dimanche, juin 12, 2016

Bloc-Notes de la semaine du 6 au 12 juin 2016




- Hors contrat et à la maison – Re-Redoublement - Rythmes – Droite - .

Le mot clé de ce bloc notes est (comme trop souvent) : “polémiques”... La ministre a annoncé jeudi des mesures pour lutter contre les dérives des écoles hors-contrat et de l’école à domicile. Et cela a provoqué quelques inquiétudes chez certains. On voit aussi resurgir la énième discussion sur le redoublement avec toujours les mêmes débats. La réforme des rythmes scolaires est elle aussi l’objet de débats récurrents. Et on peut compter sur les leaders de la droite pour relancer la fabrique à polémiques. Ça promet !




Hors contrat et à domicile
Le ministère de l’Education nationale a annoncé jeudi 9 juin un ensemble de mesures pour renforcer le contrôle des établissements privés hors contrat et de l’école à domicile. S’agissant des établissements privés hors contrat, le nombre d’élèves scolarisés est passé de 13 000, en 2004, à 33 000 aujourd’hui. Côté enseignement à domicile, le taux a doublé : sur la totalité des enfants soumis à l’obligation scolaire, 25 000 élèves soit 0,30% ont recours à ce mode, contre 0,16% en 2007. Pour rentrer dans le détail de cette galaxie du hors contrat et du “home schooling” on pourra se reporter à l’excellente synthèse des décodeurs du Monde
On ouvre plus facilement une école en France qu’un restaurant ou un bar” constatait Najat Vallaud Belkacem lors de sa conférence de presse. Aujourd’hui, il suffit d’être bachelier, âgé d’au moins 21 ans, disposer de locaux et faire une déclaration en mairie pour pouvoir ouvrir un établissement privé hors contrat. L’ouverture de ces écoles est soumise à un régime de “déclaration avec opposition” : si l’administration constate que l’intéressé ne remplit pas les conditions, elle ne peut pas s’opposer à l’ouverture de l’établissement et se contente à informer la personne qu’elle va commettre un délit. A la rentrée 2017, ces établissements devront désormais répondre à un régime d’autorisation a priori, autrement dit l’Etat pourra s’opposer en amont à leur installation. Les porteurs d'un projet devront déposer une demande quatre mois au minimum avant l'ouverture de l'école. Côté scolarisation à domicile, avec seulement deux tiers des enfants inspectés, les contrôles sont jugés imparfaits. Le ministère veut faire appel à des enseignants volontaires, clarifier les règles sur les modalités et le lieu du contrôle, et enfin préciser les sanctions en cas de refus réitéré d’inspection. Pour ce dernier point, les parents qui refuseront deux fois de suite, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle pédagogique seront désormais mis en demeure de l’inscrire dans un établissement d’enseignement public ou privé.
Même si on se souvient d’affaires récentes concernant des écoles hors contrat et des craintes de dérives sectaires ou intégristes dans le cas de l’école à la maison, et que les risques sont réels on voit se profiler un début de polémique chez certains défenseurs de ces formes d’enseignement. Les Associations familiales catholiques (AFC) y voient une remise en cause insidieuse de la sacro-sainte ( !) liberté d’enseignement (lire le rappel historique de Claude Lelièvre sur Médiapart) . Et du côté des écoles alternatives on met en avant le caractère très normatif du système scolaire français, qui met en échec les enfants qui « ne sont pas dans le moule » et crée de la phobie scolaire et on craint que cela ne remette en question l’alternative qu’elles proposent. On voit aussi des réactions chez les libéraux de la Fondation pour l’École. Dans une interview au journal Le Monde , la Ministre se défend de vouloir raviver une guerre scolaire. “L’Etat ne peut être ni aveugle ni naïf : on voit parfois se développer des enseignements trop lacunaires, ne garantissant aucunement un socle minimal de connaissances aux enfants, voire attentatoires aux valeurs républicaines. Un peu partout, on réclame plus de responsabilité de la part de l’Etat sur ces sujets. Et c’est justement ce que l’on s’apprête à faire.”.
Le risque de surenchère sur ce sujet comme sur bien d’autres existe. Dans cette période particulière, tous les prétextes sont bons pour déclencher des polémiques.

