jeudi, mai 11, 2017

La 32ème et la première



Le 26 aout 2014, il y avait pas mal de circonspection et même un peu d’inquiétude. C’est ce jour là  qu’était annoncée la composition du gouvernement avec Najat Vallaud Belkacem comme nouvelle ministre de l’éducation. Najat Vallaud-Belkacem était la 32ème ministre à ce poste de la Vème République, et la première femme. Elle succédait à Benoit Hamon qui n’avait tenu que 147 jours à ce poste. Et avant lui, Vincent Peillon était parti, mi-contraint, mi volontairement, en payant la facture de la réforme des rythmes.
L’inquiétude était donc de savoir si on allait avoir une volonté politique ou si on allait voir se poursuivre les renoncements. Et la circonspection était liée à la venue d’une personnalité, certes sympathique, mais qui ne connaissait rien à l’éducation nationale.
Or, c’est compliqué l’Éducation Nationale. C’est une grosse machine avec pas mal de pesanteurs et de susceptibilités. C’est aussi un corps enseignant hétérogène. Avec un fort sentiment de déclassement qui contribue à une méfiance à l’égard des réformes et de l’institution.  Car c'est aussi une gouvernance qui reste très injonctive avec un poids de la technostructure et une verticalité à revoir. Et ce sont surtout des décisions qu’on prend et qui n’ont un effet que dix ans après. 
La tâche était donc complexe. Or, on a vu une volonté politique qui s’est attachée non seulement à poursuivre la refondation mais à lui donner plus de sens. Les réformes ce n’est pas pour embêter les gens mais pour lutter contre les inégalités sociales et l’échec scolaire!
Pourtant l’action politique au cours du quinquennat n’a cessé de se heurter à la contrainte du temps. L’élaboration des programmes a pris du retard. Et la conjonction des nouveaux programmes avec la réforme du collège mise en place en une seule et dernière année a donné un sentiment de précipitation néfaste. Mais l’erreur majeure a été la décision par le premier ministre de publier le décret sur le collège le lendemain d’une grève importante, au détriment du dialogue social (encore possible).
La revalorisation des enseignants du premier degré est, elle aussi, venue bien tardivement. Et l’action dans le domaine de l’éducation a pâti aussi d’un ressentiment plus général d’une bonne partie du corps enseignant à l’égard de la politique menée par le gouvernement.
Dans un tel contexte, la Ministre, a pourtant su garder le cap. Elle a poursuivi son travail avec courage alors que les attaques étaient très vives à la fois sur son action mais aussi sur sa personne. Elle a du affronter de nombreuses polémiques fabriquées de toutes pièces et d’une très grande mauvaise foi.

© Philippe Devernay / MENESR.
Contrairement à ce que certains “haters” sur les réseaux sociaux et quelques articles de presse, inconditionnels d’une pensée binaire et facile, ont laissé entendre, je n’étais pas un « proche » de la Ministre ni même un « soutien inconditionnel ». J’ai été très honoré de sa confiance quand on m’a demandé de poursuivre et finaliser l’action du Conseil National de l’Innovation et de la réussite éducative. Mais j’ai aussi, sur mon blog et dans les médias, porté un regard critique (et constructif) sur certaines limites des réformes et de son action.
Mais je voudrais plutôt, à l’issue de ce mandat, tirer un bilan positif de la politique menée depuis 2012. Najat Vallaud Belkacem n’a pas été seulement un symbole de la méritocratie et une grande "communicante", elle a aussi été une femme politique subtile qui a vite compris les enjeux du changement dans l’École et a fait preuve de détermination et de convictions dans la mise en œuvre d’une politique au service de la réussite de tous.

On ne peut maintenant qu'espérer que cette politique ne soit pas remise en cause par les alternances et qu'on puisse avoir une durabilité des changements.
L'École a besoin de la continuité de cette dynamique. 

Philippe Watrelot


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