jeudi, septembre 21, 2017

Le Medef a raison ! (et complètement tort…)

Le Medef a raison !
Oui, je sais ça peut surprendre, voire provoquer (et c’est fait pour…)

Dans sa communication (de crise) après sa « blague nulle » sur Twitter de l’affiche « si l’école faisait son travail, j’aurais du travail », le syndicat patronal se défend en précisant qu’il ne parle pas des enseignants mais de l’École en tant qu’institution et que les personnels de l’éducation nationale ne doivent pas se sentir attaqués. 

Au risque de choquer, je pense qu’il y a une part de vérité dans cette défense maladroite (et qui aurait pu être entendue si ceux qui l'expriment étaient irréprochables)
Symptôme d’une période marquée par un sentiment de déclassement et d’évolution du métier, il y a une très forte susceptibilité des enseignants à l’égard de ce qu’ils considèrent comme des attaques à leur égard et une promptitude à crier au mépris ressenti. Or, à mon sens, et je le dis depuis des années, il ne faudrait pas prendre pour soi une critique du système. On peut faire son métier du mieux qu’on peut dans un système qui dysfonctionne. J’ai souvent pris dans mes interventions la métaphore des musiciens de l’orchestre du Titanic : ils continuaient à jouer du mieux qu’ils pouvaient alors que le bateau était en train de couler...
Soulignons aussi que les réactions très vives des enseignants sont à la mesure de leur engagement réel et profond dans le service public d’éducation et auprès de leurs élèves.
Mais ce sentiment d’agression peut aller très loin puisqu’il conduit aussi à nier les résultats des enquêtes internationales ou nationales qui montrent les faiblesses du système éducatif français. On voit aussi les « réformes » comme agressions où les dirigeants diraient implicitement à chaque enseignant « ce que tu as fait jusque à maintenant est à mettre à la réforme ». Le mot d’«innovation» est devenu lui aussi un repoussoir.

Certes, il ne s’agit pas de dresser un tableau trop noir du système éducatif. Il faut avoir une analyse nuancée. L’École a contribué grandement à l’élévation du niveau de qualification et elle est un des services publics qui continue à maintenir le lien social et contribuer à l’intégration y compris dans des territoires marqués par la crise et les licenciements (des entreprises du Medef et autres). Mais on peut malgré tout se demander si la massification est une réelle démocratisation et si l’intégration est toujours aussi efficace. Bien sûr, l’institution École (c’est pour ça que j’y mets toujours un E majuscule) ne peut pas à elle seule résoudre tous les problèmes. Mais elle doit faire sa part et collectivement s’interroger sur les moyens d’être plus juste et plus efficace. Sans que les enseignants se sentent agressés.
Mais, pour ne pas se sentir agressés, il faudrait aussi que les discours patronaux, ministériels ou autres soient capables de subtilités et évitent la provocation. Lorsque le ministre Allègre, a voulu réformer ce qu’il a appelé le « mammouth », il a commencé par provoquer les enseignants. Ce qui est le meilleur moyen d'entraîner un mécanisme de défense et des crispations empêchant toute “réforme”. 
Vingt ans après, le Medef semble atteint du syndrome Allègre...

Si le Medef a donc "raison" de distinguer les enseignants du système dans lequel ils évoluent, il a tort sur toute la ligne en voulant provoquer et agresser pour faire changer et en jouant l’opinion contre les enseignants. Un tel management (sans ménagement) est une impasse, on n’obtient pas le meilleur des gens en les insultant. Le moindre patron devrait savoir ça...
Les ministres aussi...

Philippe Watrelot


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Chronique éducation de Philippe Watrelot est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.


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