Re-redoublement
Vous l’avez aimé en 2013, vous l’avez aimé en 2014 (et en 2015), vous aimerez “redoublement 2016” !
Alors que la saison des conseils de classe continue, plusieurs articles évoquent de nouveau l’interdiction du redoublement. On trouvera un dossier dans Le Figaro avec plusieurs articles consacrés à ce sujet. Le sujet est aussi abondamment traité dans la presse régionale. Sur le site VousNousIls, on nous apprend que le SNES dénonce cette interdiction du redoublement. Pour "limiter ses effets néfastes", il propose des "modalités d'actions" collectives aux enseignants visant à indiquer leur désaccord en conseil de classe.
On semble aujourd’hui redécouvrir cette information qui est pourtant le résultat d’un décret paru en novembre 2014. En vertu de ce texte, le redoublement ne sera plus possible qu'en cas de « rupture d'apprentissage ». Il faut aussi rappeler que cette disposition était déjà contenue dans la loi de refondation votée en juin 2013 par la représentation nationale. Régulièrement donc le sujet revient à la Une et mon bloc-notes s’en est fait l’écho à plusieurs reprises.
C’est le signe que sur ce sujet l’évolution est lente pour une pratique dont la vanité est pourtant démontrée par les études nationales et internationales. Selon les différentes enquêtes internationales, les pays qui affichent les meilleures performances sont aussi ceux qui l'ont fortement réduit. Un rapport récent de la DEPP et qui est rapporté par le journal Le Monde apporte de nouveaux arguments. Ce rapport montre que cinq ans après être entrés en classe de troisième, près de la moitié des élèves qui étaient alors considérés comme « faible scolairement » obtiennent le baccalauréat. Est considéré comme faible un élève ayant obtenu une moyenne de 8/20 aux épreuves écrites du diplôme national du brevet (et qui n’a donc pas obtenu ce diplôme). Trente-deux pour cent des élèves en difficulté obtiennent un baccalauréat professionnel, 11 % un baccalauréat technologique et 5 % un baccalauréat général.
La focalisation sur cette question récurrente en dit long sur l'état du système éducatif et de l'opinion publique. 
D'abord, on voit que l'opinion s'accommode très bien d'un système qui sélectionne très tôt et dont la fatalité du redoublement n'est qu'un des symptômes. 
Ensuite cela nous montre bien la difficulté du système à innover et trouver des solutions alternatives et à favoriser la remédiation. 
Enfin, on ne peut s'empêcher de voir cet attachement au redoublement chez certains enseignants comme le symbole d'un pouvoir perdu alors que la profession se sent dans une logique de déclassement.

Rythmes
Un autre rapport risque de faire parler de lui. Il s’agit d’un rapport des inspections générales (IGEN/IGAENR) sur les rythmes scolaires dont Le Monde indique qu’il a été rendu public vendredi . On peut le lire aussi  sur le site du Ministère à la date de juin 2015.
C’est à partir de la lecture qu’en font les journalistes du Monde qu’on évoquera cette question. Ce rapport prend en compte essentiellement le ressenti des acteurs éducatifs français. Le retour de la cinquième matinée de classe, que la droite avait supprimée en 2008, est approuvé pour ce qu’il apporte : plus de temps pour traiter et approfondir le programme, aider les élèves en difficulté, mener des projets… Mais des interrogations demeurent à la fois sur l’alourdissement des semaines et sur l’accroissement de la complexité des journées des enfants. Le ressenti des professeurs indique que les nouveaux rythmes provoqueraient une moindre attention des élèves, en contradiction avec des données plus scientifiques évoquées dans l’article (étude menée à Arras par le professeur François Testu).
Dernier point de discorde : les activités périscolaires même si ce n’est pas le point principal de ce rapport. Ce thème avait déjà été traité par la Sénatrice Françoise Cartron dans un rapport récent. Plus de neuf communes sur dix ont organisé des activités sur les trois heures dégagées par la réforme, mais un tiers a renoncé à la gratuité. Autre problème majeur : même si la sénatrice a voulu montrer que la réponse des petites communes a été à la hauteur, l'offre concrète a été plus importante dans les grandes villes dynamiques que dans les communes rurales.
Comme le souligne Le Monde, il est difficile de gommer le sentiment qu’ont encore bien des parents d’une école « à plusieurs vitesses ». Avec une offre plus riche dans les grandes villes que dans les petites ; des ateliers mieux pensés dans les agglomérations pionnières, que dans celles qui, jusqu’à la date butoir de la rentrée 2014, ont traîné des pieds, à l’image de Marseille. On peut apporter à ce constat, la formule qui était celle de l’ancien maire d’Angers (commune pionnière) : “ça marche mieux quand on fait tout pour que ça marche”. Formule réutilisable pour bien d’autre sujets !

