dimanche, janvier 15, 2017

Bloc-Notes de la semaine du 9 au 15 janvier 2017



- Prédicat - Primaire – Mélenchon & Macron – ZEP – Butinages – .


Que se passe t-il dans les rédactions ? Pourquoi s’excite t-on autant sur ce foutu prédicat ? Et, si encore, c’était pour donner des clés et remettre dans le contexte au lieu d’agiter des lieux communs et des contre-vérités ? Pourtant il y aurait bien d’autre sujets, comme par exemple, les programmes “éducation” des candidats à la primaire et à la présidentielle. On pourrait aussi s’intéresser un peu plus aux revendications des lycées ZEP.
Tempête dans un verre d’eau...


Prédicat
- « Eh, coco, t'as pas un petit truc à balancer sur l'école ? »
- « Euh, j'ai pas trop le temps, chef, il faut aussi que je fasse mon trentième article sur Macron...et puis j’y connais rien »
- « Allez, tu nous fais un petit article vite torché, avec trois copies de tweets et ça fera l'affaire...»
- « OK, chef, je peux faire un papier sur la grammaire, c'est bien ça, la grammaire, ça va faire peur aux papys et mamies si on touche à la grammaire ... »
- « Oui, et puis en plus les profs, ils aiment bien se répandre sur Twitter, tu devrais pas avoir trop de mal à trouver...»


- « J'ai deux “contre” et un "pour”, ça suffit ?»

- « pas de problèmes, et après tu me fais un papier sur Kim Kardashian...
»
Comme je le prédisais la semaine dernière (et je n'en suis pas fier...) l'excitation médiatique autour du prédicat ne s'éteint pas et se transforme en polémique comme on les aime tant en France. Pour l'instant, on n'en est pas encore arrivé au niveau de celle sur l'accent circonflexe et la réforme de l'orthographe mais il y a encore une marge de progression...
On attend avec impatience que les politiques s'en mêlent (ça commence) et que nos grands intellectuels fassent des tribunes enflammées sur la défense du complément d'objet direct...On a, en tous cas, tous les ingrédients pour que ça continue comme ça : copiage d'un média à l'autre, articles et témoignages approximatifs et même contre-vérités, discours sur la baisse du niveau, moqueries sur le “jargon”, lassitude face aux changements, angoisse des parents et nostalgie de l'école d'autrefois, tout y est !
Dans ce déferlement d’articles peu rigoureux (cf. le reportage indigne sur France2 le 11 janvier ), on trouve cependant quelques textes plus sérieux. Ainsi, Mattea Battaglia dans Le Monde tente de faire le point sur ce sujet avec une vraie enquête. De même, en réponse au post de blog de la prof de collège “Lucie Martin” (pseudonyme) publié le 3 janvier sur Télérama.fr , trois enseignantes-chercheuses de l’Université Paris Descartes reviennent dans ce même site, sur quelques points importants et déconstruisent les affirmations erronées. Sur ce point, on pourra aussi lire l’avis de Sylvie Plane, vice-présidente du CSP dans La Croix .
Ce buzz médiatique passera t-il en troisième semaine ? Ou va t-il s’éteindre de lui même ou chassé par une autre polémique ? Quoi qu’il en soit, il aura fait suffisamment de dégâts et prouvé une nouvelle fois qu’on peut parler d’éducation sans avoir la moindre rigueur. Les débats sur l’École sont nécessaires et mériteraient que tout le monde s’y intéresse mais à condition qu’ils soient documentés et argumentés. Et surtout, ils devraient porter sur des sujets bien plus essentiels que l’accent circonflexe ou l’apprentissage de la grammaire de la phrase...


