Au début, en lisant la loi pour " l'école de la confiance" (qu'on appellera désormais la "Loi Blanquer"), on pouvait se dire que ce n'était qu'une loi anodine et fourre-tout sans colonne vertébrale et qui n'avait qu'un seul objectif : intégrer l'instruction obligatoire à trois ans, promesse présidentielle.
Le reste de la loi était une sorte de gigantesque cavalier législatif. C'est à dire un ensemble de mesures disparates mises ensemble dans le même texte. Mais c'était sans compter sans la surenchère des députés et surtout la ruse du joueur d'échecs qu'est Blanquer...
le diable est dans les détails... |
Car au final, il en ressort quelque chose de beaucoup plus cohérent. Et cette réforme est loin d'être anodine et révèle, un virage à droite, une reprise en main et un autoritarisme sourd au dialogue social.
Commençons par l'article 1 qui a été maintenu et qui fait craindre par beaucoup un contrôle de la parole enseignante. Le ministre ne cesse de dire qu'il s'agit d'un texte de principe et qu'il ne change rien. Si c'est le cas, pourquoi l'avoir maintenu ? Le Ministre se serait honoré à le retirer pour tranquilliser les enseignants. Et quel usage un autre gouvernement plus autoritaire pourrait-il faire de cet article ?
Les amendements rajoutés (drapeaux, Marseillaise, cartes au mur...) montrent bien la surenchère et le populisme éducatif auxquels se sont livrés les députés. Les débats et les propositions révèlent aussi une méconnaissance de la réalité des classes avec la réinvention de choses déjà existantes ou des mesures infaisables. Elles traduisent enfin et surtout une méfiance à l'égard des enseignants.
A la suite d'un amendement rajouté subrepticement, on a voté aussi les "établissements publics des savoirs fondamentaux " c'est-à-dire un regroupement administratif des écoles élémentaires avec des collèges. Tout cela s'est fait sans aucune étude d'impact et au mépris de toute négociation avec les organisations syndicales et professionnelles. Quoi qu'on pense de ce dispositif, la méthode relève d'une curieuse conception de l'"école de la confiance"...
On a aussi décidé le financement obligatoire des maternelles privées par les mairies, voté la création d'établissements internationaux, supprimé le CNESCO, voté une extension des expérimentations qui ouvre la voie à l'annualisation du temps de travail, on va bouleverser la réforme de la formation, et bien d'autres choses encore...
Je ne suis pas, pour ma part, un conservateur qui considère que le système éducatif est immuable. Mais je m'indigne devant la méthode utilisée. Certes, on me rétorquera que la représentation nationale est souveraine. Mais encore faudrait-il que les décisions prises soient réellement éclairées et ne se fassent pas dans un climat de défiance à l'égard des acteurs de ce système que sont les enseignants. C'est aussi le cas avec la réforme du lycée.
Avancer à marche forcée en raison d'impératifs électoraux, décider avec pour logique principale la recherche d'économies, négliger les corps intermédiaires et ne pas considérer les enseignants comme des experts et des partenaires parce qu'on pense qu'on est le seul à avoir raison, tout cela ne fait pas une politique efficace à long terme et ne peut conduire qu'à deux effets chez ceux qui travaillent au quotidien dans l'École : la colère ou pire encore, le cynisme....
Philippe Watrelot
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