Le Medef a raison !
Oui, je sais ça peut surprendre, voire provoquer (et c’est
fait pour…)
Dans sa communication (de crise) après sa « blague nulle » sur Twitter de
l’affiche « si l’école faisait son
travail, j’aurais du travail », le syndicat patronal se défend en
précisant qu’il ne parle pas des enseignants mais de l’École en tant
qu’institution et que les personnels de l’éducation nationale ne doivent pas se
sentir attaqués.
Au risque de choquer, je pense qu’il y a une part de vérité
dans cette défense maladroite (et qui aurait pu être entendue si ceux qui l'expriment étaient irréprochables)
Symptôme d’une période marquée par un sentiment de déclassement et d’évolution du métier, il y a une très forte susceptibilité des enseignants à l’égard de ce qu’ils considèrent comme des attaques à leur égard et une promptitude à crier au mépris ressenti. Or, à mon sens, et je le dis depuis des années, il ne faudrait pas prendre pour soi une critique du système. On peut faire son métier du mieux qu’on peut dans un système qui dysfonctionne. J’ai souvent pris dans mes interventions la métaphore des musiciens de l’orchestre du Titanic : ils continuaient à jouer du mieux qu’ils pouvaient alors que le bateau était en train de couler...
Symptôme d’une période marquée par un sentiment de déclassement et d’évolution du métier, il y a une très forte susceptibilité des enseignants à l’égard de ce qu’ils considèrent comme des attaques à leur égard et une promptitude à crier au mépris ressenti. Or, à mon sens, et je le dis depuis des années, il ne faudrait pas prendre pour soi une critique du système. On peut faire son métier du mieux qu’on peut dans un système qui dysfonctionne. J’ai souvent pris dans mes interventions la métaphore des musiciens de l’orchestre du Titanic : ils continuaient à jouer du mieux qu’ils pouvaient alors que le bateau était en train de couler...
Soulignons aussi que les réactions très vives des
enseignants sont à la mesure de leur engagement réel et profond dans le service
public d’éducation et auprès de leurs élèves.
Mais ce sentiment d’agression peut aller très loin puisqu’il
conduit aussi à nier les résultats des enquêtes internationales ou nationales
qui montrent les faiblesses du système éducatif français. On voit aussi les
« réformes » comme agressions où les dirigeants diraient
implicitement à chaque enseignant « ce
que tu as fait jusque à maintenant est à mettre à la réforme ». Le mot
d’«innovation» est devenu lui aussi
un repoussoir.
Certes, il ne s’agit pas de dresser un tableau trop noir du
système éducatif. Il faut avoir une analyse nuancée. L’École a contribué
grandement à l’élévation du niveau de qualification et elle est un des services
publics qui continue à maintenir le lien social et contribuer à l’intégration y
compris dans des territoires marqués par la crise et les licenciements (des entreprises
du Medef et autres). Mais on peut malgré tout se demander si la massification
est une réelle démocratisation et si l’intégration est toujours aussi efficace.
Bien sûr, l’institution École (c’est pour ça que j’y mets toujours un E
majuscule) ne peut pas à elle seule résoudre tous les problèmes. Mais elle doit
faire sa part et collectivement s’interroger sur les moyens d’être plus juste
et plus efficace. Sans que les enseignants se sentent agressés.
Mais, pour ne pas se sentir agressés, il faudrait aussi que
les discours patronaux, ministériels ou autres soient capables de subtilités et évitent la
provocation. Lorsque le ministre Allègre, a voulu réformer ce qu’il a appelé le
« mammouth », il a commencé par provoquer les enseignants. Ce qui est
le meilleur moyen d'entraîner un mécanisme de défense et des crispations
empêchant toute “réforme”.
Vingt ans après, le Medef semble atteint du syndrome
Allègre...
Si le Medef a donc "raison" de distinguer les enseignants du
système dans lequel ils évoluent, il a tort sur toute la ligne en voulant
provoquer et agresser pour faire changer et en jouant l’opinion contre les
enseignants. Un tel management (sans ménagement) est une impasse, on n’obtient
pas le meilleur des gens en les insultant. Le moindre patron devrait savoir ça...
Les ministres aussi...
Philippe Watrelot
Chronique éducation de Philippe Watrelot est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
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