Primaire
On n’a pas beaucoup parlé de l’éducation dans le 1er débat de la primaire de la “belle alliance populaire” qui s’est tenu jeudi 12 janvier. Dans ce long débat de 21h à 23h30, l’éducation n’est pas un sujet de clivages majeurs même s’il y a des différences réelles.
Mais tous s’accordent sur les valeurs républicaines, et en particulier sur le rôle central de l’école, facteur de mixité sociale et instrument de lutte contre la reproduction sociale. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur ce sujet en attendant les autres débats, on peut aller consulter le comparateur des programmes du journal Le Monde et un très bon article de synthèse dédié à ce thème de l’éducation sur sur Public Sénat . On trouve aussi un comparatif sur le site EducPros
Le site spécialisé VousNousIls a fait, lui aussi, un gros travail de compilation des propositions des candidats. Vous y trouverez des présentations des programmes de Manuel Valls , Benoit Hamon et Arnaud Montebourg .
Pour celui de Vincent Peillon, il faudra aller sur son site ou sur LCI . Pour Benoit Hamon, on pourra aussi lire ses propositions dans L’Express et dans Le Point
Si la question de l’importance de l’éducation fait consensus tout comme l’impératif de lutter contre les inégalités, les différences se font sentir surtout sur la question des moyens. Benoît Hamon promet de recruter 37.000 à 40.000 enseignants supplémentaires, pour alléger les classes, prendre en charge leur formation continue et assurer les remplacements. Vincent Peillon comme Arnaud Montebourg plaident pour une généralisation du dispositif “plus de maîtres que de classes”. (voir plus bas) La question de la hausse des salaires est abordée par quasiment l’ensemble des candidats. Benoît Hamon se distingue par sa proposition sur la formation continue des enseignants. Chaque année, les enseignants, selon leurs besoins et leur ancienneté, pourraient se voir accorder trois à dix jours de formation par année. 15.000 (sur les 40.000) postes seraient créés pour compenser ces absences. Manuel Valls propose “une formation continue qui en mérite enfin le nom” : un stage obligatoire de trois journées par an, accompagnées d’une semaine de “remise à niveau” tous les trois ou cinq ans.
Benoît Hamon et Sylvia Pinel veulent abaisser l’âge de la scolarité à 3 ans. Le premier réfléchit même à débuter l’instruction dès deux ans, dans les réseaux d’éducation prioritaires (REP), en développant en parallèle la “création d’un service public de la petite enfance ” une proposition identique à celle de Manuel Valls.
Le gros point de la comparaison de ces programmes est surtout la nécessité de continuer à mettre le paquet sur le Primaire en rééquilibrant les dépenses vers ce niveau. C’est aussi ce qu’on retrouve avec le premier bilan d’une des mesures phares du quinquennat de François Hollande en matière d’éducation avec la remise d’un rapport sur le dispositif “Plus de maîtres que de classes” . C’est globalement une réussite nous dit La Croix ou 20minutes.fr . Lancé en 2013, le dispositif « plus de maîtres que de classes » consiste à affecter un enseignant supplémentaire dans les écoles les plus en difficultés pour aider les élèves dans leur apprentissage des fondamentaux (lecture, écriture, calcul). A l’occasion de la remise de ce rapport le mardi 10 janvier, la ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem a souligné ses apports pour le système éducatif et demandé aux recteurs qu’ “à l’issue de la prochaine rentrée, toutes les écoles relevant de l’éducation prioritaire soient pourvues d’un maître supplémentaire”. Une manière pour elle de développer encore le dispositif, avant de rendre les clés de la rue de Grenelle. Car à ce jour, 3.220 postes ont été affectés à cette mesure dans les écoles qui accueillant en ville et dans les territoires ruraux, une majorité d’élèves défavorisés ou en difficulté scolaire. “A la rentrée 2017, c’est un effort supplémentaire considérable qui sera fait avec 1.941 nouveaux postes” a t-elle annoncé.


