#Bien17 Biennale de l’éducation nouvelle Jour 3 (samedi 4 novembre 2017)
Je propose un troisième billet reposant en partie sur
mon intervention à la table ronde sur Éducation Nouvelle et Formation le samedi
4 novembre au matin et sur quelques réflexions sur l'innovation
Deux tables rondes étaient en effet proposées en parallèle. L’une
était consacrée à l’innovation et l’autre portait donc sur la formation. On
peut s’étonner qu’on m’ait demandé de participer à cette dernière alors que
j’ai été président du Conseil National de l’Innovation et de la Réussite Éducative
(Cniré) auquel de nombreux membres du Collectif des associations partenaires de l'École ont participé. Je me suis moi même étonné de ce choix des organisateurs...
Toutefois,
j’ai aussi pas mal réfléchi à cette question de la formation comme en
témoignent de nombreux billets de blogs. Je vous livre donc mes réflexions sur
ces deux sujets.
Innovation : mot
piégé
Dans le rapport
du Cniré et précédemment dans un article de blog intitulé «École
et innovation : je t’aime moi non plus», j’alertais sur les usages et
les dangers de cette notion d’innovation. Elle peut être un repoussoir pour bon
nombre de collègues lorsqu’elle est vécue comme une injonction un peu vaine à
la tonalité « manegeriale ». Elle peut,paradoxalement, favoriser le
conservatisme. Par ailleurs, l’image donnée par les médias est plutôt celle
d’enseignants solitaires en lutte contre une administration castratrice ou bien
encore d’initiatives privées vendues comme « innovantes ». Alors que
les projets présentés durant cette biennale sont des projets collectifs qui
s’appuient sur les marges de manœuvre permises (ou conquises) par le système éducatif
public.
Incontestablement, pour un observateur naïf, la Biennale
serait un rassemblement d’enseignants « innovants ». En tout cas, ça
y ressemble. Et un bon nombre des participants, impliqués dans des
micro-lycées, des écoles innovantes ou d’autres structures ne rejetteraient pas
le terme et l’ont même inclus dans leur sigle. Par exemple la Fespi, un des
organisateurs de cette biennale, est la Fédération des Etablissements Scolaires
Publics Innovants.
Toutefois, j’ai la la conviction que ce qui importe c’est
plus la démarche de recherche que l’innovation en elle-même. Plutôt que de
parler d’« enseignants innovants », il nous semble plus pertinent de parler
d’enseignants ou de praticiens dans une démarche de recherche.
« Innover » n’est pas un but en soi mais une démarche au service de valeurs. Au lieu de cette injonction à innover, on devrait parler plutôt de droit à l’expérimentation. Expérimenter, chercher ensemble, s’évaluer, plutôt qu’à tout prix innover…
« Innover » n’est pas un but en soi mais une démarche au service de valeurs. Au lieu de cette injonction à innover, on devrait parler plutôt de droit à l’expérimentation. Expérimenter, chercher ensemble, s’évaluer, plutôt qu’à tout prix innover…
On pourrait aussi proposer une autre piste en proposant de
redonner toute sa place au terme de « progrès » plutôt que
d’innovation. Car, ce qui anime les personnes qui s’inscrivent dans ce courant
de l’éducation toujours nouvelle après plus de 150 ans c’est plutôt de
s’inscrire dans une perspective de progrès humain plutôt que d’innovation sans
but ni perspective.
Nous voulons améliorer notre École pour qu’elle puisse
travailler plus efficacement au service de la réussite de tous les élèves.
C’est parce que la lutte contre les inégalités doit être la priorité absolue
qu’il faut innover et construire une école plus efficace.
Formation et
éducation nouvelle.
Dans cette démarche de diffusion des pratiques et des
valeurs de l’éducation nouvelle, la formation est indispensable. La réflexivité,
le travail en équipe, le partenariat, l’écriture professionnelle, le lien avec
la recherche pourraient être plus présents dans la formation initiale. Mais la
formation continue est encore plus importante.
Mais je voudrais insister surtout sur un aspect qui me
semble essentiel et pas assez présent dans les ESPÉ aujourd’hui. C’est celui de
la nécessaire pédagogie des moments de formation. C’est une conviction forte et partagée
par nos mouvements.
On pourrait la traduire par une proposition assez simple : on enseigne comme
on a été formé et on devrait former comme on voudrait que les gens enseignent.
La forme que doit prendre la formation est donc tout aussi importante que le
fond. Rien ne sert de faire un cours magistral sur le travail de groupe ! Si
l’on veut que le métier change, il ne faut pas seulement enseigner la pédagogie,
il faut la faire vivre en ayant des dispositifs de formation qui mettent les
stagiaires en situation d’activité. C’est parce qu’ils l’auront vécu dans leur
formation qu’ils seront mieux convaincus de leur transférabilité dans leur
propre enseignement. C’est ce qu’on résume en général en parlant de principe d’isomorphisme.
Qui formera les formateurs ? Car, au risque de me
répéter et de me faire quelques ennemis chez mes collègues, j'ai le sentiment
que ce principe est peu appliqué. Et cela pose la question de la formation des
formateurs intervenant dans les ESPÉ et de la diversité de leurs parcours. Sur
ce point, comme sur d’autres, l’expérience accumulée par les mouvements
pédagogiques et les associations complémentaires pourrait être mieux utilisée. Il
ne faudrait pas borner ceux ci à un rôle de supplétif comme cela se voit trop
souvent aujourd’hui dans la formation.
En tout cas, pour finir sur une note personnelle et un
hommage, je dois dire que c’est toute l’éducation informelle et formelle que j’ai
reçue dans les différents mouvements pédagogiques et associations dans lesquels
j’ai milité qui a construit une bonne partie de ma compétence de formateur. Et
au delà, qui m’a construit en tant qu’homme...
Philippe Watrelot
3 et 4 novembre 2017
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Chronique éducation de Philippe Watrelot est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
Philippe Watrelot
3 et 4 novembre 2017
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Les billets consacrés à la Biennale internationale de l’éducation nouvelle
Billet n° 1 : Vous avez dit éducation nouvelle ?
Billet n° 2 : Sciences et pédagogie
Billet n° 3 : Education nouvelle, innovation, formation
Billet n° 4 : Une première biennale mais pas la dernière
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