mardi, janvier 25, 2005

Revue de presse du mardi 25 janvier 2005

« Transmettre, nécessairement transmettre » nous dit Samuel Pisar dans le Monde à propos de la Shoah. Oui, mais comment ? Le même journal rappelle que « L'attitude réfractaire de certains élèves oblige les enseignants à repenser leurs cours sur la Shoah ». Il propose un dossier très fourni et bien construit autour de cette question pédagogique. On retiendra en particulier l’interview d’Annette Wieviorka qui s’interroge sur l’utilité des voyages à Auschwitz et sur la nécessaire différence entre enseignement de l’histoire et morale.
" Nous nous donnons bonne conscience, alors que nous devrions nous inquiéter du monde que nous avons fait et dans lequel beaucoup de jeunes vivent dans des conditions déplorables. Que signifient nos leçons sur la République, l'intégration, l'antiracisme alors qu'ils subissent l'exclusion, les discriminations liées à leurs origines et ont tant de mal à imaginer leur place dans la société ? " ainsi conclut-elle son intervention.
Bonne Lecture...
----------------------------------------------
Libération du 25/01/05


Le scolaire sur le pied de guerre

Livre. Philippe Meirieu ravive, dans un essai libre de tout dogme, la vieille querelle des écoles.
Nous mettrons nos enfants à l'école publique... par Philippe Meirieu, Mille et Une Nuits,
112 pp., 9 €.
Lire la suite de l’article


Vice de forme de la réforme Fillon
Par Jean HOUSSAYE

Vu sous l'angle pédagogique, le projet de loi sur l'école de François Fillon pourrait à première vue, en dehors de l'habileté à vouloir satisfaire tout le monde a minima, paraître disparate. Or il y a une cohérence entre tous ces éléments de la loi et de son contexte : l'appel à revenir aux «bonnes vieilles méthodes qui ont fait leur preuve» ; l'incitation à restaurer l'autorité chez les enseignants ; le renforcement des redoublements ; la curieuse inscription dans le texte de la «liberté pédagogique de l'enseignant» ; le décrochage du bac des TPE (travaux personnels encadrés), emblème dérisoire de la dernière réforme des lycées ; l'institutionnalisation de trois heures de soutien pour les élèves qui ne maîtriseraient pas le socle commun de la scolarité obligatoire.
Quelle est la cohérence pédagogique de toutes ces mesures ? Tourner la page de ce qui a été inscrit dans les textes depuis plus de vingt ans et dont le nom n'est même pas prononcé ici : la pédagogie différenciée. Voici la victime cachée de la réforme. La pédagogie différenciée se voit ici signifier son arrêt de mort au profit d'un retour à la pédagogie traditionnelle.
[…]Le fait de dispenser le même enseignement dans la classe au même moment à l'ensemble des élèves produit de l'échec scolaire et ne permet surtout pas de répondre à un tel échec. La pédagogie de soutien, en tant que supplément pédagogique de la pédagogie traditionnelle, ne parviendra pas à renverser cette fabrication de l'échec, même si elle donnera bonne conscience aux acteurs. Et c'est pourquoi, en 1983, le ministre Savary prônera la pédagogie différenciée, véritable remise en cause et subversion du mode simultané. Elle deviendra la référence dans les textes officiels mais n'aura jamais les moyens de sa mise en oeuvre.
Fausse «nouveauté» mais véritable régression pédagogique, la pédagogie de soutien fait sortir du quotidien de la classe la question de la prise en compte des différences entre les élèves. A ce titre, elle justifie la pédagogie traditionnelle, l'encourage, lui donne bonne conscience. La loi Fillon sur l'école signe la mort de la pédagogie différenciée, le retour de la pédagogie de soutien et la restauration de la pédagogie traditionnelle.[…]
Lire la suite de l’article

---------------------------------------------
Le Figaro du 25/01/05


Rien vu...


