Que penser de la nomination de J.-M. Blanquer dans le 1er gouvernement d'Edouard Philippe sous la présidence d'Emmanuel Macron, ce 17 mai 2017 ?
On peut raisonner à plusieurs niveaux. D’abord sur le plan des idées et du positionnement politique Et ensuite sur celui des compétences et de sa capacité d’agir.
JM Blanquer n’est pas à proprement parler de la « société civile ». C’est un haut fonctionnaire et un parfait représentant de la technostructure. De ces « indéboulonnables » qu’on retrouve toujours à un poste ou à un autre au gré des alternances. Il a été directeur adjoint du cabinet de Gilles de Robien puis deux fois recteur et ensuite Dgesco sous Chatel . Même s’il n’est pas encarté, il a déjà été évoqué comme possible ministre dans le gouvernement Villepin en 2005. Il est aussi celui qui a fait appliquer la politique éducative sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Et il était donné comme le possible ministre de l'éducation de François Fillon. “En même temps”, il a adressé récemment un appel à faire barrage au Front National à ses étudiants de l’ESSEC dont il était le directeur.
Son livre L’Ecole de demain (Odile Jacob 2016), ressemblait à une lettre de motivation ou en tout cas à un programme ministériel assumé. Je pointais dans mon bloc-notes (que je viens de relire) des liens avec le programme éducation d’Emmanuel Macron et avec les travaux de l’institut Montaigne. C’est un programme qui repose sur quelques mots clés : autonomie, fondamentaux, neuro-sciences, innovation, simplification, évaluation.
C’est lui qui a créé, lorsqu’il était Dgesco, le département « Recherche Développement Innovation Expérimentation » (DRDIE). Il a aussi soutenu le développement des micro-lycées ainsi que les expérimentations de Céline Alvarez. Il est favorable à l’autonomie mais sa position est ambigue. On ne sait pas bien si c’est celle des chefs d’établissements « managers » ou celle des équipes. Il est aussi pour le renforcement des « fondamentaux » en primaire. Et il veut aussi une simplification de la gouvernance de l’éducation nationale.
Dans sa dernière chronique dans le magazine Le Point, il prône une troisième voie entre le « pédagogisme » et le « traditionnalisme ». J’ai pour ma part été agacé par l’utilisation de ce mot péjoratif de « pédagogisme » et la caricature qu’il y fait en parlant d’une pédagogie qui voit « dans l’enfant un petit roi qui construit son savoir». On peut déplorer ce schématisme.
Quelles sont ses compétences ? C’est d’abord comme je l’ai dit plus haut un excellent connaisseur des rouages de l’éducation nationale. Une structure qu’il connait par cœur, où il a encore des réseaux (beaucoup de personnes encore présentes lui doivent leur poste) et dont il est issu. Cela veut dire qu’il va être directement opérationnel. Mais sa connaissance du système peut aussi avoir un effet pervers : comment changer un système dont on est soi-même issu et dans lequel on est enserré ?
Et sa marge de manœuvre ? S’il a une vraie réflexion personnelle, il faut aussi considérer qu’il s’inscrit dans une réflexion plus globale. Ce n’est pas son livre qui va lui servir de feuille de route mais le programme de “En Marche” (même s’il y a des convergences). À cet égard, il sera intéressant d’observer qui seront les conseillers éducation du premier ministre et du président de la République. De même, on notera qu’il n’est plus comme celle qui l’a précédé, responsable de l’ESR puisque Frédérique Vidal est ministre de plein exercice de l’enseignement supérieur. Enfin, il faut souligner symboliquement que si Najat Vallaud Belkacem était n°3 du gouvernement précédent (et assise à côté du PR lors du conseil des ministres), Jean Michel Blanquer est placé en 11ème position dans l'ordre des ministres (et on ne sait pas où il sera assis ! )
Saura t-il écouter et trouver des compromis ? Les avis des syndicalistes sont partagés sur ce point. Il a du, dans sa carrière, se confronter au dialogue social et cela n’a pas toujours été sans accrocs même s’il est capable d’écoute.
Pour ma part, je l’ai croisé deux ou trois fois dans des studios de radios pour des débats. J’ai trouvé face à moi quelqu’un d’assez combatif, quelquefois excessif. Mais je sais aussi qu’il est capable sur certains points d’avoir une écoute attentive et constructive.
Il va falloir voir ce que cela donne à l’épreuve des faits et au delà des effets d'annonce. Et si l’enjeu de la continuité de l’action de la politique éducative est pris en compte et respecté.
Ph. Watrelot
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