dimanche, juin 19, 2016

Bloc-Notes de la semaine du 13 au 19 juin 2016



- Marronnier – Bac 2.0 – Bac pro – Lectures - Médias .


Bac, Bac, bac... Il n’y en a (presque) que pour le bac dans ce bloc notes. Le baccalauréat est le marronnier par excellence . Au passage, on apprendra d’où vient cette expression du jargon de la presse. Le bac dans tout son rituel et sa permanence, mais aussi le bac de demain. Et aussi un rappel qu’il n’y a pas que le bac général dans la vie mais aussi le bac techno et surtout le bac pro dont on ne parle pas assez. On complètera cette revue de presse avec un peu de lectures et une séquence d’éducation aux médias.


Marronnier
Commençons par un peu de culture générale.
Tout commence à la Révolution française, le 10 août 1792.Ce jour-là, alors que le roi Louis XVI a quitté Versailles pour résider à Paris, dans son palais des Tuileries, le peuple attaque les Tuileries : 20.000 hommes —dont nombre de sans-culottes avec des fourches— partent à l’assaut de la bâtisse défendue par 950 gardes suisses. La quasi totalité est massacrée par la foule. Beaucoup de gardes suisses seront enterrés au jardin des Tuileries, sous un gros marronnier rose. Chaque année, au printemps, l’arbre fleurissait au-dessus des tombes. Et chaque année, au même moment, les journaux publiaient des articles qui rappelaient cette fameuse journée du 10 août. C’est là l’origine du mot “marronnier” pour désigner les articles sur des sujets qui se répètent et qui sont prévisibles.
Incontestablement, le baccalauréat fait partie des marronniers de la presse. Chaque année, entre le Festival de Cannes et de Roland Garros, on voit poindre les premiers sujets sur les révisions. Puis ensuite arrivent les articles sur les plus jeunes candidats, les plus vieux, les triplés qui passent le bac, les prévisions sur les sujets possibles, etc. Et tout s’accélère et atteint son paroxysme avec l’épreuve de Philosophie qui est supposée marquer le début de ce grand rituel national. En oubliant au passage que les bacs professionnels et technologiques (et même certaines épreuves du bac général) ont déjà commencé depuis plusieurs jours....
Cette année cela n’a pas manqué. Même si l’importance de l’actualité nous a relativement préservé des sujets les plus futiles. Le rituel est bien rodé avec la conférence de presse de la Ministre qui lui a permis d’ironiser sur le tout aussi sempiternel refrain du “niveau qui baisse et de défendre ce rituel bicentenaire .
Cela permet aussi de rappeler quelques chiffres et quelques dates. L’examen existe depuis 1808. Il concerne cette année pas loin de 700.000 lycéens qui vont produire 4 millions de copies. On dépense 80 euros par élève pour l’organisation des épreuves et avec les couts indirects la facture s’élèverait à une centaine de millions.
On peut aussi comme le font plusieurs journaux adopter un angle comparatiste et faire un tour d’horizon de ce qui se passe chez nos voisins allemands, suisses, anglais et espagnols comme le fait le JDD.fr ou encore Ouest France qui rappelle qu’une très grande majorité des systèmes éducatifs pratiquent un examen national externe à la fin du second cycle du secondaire. Mais une des particularités du bac “à la française” est qu’il cumule deux fonctions en une : il sanctionne la fin d’un cycle d’études mais il ouvre aussi les portes de l’enseignement supérieur ou du moins de l’université.
Chaque année aussi a son lot de polémiques. L’an dernier c’était déjà l’épreuve anticipée de Français avec le fameux “Tigre bleu” de Laurent Gaudé qui avait fait le buzz... Cette année, les élèves de S et ES sont tombés sur un corpus de textes avec pour thème : l'éloge funèbre... Parmi les auteurs présents on trouvait un texte d'Anatole France. Beaucoup d'élèves l'ont pris pour une femme. On trouve quelques réactions assez drôles sur Twitter : «je croyais que c'était une station de bus...», « on me demande “sur quoi t'es tombé au bac?” en fait, je suis juste tombé...», «c'est à mon bac qu'on devrait faire un éloge funèbre». S'ils manquent quelquefois de culture générale, nos lycéens ne manquent pas d'humour... On a droit aussi à une pétition pour demander à l'Éducation nationale le retrait d'un texte de l'épreuve d'anglais qui «relevait d'une certaine complexité au niveau du sujet et nécessitait d'une certaine culture». Précisons qu’il s’agissait pour ce texte, où les mots “Manhattan” “Harlem” et “Hudson River” figuraient, d’indiquer dans quelle ville se situait l’action...
Toutefois, chaque année on trouve la preuve que même avec des marronniers on peut faire des articles de fond qui apportent de la réflexion. C’est le cas avec un article de Mattea Battaglia dans Le Monde . Intitulé “Le bac, fabrique de réussite artificielle ”, il permet de remettre en perspective cet examen multiforme et qui ne concerne pas tout le monde. Et surtout, il permet de nuancer la “démocratisation” dont on parle abusivement à propos de cet examen. On devrait plutôt évoquer comme le sociologue Pierre Merle une “démocratisation ségrégative”. Rappelons qu’on ne trouve, en terminale scientifique, que 32 % d’enfants d’employés ou d’ouvriers alors qu’en terminale professionnelle, 69 % des élèves sont de cette origine sociale. L’historien Claude Lelièvre dans un billet de blog sur Médiapart enfonce le clou. En 2015, 55% de la classe d'âge a obtenu un baccalauréat général ou technologique. Autant mais pas plus qu'en 1995, vingt ans plus tôt ! En revanche 22,2% de la tranche d'âge a obtenu un baccalauréat professionnel en 2015 contre 7,4% en 1995 ; soit un triplement en vingt ans. “Il est donc difficile de parler tout uniment de la massification « du » bac ” nous rappelle Claude Lelièvre.

