samedi, janvier 31, 2015

Bloc-Notes de la semaine du 26 au 31 janvier 2015



- Psychose toujours – Incantation ou éducation ? – Redoubler... d’efforts - .



De Léonarda à Ahmed, les ingrédients sont presque les mêmes : intrusion de la police et du juridique dans l’École, indignations et abondance de commentaires. Et des éclaircissements à apporter sur les circonstances de cet emballement médiatique. Mais le contexte est différent puisque cela se situe dans un rappel des “valeurs de la République” après les attentats qui confine à la psychose. Mais comment sortir de l’incantation pour aller vers l’éducation ?
Pendant ce temps, les débats éducatifs continuent et nous nous intéresserons aussi dans ce bloc notes à la question du redoublement.



Psychose toujours...
Quel rapport entre un prof de philo de Poitiers et un jeune garçon de 8 ans à Nice ? Ce sont tous les deux les “héros” de la psychose et de l’emballement médiatique et politique qui règnent en ce moment.
En début de semaine, c’est l’histoire de ce collègue de philosophie de Poitiers qui a agité le monde éducatif. Et jeudi c’est l’histoire d’Ahmed, ce gamin de huit ans convoqué au commissariat de Nice qui a enflammé les commentaires dans une sorte de remake de l’affaire Léonarda.
C’est par un article du journal Centre Presse du 24 janvier dernier qu’on prend connaissance de l’affaire de Poitiers. On peut y lire qu’un professeur de philosophie du lycée Victor-Hugo à Poitiers est suspendu à titre conservatoire pour 4 mois depuis mercredi 21 janvier. Jacques Moret, le Recteur de Poitiers déclarait « Sur ce cas, il y a eu des plaintes de familles. L'enseignant aurait tenu des propos déplacés pendant la minute de silence. J'ai immédiatement diligenté une enquête. Le professeur a été suspendu. Il fallait l'éloigner de ses élèves. La procédure suit son cours. Le conseil de discipline statuera sur la suite de sa carrière. ». Le procureur de la République de Poitiers après la plainte du recteur a ouvert une enquête pour apologie d'actes de terrorisme. Elle a été confiée à la PJ de Poitiers. L’enseignant, militant pédagogique et connu pour ses engagements en faveur des sans papiers et du droit au logement, nie avoir été présent pendant la minute de silence. Dans une déclaration à France3 Poitou-Charentes, il affirme qu’il n'a pas prononcé des propos qui pouvaient apparaître comme un soutien à l'attentat commis par les frères Kouachi dans les locaux de Charlie Hebdo. Même si cet attentat l'a choqué et qu'il ne pouvait en aucune manière le légitimer, il avoue néanmoins être connu comme un professeur qui aime "provoquer les élèves pour les forcer à avoir une vision critique sur les événements.". Il faut aussi signaler que la suspension prise par le Recteur s’appuie sur des propos rapportés et enregistrés par certains élèves en cachette de l’enseignant. Les élèves et collègues soutiennent l’enseignant en question et une pétition a été lancée pour demander sa rétintégration.
Un mineur de 8 ans a été entendu ce mercredi après-midi dans le cadre d’une audition libre au commissariat de Nice (Alpes-Maritimes) pour «apologie d’acte de terrorisme». Le 8 janvier dernier, l’enfant se trouvait dans sa classe de CE2 lorsqu’il a été invité par son instituteur à s’exprimer sur les attentats de Paris. Il aurait alors affirmé : «Je ne suis pas Charlie, je suis avec les terroristes». ” C’est ainsi que commence un article du Parisien daté du 28 janvier Selon l’avocat, dont les tweets ont contribué largement à la diffusion de cette information, la direction aurait décidé de porter plainte pour «apologie d'acte terroriste» à la suite de ces propos. La nouvelle a fait très vite le tour des réseaux sociaux dans une dynamique très proche de celle de l’affaire Léonarda.