-------------------------------------------
L'Humanité du 25/01/05


Pas de prépa pour les ZEP
François Fillon maîtrise l’art du discours mais sa façon de faire manque de classe. De classe prépa, en l’occurrence, puisque ses services prévoient de supprimer celle du lycée Paul-Eluard de Saint-Denis, dans le 93, seul établissement classé ZEP à disposer d’une telle section (l’Humanité du 24 janvier). Hier, plus d’un millier d’élèves ont débrayé et ont manifesté devant le ministère de l’Éducation afin de protester contre cette perspective.
Lire la suite de l’article


grève Les lycéens prennent vapeur
Jeudi dernier, à Nantes, les lycéens prenaient en masse la tête de la manifestation des services publics pour protester contre le projet de loi Fillon. Et depuis bientôt dix jours, leur colère explose ici et là dans les établissements. Ainsi hier, environ 400 élèves du lycée Adolphe-Chérioux à Vitry (94) votaient la grève reconductible et parlaient d’aller faire débrayer les établissements alentour. Au lycée Pablo-Picasso, à Fontenay, dans le Val-de-Marne, les jeunes se sont mis en grève et ont investi les couloirs afin de protester contre le « remerciement » d’un enseignant vacataire, dont le contrat - 200 heures non renouvelables - prend fin ce mois-ci. Autant de motifs qui laissent imaginer que ces actions pourraient, très vite, faire boule de neige. Ce qui, après tout, serait de saison.
Lire la suite de l’article


----------------------------------------------------
Le Parisien du 25/01/05


VOIX EXPRESS. Comment parlez-vous de la Shoah à vos enfants ?
Olivier 44 ANS « C'est un thème souvent abordé dans les médias. Et même si les images sont parfois dures, je ne tiens absolument pas à protéger mes trois enfants. Il faut créer un électrochoc sur les jeunes générations pour qu'elles n'oublient pas ce que fut cette atrocité.Mon travail de père, c'est de construire mon fils et mes deux filles au quotidien. Je les prépare à être responsable. »
Lire la suite de l’article

------------------------------------------------
La Croix du 25/01/05


«Informer et sensibiliser les parents»
Selon le ministre de la santé et de la famille, qui reçoit mardi 25 janvier un rapport sur la pédo-pornographie sur Internet, «il faut informer et sensibiliser les parents»
Lire la suite de l’article

------------------------------------------------
20 minutes du 25/01/05


Des lycéens en grève pour leur prof
Environ 250 élèves du lycée Pablo-Picasso de Fontenay-sous-Bois (94) ont manifesté hier après-midi devant le rectorat de Créteil pour obtenir l’intégration d’un de leurs profs de français, un vacataire dont le contrat s’achevait en fin de semaine dernière. Le matin, la plupart des élèves du lycée avaient déclenché une grève pour le même motif.
Lire la suite de l’article

-------------------------------------------------
Ouest-France du 25/01/05


Rien vu...


-------------------------------------------------
Le Monde daté du 26/01/05


M. Chirac assure que "l'antisémitisme n'a pas sa place en France"
En inaugurant, mardi 25 janvier à Paris, le Mémorial de la Shoah, le chef de l'Etat devait rappeler aux Français leur devoir de mémoire à l'égard du martyre du peuple juif. Il invitait les enseignants à faire en sorte que leurs élèves "comprennent et n'oublient jamais".[…]
Se souvenir, transmettre. Le chef de l'Etat devait aussi adresser un message à l'école, comptant "sur tous les professeurs de France" pour amener leurs élèves au Mémorial, afin qu'ils "voient, comprennent et n'oublient jamais". Et se rendent compte qu'aucun propos antisémite n'est "excusable", ni "insignifiant". M. Chirac ne devait cependant pas évoquer le cas des deux élèves de Seine-Saint-Denis qui ont manifesté leur antisémitisme lors de leur voyage à Auschwitz (Le Monde daté 23-24 janvier).
Lire la suite de l’article


L'attitude réfractaire de certains élèves oblige les enseignants à repenser leurs cours sur la Shoah