Mélenchon, Macron et l’école
Hors de la primaire, on s’intéresse aussi à l’éducation.
Jean-Luc Mélenchon promet d'investir des moyens supplémentaires dans l'éducation, avec le recrutement de 60.000 nouveaux enseignants sur l'ensemble du quinquennat. Une mesure prévoit de rendre obligatoire la scolarité de 3 à 18 ans. Au cours des prochaines semaines, le candidat et son équipe vont dévoiler une série de livrets afin d'affiner et de préciser les 360 mesures publiées dans le livre, L'Avenir en commun notamment les conditions de leur mise en œuvre. On attend donc les propositions plus précises sur ce sujet.
Quant à Emmanuel Macron, il tenait samedi 14 janvier un meeting sur l'éducation à Lille dans un Zénith de 5000 personnes... Il développe aussi ses idées dans le domaine avec une interview dans le Courrier Picard . Il propose de “diviser par deux le nombre d’élèves par classe en CP et CE1 dans les zones prioritaires”. Dans l’interview (qu’on retrouve aussi dans La Voix du Nord) il se dit aussi “favorable à une plus grande autonomie des établissements scolaires, en particulier des collèges et des lycées. L’autonomie pédagogique, aujourd’hui, est limitée. Il faut la renforcer. Il faut donner plus de latitude aux responsables des établissements pour répondre aux difficultés du terrain, y compris en matière d’affectation des professeurs. » ”. Et il ajoute : “Il faut à la France un sursaut en matière d’éducation. On peut rattraper notre retard en dix ans”.
Le programme d’Emmanuel Macron semble, sur ce thème, avoir du mal à se démarquer. Pour certains, il y a un air de déjà vu pour d’autres une parenté avec L’école de demain de Jean-Michel Blanquer (Ed. Odile Jacob). Et d’autres feront remarquer qu’il sera difficile de faire comme si, il ne s’était rien passé dans le domaine de l’éducation depuis cinq ans...


ZEP
Les manifestations des professeurs et élèves de lycées qui demandent le maintien du label "ZEP", comme garantie de moyens pour les établissements prioritaires, continuent à travers la France.
Une pétition signée par près de 300 universitaires et chercheurs en sciences humaines appelle à soutenir la publication d'une carte élargie des établissements dans des zones défavorisées assortie d'un label unique et contraignant en termes de moyens. On pourra lire aussi une tribune d’une enseignante marseillaise dans L’Obs
Dans un communiqué de presse , le collectif “Touche pas ma Zep” évoque “les stratégies de la ministre” et ses “annonces fumeuses” ainsi que son refus de recevoir une délégation. Le collectif propose une solution à la ministre de l’Éducation Nationale : celle de publier un décret. Il “définirait une carte élargie des lycées en éducation prioritaire assortie d’un label unique et contraignant en termes de moyens” et “garantirait également la pérennité des indemnités et bonifications dont bénéficient les personnels de ces lycées


Butinages
Pour finir, comme à l’habitude, quelques lectures et liens glanés au cours de cette semaine.

Dans une tribune parue dans Le Monde , Nathalie Mons propose de rendre l’école plus juste en s’attaquant en urgence aux cent collèges ghettos de France. Pour cela, “la mise en place de politiques locales de mixité, qui doit être volontariste, s’impose dans un cadre national.

La lecture d’une note de la DEPP nous apprend que les enseignants sont davantage exposés aux risques psychosociaux que les autres populations, notamment que les cadres du privé. Cette étude, qui mérite vraiment d’être lue, décrit en creux les caractéristiques du métier d'enseignant. Lucien Marboeuf, sur son blog, en tire un billet très intéressant et nous rappelle, tout comme un article de VousNousIls que les enseignants souffrent surtout de l’isolement. Selon les auteurs de l'étude, cela s'explique par “un manque de soutien hiérarchique et entre collègues

Daniel Herrero est un rugbyman bien connu, ancien entraineur de Toulon. On sait moins qu’il a enseigné vingt ans, en lycée et en Staps. Les Cahiers Pédagogiques ont voulu lui demander quelle était sa vision de ce métier qu’il a aimé, afin qu’il communique un peu de son énergie et de son enthousiasme humain à une profession parfois lasse et morose et donc solitaire. Il nous donne sa vision du travail d’équipe et du collectif : “S’unir dans la compétence, un beau rêve cependant, ensemble on est plus forts et qu’il n’en manque pas un à l’appel ! Le sens de l’équipe, c’est «  ne te fais pas de souci, on est là  ». ” Et il conclut par ce bel hommage aux enseignants : “je suis plein d’admiration pour les professeurs, ces traceurs de routes qui ont choisi à la fois le sommet et le chemin le plus difficile pour y arriver

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

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1 commentaire:

hugo a dit…

Une sérieuse formation continue, adaptée aux aspects psychologiques du métier d’enseignant est nécessaire , dont la formation à la gestion des conflits et du stress (techniques de « coping », afin d'obtenir un meilleur contrôle émotionnel) : http://www.officiel-prevention.com/protections-collectives-organisation-ergonomie/psychologie-du-travail/detail_dossier_CHSCT.php?rub=38&ssrub=163&dossid=486

 
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