effet de mettre les établissements en compétition. Les établissements
situés en milieu rural ou dans les quartiers défavorisés, moins attractifs, en
seraient les premières victimes. »
Rappelons cependant que pour le candidat d’En Marche, dans le primaire, « l'autonomie de
recrutement » serait déployée seulement à titre expérimental dans les seuls établissements
de l'éducation prioritaire (REP+), afin d'attirer des enseignants, sur des
postes dits « à profil », dans les écoles qui ont du mal à recruter. Ce qui
correspond déjà plus ou moins à ce qui pouvait se faire (mais n’a pas vraiment été
appliqué)
Quoi qu’il en soit l’adaptation
de la gouvernance de l’éducation nationale (et pas seulement des établissements ) est, à mon sens, un des chantiers
majeurs dont on ne pourra pas faire l’économie. Un chantier difficile car il
faut naviguer entre deux écueils, celui du conservatisme sclérosant et celui d’un
libéralisme destructeur.
Rythmes scolaires
« J’augmenterai de 25% sur le quinquennat le budget de l’Etat consacré à
l’accompagnement des communes dans la mise en oeuvre de la réforme des rythmes
scolaires et du développement des activités périscolaires. »
Sur les rythmes scolaires,
Benoît Hamon tente donc de se démarquer d' Emmanuel Macron et de François
Fillon qui veulent laisser la liberté aux communes de revenir sur la réforme,
ou encore de Marine Le Pen qui veut revenir sur la réforme. L'ex-ministre de
l'Education entend, au contraire, accroître de 25 % (sur cinq ans) le fonds
d'aide aux communes, d'un montant actuel de 400 millions d'euros.
Il est quand même intéressant
et piquant de rappeler que c’est durant son court passage au Ministère que le décret
Hamon a assoupli et détricoté une partie de la réforme des rythmes scolaires.
Mais, là aussi on voit qu’on se situe plutôt dans une logique d’héritage de la
politique menée jusque là.
On retrouve cet héritage
assumé dans l’ensemble de ce volet éducation d’un programme qui, par ailleurs,
se démarque sur bien d’autres points de la politique menée durant le
quinquennat.
Il y a une approche systémique
de l’École et une certaine cohérence avec un fil rouge qui est la lutte contre
les inégalités. On est très loin des visions nostalgiques d’une école mythifiée
et qui aboutissent au final à la destruction de l’école publique, proposées par
les candidats de droite. Et même s’il demeure des questions en suspens
notamment sur le financement, on semble éviter aussi les mesures électoralistes
et peu cohérentes.
Face à certains enseignants
cela peut-il suffire ? On sait qu’une frange, difficile à évaluer, du
monde enseignant a développé un ressentiment à l’égard de la politique éducative
menée depuis cinq ans. Mais on peut aussi se dire que les enseignants comme les
autres électeurs ne se déterminent pas que sur un seul aspect de la politique
mais prennent en compte toutes les dimensions d’un programme. Et si, au final, le
vote enseignant n’existait pas ?
Ph. Watrelot
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Présidentielle 2017 : Les billets consacrés aux programmes éducation des candidats
+ une synthèse : l'éducation dans la campagne : des clivages brouillés
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