Face à l’ampleur des réactions, dans un deuxième temps, sont venues des enquêtes pour préciser les faits. Il faut signaler notamment deux articles de L’Express. Le premier interviewe une représentante des parents d’élèves et l’autre les autorités judiciaires . Une autre enquête est à lire dans Le Monde qui compare les différentes versions de l’affaire (celle de l’avocat, de la famille, de la police et du Collectif contre l'islamophobie en France-CCIF-). Pour être complet, on peut aussi citer le travail de synthèse de Médiapart . Que retire t-on de la lecture de toutes ces enquêtes qui tentent d’aller au delà de l’émotion ?  D’abord que les choses ne sont pas aussi simples que cela. On ne peut légalement accuser un enfant de huit ans de ce type de faits, c’est donc le père qui fait l’objet d’une plainte. Et celle ci n’a pas été immédiate mais a fait suite à une discussion “vive” quelques jours plus tard avec le directeur. Le père était présent à l’audition libre tout comme l’avocat. Le CCIF (qui a le même avocat) évoque une « audition de deux heures » du père et de l'enfant, la police parlant de 20 minutes. D'après la commissaire divisionnaire, interrogée sur France Info, le père et l'enfant ont été entendus pour « comprendre ce qui s'était passé, de voir ce qui avait poussé cet enfant à tenir ce genre de propos». «On peut regretter que ça ait pris la forme d'une audition formelle, mais compte tenu de l'importance de sa déclaration et du contexte, il nous a semblé qu'on pouvait aller plus loin. Le père a été entendu en tant que civilement responsable, il a regretté les propos de son fils et manifesté plus de regret que d'encouragement.». Dans une déclaration du 29-01, la Ministre a soutenu la direction de l’École qui s’est selon elle “bien comportée. « Comme c’est la règle en la matière, l’équipe de l’établissement scolaire a veillé à ce qu’un suivi pédagogique soit apporté à cet enfant qu’on a reçu, avec lequel elle a discuté. Elle a très bien fait de le faire, et elle a très bien fait de convoquer son père aussi », a précisé la ministre qui a insisté sur le fait que « le directeur de l’école a porté plainte contre le père et pas contre l’enfant ». De son côté, le SNUipp, syndicat majoritaire dans le primaire a publié un communiqué qui affirme que “l’école a fait ce qu’il fallait ”.
Il n’empêche qu’on peut malgré tout s’étonner et même s’indigner qu’un gamin de huit ans soit entendu dans le cadre d’un commissariat sur des mots et des déclarations dont il ne mesure pas la portée. C’est cela qui provoque l’émotion d’une ampleur bien plus forte que dans le cas du collègue de philosophie qui subit pourtant le même emballement juridique. Tout comme pour d’autres cas évoqués plus brièvement dans la presse où l‘“apologie du terrorisme” a été très vite dégainée assortie de peines assez lourdes.
"Au « ne pas faire de vague » souvent bien intentionné devra succéder le « ne pas laisser passer » pour fixer les limites dont les élèves et futurs citoyens ont besoin pour se construire." déclarait Najat Vallaud Belkacem dans un discours prononcé le jeudi 22 janvier 2015 à Matignon. Elle faisait référence à la propension de certains chefs d’établissements de ne pas faire remonter les “incidents”. On peut dire qu’on est passé d’un extrême à l’autre... Reste à savoir si cette posture de fermeté est efficace sur un plan pédagogique et éducatif. On peut en douter ou du moins se questionner.
Comme le dit le célèbre avocat blogueur Maitre Éolas dans une tribune : “C’est le choc anaphylactique, le système immunitaire du corps qui, en surréagissant, finit par se détruire lui-même. C’est cette image qu’évoque pour moi cette pluie de condamnations. […] Non seulement cette répression absurde est inutile, mais elle est dangereuse..
Car, quels sont les effets pervers ? Rappelons le : sur un plan éducatif, on n’obtient pas une adhésion à des valeurs par l’injonction et la contrainte. S’il est important de dire le droit et de rappeler ce qui est bien et mal, le recours à une “autorité” incontestable et descendante ne peut servir de base à une réelle appropriation de ses valeurs. Si toute la réflexion sur l’“École d’après” ne se résume qu’à ces bombements de torse et cette psychose sécuritaire, on est bien mal parti...
Psychose toujours...?