La droite
Cette semaine, la droite s’est déchainée sur l’École...
C’est surtout le (pas encore ?) candidat Sarkozy en meeting à Lille mercredi dernier qui a estimé que les militants du « parti pédagogique» se sont «échinés à détruire méthodiquement le respect de l’autorité, l’apprentissage de la langue, la transmission de notre histoire nationale, de nos mœurs, de nos valeurs». Et il a ajouté «Nous reconstruirons les Humanités, car l’école doit redevenir le creuset de la République française.».
Dessin de Jimo
Jean-François Copé n’est pas en reste. On pourra lire dans Le Parisien un résumé de ses positions qu’il a exprimé longuement sur son blog. L'ancien patron de l'UMP veut «redonner l'amour de la France, l'amour de la collectivité, le sentiment de partager une communauté de destin». Ce qui pourrait être possible d'après lui si l'on «rend obligatoire le lever du drapeau à l'école (une fois par semaine le lundi matin par exemple)» ainsi que «le chant de la Marseillaise» et «le port de l'uniforme dans les écoles publiques».
Pour faire bonne mesure, il faut aussi citer Eric Ciotti. Il a réagi à l’annonce récente d’une «prime» (c’est ainsi que c’est présenté par Le Figaro ) annuelle de 600 euros pour les 16-18 ans boursiers «décrocheurs» qui décideront de reprendre le cours de leurs études. Cette somme viendra compléter la bourse (de 393 à 834 euros annuels selon les échelons) pour, au final, un montant annuel d'au moins 1000 euros par an. La mesure fait partie du plan jeunesse, présenté le 11 avril dernier, qui prévoit par ailleurs des mesures concernant les apprentis, les bacheliers professionnels et l'insertion. Au total 12.500 «primes bourses» de 1000 € seront créées à la rentrée 2016.
Mais pour Éric Ciotti, les décrocheurs n’ont qu’à s’en prendre qu’à eux mêmes... Il écrit sur son blogJe dénonce avec la plus grande force cette mesure qui exprime la réticence idéologique de la gauche à l’expression de toute forme d’autorité et traduit une dangereuse inversion des valeurs. L’assiduité à l’école n’est pas un choix, c’est une obligation prévue par la loi, envers la République. Si l’absentéisme scolaire doit être sanctionné, le respect de la loi ne peut en aucun cas être récompensé, car il s’impose à tous !”Il faut se rappeler qu’une des premières du gouvernement fut l’abrogation de la “loi Ciotti” qui supprimait les allocations aux familles d’enfants absentéistes.
Nous devons évoquer aussi la campagne tout aussi indigne sur “l’enseignement de l’arabe à l’École” qui a occupé toute la semaine dernière. La Ministre y a répondu cette semaine nous dit L’Express. L'intéressée s’est adressé directement aux signataires des pétitions ce mercredi sur le site de Change afin de répondre aux quatre pétitions l'interpellant, et écrit-elle, "mettre fin à certaines rumeurs et clarifier l'intérêt pour les élèves de ces choix".
La période qui s’annonce risque de voir se multiplier les escarmouches de ce genre. Toute une partie de l’opposition semble faire de Najat Vallaud-Belkacem, après le départ de Christiane Taubira, une de ses cibles favorites. Et on voit bien que tout peut devenir objet de polémiques et d’indignations surjouées. Alors que la Droite semble faire de la question de l’identité et de la “restauration” de l’autorité un axe fort de sa campagne, l’École se retrouve de nouveau au cœur du débat.

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

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