Des élèves refusant de regarder le film d'Alain Resnais Nuit et brouillard. En plusieurs décennies d'enseignement de l'histoire, Marie-Paule Hervieu n'avait jamais fait face à pareil défi. C'était il y a trois ans. "Un petit groupe d'élèves de terminale ES s'est regroupé au fond de la salle. Ils ont abaissé leurs bonnets sur les yeux et se sont mis à faire du bruit, raconte cette professeure d'histoire d'un lycée parisien.Une élève m'a dit : "On en a assez du ressassement de l'histoire des juifs". Je me suis dit : le mot "ressassement" ne fait pas partie de son vocabulaire habituel : elle ne parle pas seulement en son nom. Je leur ai demandé de sortir de la classe. Plus tard, on en a reparlé, ils ont évolué. Au devoir suivant, ils ont choisi d'eux-mêmes le sujet sur la Shoah. C'est à la fois désespérant... et pas désespérant si l'on parvient à mettre les élèves devant des savoirs qu'ils n'ont pas."
Peut-on encore enseigner la Shoah dans les collèges et lycées français ?[…] Comment adapter sa pédagogie à ce contexte ? En replaçant la Shoah dans un rapport à l'humanité, aux droits de l'homme, plaide Mme Hervieu ; en la situant dans une perspective historique plus large, répond Nadine Lopes, enseignante au collège Jean-Moulin de Pontault-Combault (Seine-et-Marne). "J'explique que l'antisémitisme a existé avant Hitler, j'aborde l'affaire Dreyfus. Si l'on met en regard les valeurs de la démocratie et l'univers concentrationnaire, les gamins comprennent pourquoi ils n'en veulent pas." En confrontant les élèves aux témoins qui évoquent l'antisémitisme vécu en Pologne, la manière dont la IIIe République a refusé la naturalisation de leurs parents, ajoute Marie-Paule Hervieu. L'enseignante aguerrie critique ceux de ses collègues qui "prétendent transmettre des savoirs sans débat parce qu'ils ont peur de ne pas le maîtriser".
Les insuffisances de la formation des enseignants d'histoire sur le XXe siècle sont aussi dénoncées. De même que le report, depuis deux ans, de l'étude de la période 1939-1945 de la terminale vers la fin de l'année de première, en pleine période de week-ends à "ponts" et de fatigue. Signe aussi de sa mise à distance chronologique, la Shoah a disparu du baccalauréat.
Lire la suite de l’article



Entretien avec Annette Wieviorka, historienne, directrice de recherches au CNRS"Si rien n'a été transmis avant, le voyage à Auschwitz est inutile"

« Je crois qu'il n'y a rien à voir à Auschwitz si on ne sait pas déjà ce qu'il y a à y voir. C'est un lieu. Or d'un lieu ne sourd aucun savoir. Le savoir, dans ce type de lieu, c'est celui que l'on apporte avec soi. Si rien n'a été transmis avant, le voyage à Auschwitz est inutile. Il faudrait se demander qui sont les jeunes que l'on emmène ainsi. Je me souviens d'un élève de BTS revenu ravi de sa journée parce qu'il avait pris son baptême de l'air. Dans la vie d'un adolescent, est-ce plus important d'avoir pris l'avion pour la première fois ou d'avoir été à Birkenau ? Les élèves se demandent aussi pourquoi on déploie toute cette énergie. Il est étonnant que l'on n'ait jamais fait une véritable enquête pour savoir ce qu'ils retirent de la visite et, avec le recul, ce que le voyage a produit chez les adultes qui l'ont fait voici dix ou quinze ans.[…]
Quels enseignements tirez-vous des incidents survenus avec les lycéens de Montreuil (Seine-Saint-Denis) -deux d'entre eux ont été exclus, dont un définitivement- lors d'un voyage à Auschwitz (Le Monde des 18 et 24 janvier) ?
Cette affaire pédagogique aurait dû être réglée à l'intérieur du lycée. Le comportement de l'adolescent qui a dit "Ils ont bien fait de les brûler" est évidemment inacceptable, mais à quoi sert-il de l'exclure ? Beaucoup de gens autour de moi, y compris des rescapés d'Auschwitz, sont choqués. Il aurait mieux valu l'obliger à travailler sur l'histoire du génocide. Quant à l'attitude de ceux qui se sont livrés à une bataille de boules de neige sur place, est-elle plus choquante que celle de cette journaliste que j'ai vue utiliser son portable depuis Auschwitz en lançant : "Devine où je suis !"?[…]
Lire la suite de l’article


D'abord enseigner l'histoire ou "devoir de mémoire" ?, par Sophie Ernst
philosophe de l'éducation, chargée d'études à l'institut national de recherche pédagogique.