Incantation ou éducation... ?
On comprend facilement que les événements récents aient renforcé un besoin de communion, mais attention de ne pas sacraliser un être-ensemble collectif, dont certains (élèves et parents) ressentiront d’autant plus durement qu’ils en sont plus ou moins exclus. On ne peut demander le respect de principes républicains sans poser, dans le même mouvement, la question de leurs interprétations et de leurs concrétisations. Sinon, on transforme, comme le craignait déjà Jules Ferry, la laïcité en « religion laïque »… et on continue d’envoyer les enseignants au casse-pipe ! ” nous dit l’historien et sociologue des religions, Jean Baubérot dans une interview au journal Le Monde intitulée “adopter des politiques incantatoires est inutile
Heureusement, donc que certains articles, certains textes, nous invitent à une réflexion qui va plus loin que cette psychose et proposent des pistes pour cette “grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République” puisque c’est ce à quoi nous invite le slogan gouvernemental.
L’historien Christophe Prochasson s’exprime ainsi dans une interview reproduite sur le site de Télérama le 27 janvier : “La question n’est pas celle des valeurs, sur lesquelles il faut être d’une fermeté absolue. C’est la pédagogie qui est en cause. L’enseignement des valeurs républicaines, en dépit des efforts réalisés, est inadapté car beaucoup trop abstrait. Il empêche les jeunes de s’approprier véritablement ce qu’ils considèrent comme des grands mots qui ne leur disent rien. En France, nous continuons de privilégier un enseignement beaucoup trop descendant, du haut vers le bas, commandé par l’idée d’un maître sachant tout, y compris les bonnes valeurs, et transmettant son savoir, comme si enseigner revenait à remplir un verre à partir du liquide qui se trouve dans le flacon. 
Il faut imaginer un enseignement beaucoup moins didactique (et certains professeurs ne m’ont pas attendu évidemment), plus vivant, plus concret, qui mette la classe en activité, dans l’échange, la confrontation, le désaccord. Ce pourrait être l’occasion d’apprendre la démocratie dans ce qu’elle prend justement en charge, le conflit pour le dépasser. Faire comprendre aux élèves que la démocratie est au-delà de la critique, puisqu’elle s’en nourrit.
 Le maître doit solliciter, accompagner, provoquer même la discussion et l’échange. Au terme desquels, bien entendu, il reprend la parole pour mettre en avant les vertus de nos valeurs communes qui précisément permettent l’expression des désaccords. Le bon élève est encore trop souvent celui qui sait. Et si c’était aussi celui qui est capable de défendre ses idées et de résister à son environnement quand celui-ci tient un discours inacceptable ? ”. Rappelons que Christophe Prochasson est devenu récemment Recteur de l’Académie de Caen. Un Recteur qui parle de pédagogie...
Toujours dans Le Monde, François Durpaire formule plusieurs propositions pour faire vivre l’École d’après. “Chaque enseignant, dit-il doit prendre conscience que le vivre-ensemble n’est pas une infraction aux « vrais apprentissages ». On entend encore trop le « Je ne suis pas une assistante sociale ».” Et il propose quatre piliers pour “passer d’une laïcité énoncée à une laïcité éprouvée” : une formation moins abstraite, introduire la culture du débat, apprendre la rationalité et oser l’éducation des parents.
Notre ami, Jean-Michel Zakhartchouk livre aussi sur son blog, quelques propositions et réflexions pour “transmettre les valeurs de la République ”. Reprenons sa conclusion : “La République a moins besoin des paroles tonitruantes et des envolées lyriques que d’une patiente construction d’outils, de dispositifs pour tenter de combler les fractures profondes qui déchirent la société française et redonner toute leur force aux valeurs que nous aimons et défendons… ”. On peut évoquer aussi l’interview de Marie-Claude Blais dans L’Humanité. Cette philosophe a participé à l’élaboration du futur programme d’enseignement “moral et civique”. Elle affirme : “C’est une erreur de considérer que les principes de liberté, d’égalité, parce qu’ils sont beaux, suscitent l’unanimité. Ce n’est pas le cas. Mais il faut enseigner que grâce à ces beaux idéaux, on peut transformer la réalité. Sans eux, nous marcherions dans le brouillard. Enseigner nos pratiques et nos valeurs, démocratiques en particulier, montre aux enfants qu’ils peuvent participer à la réalisation de ces principes à partir de leur vécu. La plupart en sont d’ailleurs très conscients. Pour preuve, lorsqu’on leur parle d’honnêteté, d’obéissance, ils s’interrogent sur le comportement de certains hommes politiques qui ne respectent pas les règles. L’enseignement moral et civique est un apprentissage de la distance entre la réalité et l’idéal. Associé à tous les enseignements, il incite à comprendre la société pour être en mesure de la changer”. Signalons aussi La laïcité, ça se travaille ! ” (sur Médiapart) de Daniel Agacinski et Saïd Benmouffok, tous deux professeurs de philosophie.
A la suite de tous ces contributeurs, redisons le avec force : si l'on veut faire adhérer aux valeurs qui sont celles de la démocratie, c'est-à-dire la citoyenneté critique, la libre adhésion, la liberté de penser, la coopération et la solidarité, le débat argumenté sur des idées,... il faut les faire vivre au quotidien dans ses pratiques, dans sa classe, dans son établissement... Car c'est la condition pour que ces savoirs n'apparaissent pas comme "descendants" et déconnectés et donc peu recevables. Il ne s'agit donc pas uniquement de "transmettre" et de faire comprendre les différentes dimensions de la laïcité et de la connaissance des religions, mais il faut aussi, me semble t-il que cela passe par des dispositifs adaptés. La nécessité de faire émerger les représentations, le débat permettant la confrontation et la co-construction des savoirs, les méthodes actives sont des éléments tout aussi importants que les savoirs eux-mêmes. La laïcité c'est aussi une question de pédagogie...
Et c'est aussi une question éducative concernant les enseignants et les autres adultes des établissements scolaires dans leur rôle d'éducateurs. Car "faire vivre" la laïcité c'est aussi essentiel que de l'enseigner. Travailler sur l'altérité, la connaissance de l'autre, l'interculturel, la relation avec les parents le sentiment d'appartenance à une collectivité que serait l'établissement scolaire, me semblent des directions dont doivent s'emparer tous les membres de la communauté éducative.

