Certains me reprochent d'être un peu trop obsédé par le courant "conservateur" (ou anti-pédago selon l'expression qu'on préfèrera). Peut-être.
Ma formation de prof de SES avec une base économique et un complément sociologique et surtout une forte appétence pour la science politique me rend notamment très sensible à la question du pouvoir sous toutes ses formes.En particulier, le pouvoir d'influence et le rôle des médias me semblent -dans une société post-moderne telle que la nôtre- des enjeux essentiels.
C'est pourquoi je ne néglige pas la place jouée par ce courant, constitué en groupe de pression, dans le débat d'idées et leur influence réelle sur le pouvoir et les décisions prises. Ils ont une surface médiatique et un pouvoir d'influence disproportionnés par rapport à leur importance numérique réelle.
Au risque de me répéter, je pense que le courant "pédagogique" n'a pas pris toute la mesure de cette menace et cela pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'il est divisé et souvent englué dans des logiques individualistes et d'appareil. Ensuite parce qu'il y a une méfiance a priori sur les moyens d'intervention qui supposent un combat médiatique par nature biaisé et réducteur. Enfin, au risque d'être désagréable, parce qu'il y a un certain confort de l' "entre-soi" même s'il s'accompagne d'un militantisme pédagogique au sein de sa classe et de son établissement.
Par ailleurs, je me désole sincèrement des simplifications faites de part et d'autre sur les intentions et la réalité des pratiques des uns et des autres. Au delà de la polémique (exacerbée par quelques uns) , les conservateurs expriment aussi une réalité de l'école et sont, pour une bonne part, des collègues. Je ne confonds pas les discours et la réalité des pratiques.
Tout ce long préambule pour vous conseiller, une fois n'est pas coutume, d'aller lire le blog de JP Brighelli que la fonction de "veille" que je me suis assignée m'amène à lire régulièrement. En quatre billets, intitulés "An 01" (!) tous datés du 9 novembre dernier, il fait le compte rendu d'une réunion qui s'est tenue le 7 novembre dernier au ministère en présence de Xavier Darcos.
Curieusement (?), dans l'agenda du ministre obligeamment publié sur le site du Ministère, cette réunion n'apparaît pas. A la place on parle d'un "dépôt de gerbe" (!) au ministère...
On se souvient que dans un article du Monde daté du 23 octobre dernier, Luc Cedelle révèlait que Xavier Darcos avait confié une mission officieuse à JP Brighelli pour rassembler les différents courants et personnalités de cette nébuleuse "anti-pédago". Cette réunion en est le résultat.
Ils sont venus, ils sont tous là et prennent la parole à tour de rôle :
Marc Le Bris, , Michel Delord, Marie-Christine Bellosta, Jean-Pierre Demailly, Guy Morel, Rachel Boutonnet, Pedro Cordoba, Catherine Kintzler, Danielle Sallenave, Eric Zemmour, les époux Appy, Cécile Ladjali (qu'allait-elle faire dans cette galère ?) et bien sur l'ineffable Brighelli qui se fait le sécrétaire, que dis-je le chroniqueur, de cette "refondation scolaire". Les quatre billets détaillent la teneur de ces différentes interventions.
On notera cependant que le compte-rendu du moustachu polygraphe ne fait pas mention des conclusions du Ministre. Celui-ci, même s'il a donné quelques gages verbaux, s'est essentiellement contenté d'écouter. On peut voir là son habileté politique, mais on peut aussi se demander si, dans ces domaines aussi, le vrai pouvoir de décision est encore au Ministère.
On retiendra surtout qu'une telle réunion équivalente n'est pas proposée aux mouvements pédagogiques qui ont pourtant à faire des propositions bien plus concrètes que celles qui ont été formulées. Au delà de la manoeuvre politique il semble donc bien qu'il y ait une réelle proximité du ministre avec le mouvement anti-pédago.
PS : L'an 01 était d'abord une bande dessinée de Gébé puis un film de Jacques Doillon parus dans les années 70. C'était le récit totalement foutraque mais finalement assez juste d'une utopie anti-autoritaire et écologiste. Voir ce titre ainsi récupéré laisse un goût amer...
samedi, novembre 10, 2007
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7 commentaires:
Un "dépôt de gerbe".
excellent !
Plus sérieusement, c'est de plus en plus difficile de suivre et comprendre Darcos.
Il cache forcément son jeu. Mais à qui ?
Ceci-dit, comme vous le sous-entendez on sait de plus en plus que les ministres ( même et surtout le premier) n'ont plus le pouvoir de décision.