Peut-on exprimer quelque inquiétude face à l'irrépressible vague du "devoir de mémoire", dès lors que la demande de transmission s'adresse spécifiquement à l'école ? On doit se souvenir que ce lieu spécifique a de multiples codes et contraintes de fonctionnement.Or l'exhortation aux enseignants est paradoxale : elle leur enjoint d'être à la hauteur du tragique et... de faire entrer ce tragique dans la routine du cadre scolaire. De faire éclater le cadre, dans le cadre.
Comment passer d'une sensibilité à vif, d'une focalisation médiatique aujourd'hui importante, demain oublieuse, à un régime institutionnel stable, régulier ? Comment marquer le caractère exceptionnel et le scandale moral de l'événement et l'intégrer dans un parcours scolaire fortement balisé ? Cet enseignement est difficile, et notre système scolaire ne sait pas bien le soutenir, accompagner les enseignants. Pas faute d'instructions officielles, de grande qualité, mais cela ne suffit pas pour un enseignement de masse.[…]
Proclamer un "devoir de mémoire"pour que "cela ne recommence pas", affirmer la nécessité d'une transmission aux jeunes, c'est vite dit, ça vous fait passer pour un antifasciste à bon compte. Et ce renvoi sur l'école permet d'économiser le véritable travail de réflexion collective. L'école ne peut pas tout, alors que les Français ont tendance à en attendre à la fois la régénération et la réparation de toute la société.
Il y a, pour chaque âge, une entrée possible, qui n'empêchera pas un approfondissement ultérieur. On n'a pas la même expérience ni les mêmes besoins à 10, à 15 et à 30 ans. Il faut peut-être toute une vie et une bonne dose de scepticisme pour comprendre en profondeur ce qui s'est passé, ce que fut le nazisme et pourquoi il advint. Et ce que peut l'école, elle le peut d'autant mieux qu'on ne lui donne pas des objectifs trop immenses, par elle seule supportés. Il est vain de croire qu'elle réussira à porter seule une réflexion que ses contemporains préfèrent éviter dans ce qu'elle a de plus dérangeant.
Lire la suite de l’article


Transmettre, nécessairement transmettre, par Samuel Pisar

Il y a soixante ans, les Russes libérèrent Auschwitz, pendant que les Américains s'approchaient de Dachau. Pour un rescapé de ces deux usines de la mort, se retrouver vivant après tant d'années frôle le surréalisme. Quand je suis entré, à 13 ans, dans l'enfer où Hitler éclipsa l'imagination de Dante, je mesurais mon espérance de vie en termes de jours, de semaines au plus.
Nous, les survivants, disparaissons les uns après les autres. Bientôt, l'Histoire parlera d'Auschwitz au mieux avec la voix impersonnelle des chercheurs et des romanciers, au pire avec la malveillance des révisionnistes et des provocateurs. Ce processus a commencé. Jeudi, les derniers d'entre nous, ainsi qu'une multitude de chefs d'Etat et de dignitaires, se rassembleront sur ce site maudit pour rappeler au monde que le passé peut devenir prologue ; que, dans les montagnes de cendres dispersées en cette paisible campagne polonaise où sombra jadis la barque de l'humanité, on peut discerner ce qui pourrait encore advenir.
Auschwitz, le plus grand abattoir humain de tous les temps, concerne non seulement ce passé, mais le présent et le futur d'un monde à nouveau enflammé, où la confluence entre idéologies fanatisées et moyens d'annihilation massive peut déclencher de nouvelles catastrophes. Pour en témoigner, je cherche la voix du petit "sous-homme" squelettique, le crâne rasé, les yeux noyés, qui vit encore en moi.[…]
Lire la suite de l’article


--------------------------------------------

Aucun commentaire:

 
Licence Creative Commons
Chronique éducation de Philippe Watrelot est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
Fondé(e) sur une œuvre à http://philippe-watrelot.blogspot.fr.