Bac 2.0
Si le bac semble un rituel immuable, il évolue malgré tout. Et, surtout, on réfléchit à son avenir (ou à sa disparition).
Louise Tourret dans un article sur Slate.fr nous dit que la bonne vieille copie papier est remise en question. Le réseau des lycées français de l’étranger (Aefe) promeut une nouvelle manière d’organiser la correction des copies du bac… en faisant travailler les enseignants en ligne avec des copies numérisées. Et cette modalité est déjà mise en œuvre aussi dans certains examens en Métropole et pour certaines épreuves du bac. Le bac est-il numérisable ?
Peut-on aussi l’alléger ? Dans une interview au Figaro, le directeur général de l'Essec, (et ancien Dgesco) Jean-Michel Blanquer, prône un resserrement du bac autour de quatre épreuves. La fondation Terra Nova va plus loin encore. Dans une note intitulée Comment sauver le bac ? et publiée avec un certain sens du timing le mercredi 15 juin, les auteurs préconisent un examen limité à quatre jours répartis entre les deux dernières années de lycée. Les étudiants passeraient deux épreuves en première (l’une de français, l’autre de leur choix) et deux en terminale (l’une de philosophie, l’autre de leur choix).Toutes les autres disciplines seraient évaluées pendant la scolarité par des contrôles continus. Un exercice se situant au croisement du mémoire et des travaux personnels encadrés (TPE) viendrait valider officiellement la fin de la terminale. Les deux dernières années du lycée seraient découpées en quatre semestres au cours desquels les élèves auraient à valider sept unités d’enseignement de quatre heures hebdomadaires. L’idée contenue dans cette proposition est de “responsabiliser les étudiants dans leurs choix de disciplines et donner plus de souplesse à la construction de leur parcours d’orientation. Ils capitalisent des crédits et doivent valider certains modules en fonction de ce qu’ils veulent faire après le bac ” pour reprendre les mots d’une des auteurs, Armelle Nouis, proviseure du lycée Hélène Boucher (Paris 20e).
La réforme du bac et du lycée a été évitée durant ce quinquennat. On se souvient que la première tentative de Xavier Darcos de réformer le lycée a mis les lycéens dans la rue. Et la réforme menée par Richard Descoings sous le ministre Chatel a finalement peu modifié les équilibres. Et s’est bien gardée de toucher au “monument national” (expression de Jack Lang) qu’est le bac. Il reste à faire le bilan de cette réforme. Et se dire qu’on ne pourra repousser éternellement à plus tard, une remise à plat de l’architecture générale du lycée et de l’examen terminal. Même les monuments nationaux ont besoin de rénovation voire même de reconstruction...

Bac pro
Restons encore sur le bac en réparant un oubli. Nous n’avons pas évoqué dans le bloc-notes de la semaine passée le bac pro et le lycée professionnel.
Or, à l’occasion des trente ans de cette filière, Le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) a publié un rapport et des préconisations sur ce sujet. Cela a aussi donné lieu à une tribune de la Ministre dans Les Échos . Pour approfondir on pourra aussi (réécouter)l’émission de Rue des Écoles sur France Culture sur ce pan de l’éducation nationale trop souvent négligé par les médias. Alors qu’il concerne 36% des élèves et que le bac pro est un des éléments clés de la massification du baccalauréat.