Redoubler d’efforts...
Pendant ce temps là, les débats du monde éducatif continuent. Après la conférence nationale sur l’évaluation des élèves (dont on attend toujours les conclusions du jury), c’était le tour de la conférence de consensus sur le redoublement. Celle ci a eu lieu mardi et mercredi dernier à Paris à la cité scolaire Paul Bert et le conseil national de l’évaluation du système scolaire (CNESCO) remettra ses conclusions à la communauté éducative le 4 février prochain.
Malgré une actualité qui avait la tête ailleurs, on trouve quand même quelques articles intéressants sur ce sujet dans la presse. Le CNESCO a en effet nourri ses travaux de plusieurs enquêtes dont les journaux se font l’écho. Une première s’intéresse à l’opinion des élèves. D’après cette enquête, nous dit Le Monde , près de 70% des 5600 collégiens et lycéens interrogés sont opposés à sa suppression. 80 % perçoivent le redoublement comme une seconde chance, 73 % comme un moyen d’améliorer ses résultats scolaires. L’attachement au redoublement est encore plus prononcé chez les lycéens. Les trois-quarts d’entre eux souhaitent que le redoublement soit conservé, contre les deux-tiers des collégiens. Toutefois, le redoublement est perçu par les élèves comme une « pratique à risques » sur le plan psychologique : 64 % des collégiens et des lycéens interrogés estiment qu’il démotive et diminue la confiance en soi, 59 % qu’il entraîne un sentiment d’infériorité. 76 % craignent, s’ils devaient redoubler, de ne plus être avec leurs amis, 77 % de décevoir leurs parents. Et puis, quand on questionne les redoublants eux mêmes, beaucoup disent l’avoir mal vécu : 59 % ont trouvé l’année du redoublement ennuyeuse ; 62 % étaient tristes de ne plus être avec leurs amis. Un tiers dit avoir eu envie d’arrêter l’école.
Une autre enquête commandée par le CNESCO à l’institut des politiques publiques s’intéresse au coût du redoublement. D’après ses calculs, nous disent Le Monde ou Libération , cette pratique coûterait deux milliards par an. Un milliard en primaire et au collège et un autre milliard au lycée. Le calcul s’appuie sur les parcours scolaires des quelque 780 000 enfants nés en 1992, jusqu’à leurs 20 ans – soit l’année scolaire 2011-2012. Parmi eux, 48 % ont redoublé (37 % une fois, 11 % deux fois ou plus). Ensuite, on prend en compte le coût d’une année supplémentaire, sachant que le redoublement coûte de plus en plus cher au fur et à mesure que l’on avance dans la scolarité. En effet, une année d’études par élève coûte en moyenne 6 060 euros au primaire, 8 410 euros au collège, 11 310 euros au lycée général et technologique et 11 960 euros au lycée professionnel. L’étude montre ensuite que le redoublement a une influence sur la nature des études. A caractéristiques égales, un élève qui redouble a plus de chances d’être orienté dans la voie professionnelle que dans la voie générale et technologique.
Mais mettre l’accent sur les aspects économiques est, me semble t-il, une impasse. D’abord parce que supprimer le redoublement ne ferait pas pour autant faire des économies. Il faudrait attendre que tous les élèves aient terminé leur scolarité pour les percevoir ! Ensuite parce que la question est d’abord pédagogique. Est-ce que celui-ci est efficace quand il s’agit de proposer le même potage à celui ou celle qui n’a pas aimé la soupe une première fois ? Il faut alors envisager de changer la recette et s’intéresser aux alternatives au redoublement. Un article du Monde décrit plusieurs pistes fondées pour les unes sur la dimension psychologique ; d’autres sur la pédagogie différenciée, l’orientation, le tutorat, la lutte contre le décrochage ou encore la relation aux parents. On retravaille aussi sur l’idée de “cycles” avec la possibilité d’avancer à des rythmes différents selon les matières.