Les représentants des mouvements pédagogiques n'ont qu'à réclamer une réunion de ce type ... mais à l'Elyzée !
Oh !
"Elysée"
(à force de voir son locataire, je vois des Z partout)
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-976800@51-861150,0.html
Si l'on en croit ce dernier article du Monde, il n'y a guère de doutes sur les intentions de Darcos. La réunion évoquée par Brighelli a quelque chose de glaçant : ce sont bien les pires des pires qui inspirent le ministre. J'ajoute - qu'on m'excuse d'insister - ce sont les mêmes qui, depuis des années, ont les faveurs de la droite politique la plus extrême. Faut-il se montrer surpris par la comprimission des syndicats ? Le SNUipp, le Sgen, l'Unsa, approuveraient donc Darcos ? Se laissent-ils acheter ? Il y a là quelque chose de profondément sarkozien : faire applaudir par des gens présumés de gauche les politiques les plus brutales et les plus réactionnaires. J'approuve la suggestion de Lofi : que les mouvements pédagogistes réclament à leur retour un entretien avec Darcos ou à l'Elysée.
@ Lofi : "dépôt de gerbe", je n'invente rien !
@ Lubin : je ne partage pas cette analyse très tranchée. Je ne pense pas que les syndicats tels que ceux que vous citez soient "achetés", je trouve même cela insultant pour ceux qui ont aussi pour fonction de négocier et pas seulement de protester. La politique de Darcos est habile et surtout très pragmatique, c'est aussi ce qui conduit à la signature de ce type de protocole de négociations sans qu'il y ait pour autant compromission.
Enfin, juste une remarque amicale sur le lapsus concernant le qualificatif utilisé à la fin du message "pédagogiste" c'est le terme utilisé par les conservateurs, pour ma part, je préfère le terme de "pédagogique" et je rajouterais même "progressiste"....
"Pédagogiste" est effectivement un lapsus. Il est vrai que j'écris parfois plus vite que mon clavier d'ordinateur...
Pour ce qui est d'"acheter", là ce n'est pas un lapsus, c'est un raccourci disons un peu vif. Car comment comprendre autrement que des enseignants acceptent de se faire rémunérer en heures sup le soir après l'école ou, à ce qu'il paraît, sur le temps de vacances, au lieu de réfléchir à d'autres manières de faire travailler les élèves ? Si le terme "acheter" dérange (observons au passage que je n'ai pas employé "soudoyer...corrompre"), ça crée quand même un drôle de climat, cette manière de traiter les problèmes. Au fait, comment Sarkozy a-t-il obtenu la paix avec les marins-pêcheurs ? Mais je plaisante là, bien sûr...
Merci Philippe pour ce lien.
Venant de lire les billet de Brighelli et les remarques de ses commentateurs, je suis frappée par le ton haineux de ces derniers.
En tant que prof de Français, je suis pourtant d'accord avec certaines des analyses présentées (un comble!) mais pas avec l'idéologie qui sous-tend le discours, le mépris et l'insulte qui rappellent le style ranci de certains polémistes des années 1930.
Or, c'est quand même à ses commentateurs à ce qu'on leur laisse dire, au ton qu'on emploie et qu'on encourage les autres à employer que l'on peut juger l'auteur d'un blog, et Brighelli ne sort pas grandi de l'exercice.
Enfin, le grand progrès selon ces gens-là sera donc de revenir en arrière : "mais où sont les neiges d'antan" ?
@ samantdi : la question est bien celle là : pourquoi tant de haine ?
Il y a certainement plusieurs explications. L'une d'entre elles est sûrement le confort intellectuel qu'il peut y avoir à attribuer à une cause unique tous les maux de l'école. C'est ce qu'on appelle la théorie du complot. Mais cette explication n'est pas suffisante.
Je pense aussi que la haine s'explique parce qu'une bonne partie des gens qui s'expriment se sentent agressés par le discours "pédago" et qu'ils le vivent comme une culpabilisation. Ce qui est une erreur même si c'est présent chez certains pédagogues...
Au fond, ce qui est en jeu et ce qui explique l'intensité des sentiments exprimés dans ce débat sur l'école c'est que nous nous mettons fortement en "je" dans ce métier d'enseignant. Il est difficile de dissocier notre égo de notre identité professionnelle et c'est ce qui fait que le débat sur l'école est aussi passionné. L'école est une partie de nous mêmes.
J'arrête là ma psychanalyse à deux sous même si je crois que c'est une bonne partie de l'explication....
En disant cela je n'excuse pas le ton haineux et injurieux de certains commentateurs se réfugiant en plus derrière un anonymat facile. J'essaie simplement de comprendre...
PhW
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