Lectures
Pour ne pas parler que du bac, voici quelques lectures... Plusieurs rapports sont sortis récemment et dont la lecture est intéressante.
Rappelons d’abord celui signalé la semaine dernière sur l’efficacité de la réforme des rythmes scolaires. Contrairement à ce que j’ai écrit, il est lisible sur le site du Ministère. Mais on le trouve à sa date de remise (mai 2015) et pas à sa date de publication, c’est-à-dire juin 2016. Adrien Sénécat, de l’équipe des “décodeurs” du journal Le Monde se livre à une analyse comparative des différents rapport qui ont été publiés sur ce thème. C’est à lire si on évite le titre (j’y reviendrai).
Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) ar emis au gouvernement mercredi 15 juin, un rapport où il pointe le déficit d’éducation à la sexualité. Cette étude a été commentée dans plusieurs articles dans Le Monde , Libération ou encore dans Ouest France
Et pour finir, un peu d’économie... France Stratégie est un organisme gouvernemental qui est chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques, héritier du commissariat au Plan. Dans une étude publiée cette semaine, France Stratégie démontre qu'en améliorant le niveau de la France aux tests PISA, la croissance du PIB pourrait être augmentée... Il s’agit de travaux qui s’inscrivent dans une tradition de l’analyse économique assez connue. L'éducation affecte la dynamique de la croissance en modifiant la productivité du facteur travail et en augmentant les capacités d'innovation de l'économie. Depuis les années 1980, les économistes essaient d'identifier son impact sur le progrès économique et la croissance. D’après le modèle de calcul, en portant le score PISA de la France au niveau de celui de l'Allemagne, le PIB Français serait augmenté de 24,7 milliards d'euros par an entre 2015 et 2075, soit un gain de 0,12 à 0,37 point sur la période. Un deuxième scénario, plus ambitieux, montre qu'en obtenant les mêmes scores aux tests PISA que la Corée du Sud, le gain de PIB serait de 57,6 milliards d'euros par an, soit une augmentation de 0,28 à 0,83 point... Évidemment il faut être très prudent sur ce genre d’analyse. Les phénomènes économiques ne se réduisent jamais à une seule causalité. Et bien sûr, la quantité ne fait pas tout. Augmenter les ressources éducatives ne suffit pas en soi à améliorer les compétences des élèves. Il est également nécessaire d'identifier les réformes éducatives qui permettraient d'améliorer durablement et significativement les performances des élèves.

Éducation aux médias
Coup de gueule pour finir en forme d’éducation aux médias.
Nous évoquions plus haut un article du Monde sur les rythmes scolaires. Cet article a pour titre “Rythmes scolaires et fatigue des élèves : ces études que Najat Vallaud-Belkacem préfère ne pas voir”. Exemple parfait d'un titre accrocheur qui ne correspond pas au fond de l'article... Car dans ce texte le journaliste se livre surtout à une analyse assez juste et nuancée des différents rapports qui viennent de sortir sur les rythmes scolaires. Ce qui n’a pas grand chose à voir avec le titre !
En général, les titres dans les journaux (et sur le web) ne sont pas décidés par les journalistes eux-mêmes mais par le rédacteur en chef ou le secrétaire de rédaction. Avec un objectif de plus en plus affirmé qui est d’attirer l’œil et l’attention du lecteur. La surenchère est d’ailleurs poussée à son paroxysme avec certains titres sur les sites de certains pure players” sur le web. On vous promet des révélations extraordinaires pour un texte au final qui ne tient pas les promesses du titre...
Pour ne pas accuser que Le Monde, voici un autre titre complètement décalé (et malveillant) du Figaro cette fois-ci. “L’énorme bourde du ministère de l’Éducation nationale sur les sujets de philo du bac ” c’est le titre qu’on peut lire sur le site du Figaro Étudiant En fait d'«énorme» bourde il s'agit juste d'une erreur dans l'envoi des sujets de bac de philo par le service de presse aux journalistes spécialisés. On a envoyé les sujets tombés la veille en Guyane avant de rectifier quelques minutes après...! Vraiment «énorme»... (d’ailleurs l’adjectif a disparu du titre actuel). Et pas de quoi en faire un article...

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

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