Dans La Croix du 27 janvier, Thierry Torcin, chercheur associé à l’Institut de recherche sur l’éducation (Iredu) après avoir constaté que « En France, le redoublement est inscrit dans nos pratiques et les enseignants y ont parfois recours pour de bonnes raisons, mais c’est aussi souvent un choix par défaut » résume assez bien les enjeux pédagogiques : “comment « apprendre aux élèves à mieux apprendre » et comment « aider les enseignants à mieux aider ».
Et cela suppose en effet, comme le souligne le chercheur, de faire preuve d’imagination et d’innovation pédagogique. Mais, si nous sommes les champions européens du redoublement , c’est bien parce que cela est inscrit durablement dans nos pratiques et notre histoire. Il s’agit aussi de réfléchir aux finalités mêmes de notre système éducatif. C’est ce que développe l’historien Jérôme Krop dans L’Humanité . Pour lui l'usage massif du redoublement à l'école publique s’est développé parallèlement au développement de la sélection.“Le vingtième siècle a été celui de l'allongement massif de la scolarité et de la constitution d'un système scolaire unique du début de la scolarité élémentaire jusqu'à la sortie du collège nous rappelle t-il. Maintenir l'existence d'un collège ouvert à tous et prenant en compte les difficultés des élèves qui ont le plus besoin de l'école, est un défi majeur pour la société française. Y répondre nécessite un projet pédagogiquement innovant, soucieux de ne pas reconstituer de ségrégations supplémentaires dans l'école, mobilisateur pour tous les élèves, leur famille et pour les enseignants. Il devrait être aussi doté des moyens nécessaires pour lutter contre des inégalités scolaires dont toutes les études nationales et internationales montrent qu'elles atteignent en France un niveau très préoccupant. Une transformation d'une telle ampleur ne peut qu'être le résultat d'une vaste réflexion collective impliquant tous les acteurs concernés.
Terminons donc ce bloc-notes sur cette interpellation qui rejoint celle de Philippe Meirieu dans une interview très intéressante au Monde. Je vous renvoie à la version longue publiée sur le site de notre ami plutôt que celle, tronquée et mal titrée, du journal. C’est à lire avec beaucoup d’attention. “Le constat, formulé par Antoine Prost il y a quelques années, me semble plus que jamais d’actualité : on a démocratisé l’accès à l’école sans démocratiser la réussite dans l’école.” nous rappelle Philippe Meirieu qui souhaite une École qui “tienne ses promesses” car, dit-il, “la fracture scolaire s’accroît jusqu’à ruiner la crédibilité de tout discours sur l’égalité républicaine...
Et si c’était cela la vraie mobilisation pour les valeurs de la République (et de la Démocratie par la même occasion) ?

Bonne Lecture...

Philippe Watrelot


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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Les propos du Recteur Prochasson que vous reproduisez sont stupéfiants : "L’enseignement des valeurs républicaines, en dépit des efforts réalisés, est inadapté car beaucoup trop abstrait." ou encore " Il faut imaginer un enseignement beaucoup moins didactique (et certains professeurs ne m’ont pas attendu évidemment), plus vivant, plus concret, qui mette la classe en activité, dans l’échange, la confrontation, le désaccord."

On croirait lire un texte sur le système éducatif de la troisième République : les classes sont vivantes, la priorité à la mise en activité est universelle. Ce dont souffre l'enseignement actuel est bien d'avoir, dans ce mouvement par ailleurs fort sain d'ouverture, oublié d'assurer la cohérence didactique des apprentissages ; mais aussi que soit si universellement méprisé tout recours à l'abstraction, alors qu'il s'agit d'un outil essentiel, certainement le plus important et le plus efficace, dans la construction des représentations du monde.

Il faut absolument se déprendre de ces représentations passéistes telles que celles du Recteur Prochasson pour mettre au centre du projet éducatif les enjeux didactiques, et oser, contre la doxa dominante, affirmer l'importance de l'abstraction dans le processus d'apprentissage.

 
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