- Quel avenir pour les notes ? – Mal nommer les choses ? – Éducation Prioritaire - Cantines -
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Cette semaine encore, l’actualité éducative a été marquée par le débat sur la note et l’évaluation avec son acmé en fin de semaine avec les « Journées de l’évaluation ». Nous envisagerons dans ce “bloc-notes” la suite de ce débat avec les propositions du jury réuni à cette occasion mais nous continuerons à nous intéresser aussi à la manière dont ce débat a été traité dans les médias.
Il faut aussi revenir sur la réforme de l’éducation prioritaire car c’est le 17 décembre prochain que la ministre devrait révéler la nouvelle carte des REP et REP+ dans un climat de tensions et revendications.
Pour finir, nous irons faire un tour à la cantine, où ça ne sent pas toujours très bon...
Il faut aussi revenir sur la réforme de l’éducation prioritaire car c’est le 17 décembre prochain que la ministre devrait révéler la nouvelle carte des REP et REP+ dans un climat de tensions et revendications.
Pour finir, nous irons faire un tour à la cantine, où ça ne sent pas toujours très bon...
Quel avenir pour les notes ?
À peine terminées les « Journées de l’évaluation », qui se sont tenues deux jours durant, les 11 et 12 décembre à Paris, le jury de la conférence nationale s’est réuni de nouveau, samedi 13 décembre, pour rédiger « quatre à cinq » propositions destinées à la ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem. Ce seront des propositions “originales mais pas trop” selon son président Étienne Klein dans La Croix . Il ne s’agira pas, dit-il, de supprimer les notes pour les remplacer par un autre code. “Étant physicien, je sais qu’on ne change pas la nature d’un problème par un changement de variable ” rappelle t-il.
Étienne Klein a parait-il donné comme consigne à ses membres de « ne pas mettre en cause le travail des enseignants ». Il s’agira plutôt de répondre aux besoins des nombreux professeurs qui « se sentent désarmés, peu formés et ont besoin d’aide» en matière d’évaluation. L’une des pistes sera donc de «leur donner des outils supplémentaires pour leur permettre de modifier leurs méthodes».Officiellement, nous redit La Croix les recommandations seront adressées « mi-janvier » à la ministre de l’éducation, qui rendra des arbitrages.
Il y a plusieurs manières d’envisager la suite de ce grand débat et ses effets sur le système éducatif.
Quelques indices nous incitent à ne pas être très optimistes. Le discours très prudent du président du jury tout comme les propos de la Ministre nous font craindre à un rétropédalage... On peut craindre que tout cela n’aboutisse à un consensus mou (la spécialité de l’Éducation Nationale ?). Rappelons que ce sujet de l’évaluation (évoqué dans la loi de refondation qui parle d’“évaluation positive”) avait été lancé par Benoit Hamon mais qu’il n’avait pas eu le temps durant les 147 jours de son ministère de le mener à bien. Najat Vallaud Belkacem en a hérité. Mais le sujet a été aussi porté par la DGESCO et par le Conseil Supérieur des Programmes. C’est cette dispersion sur plusieurs organisations d'une même question qui est peut-être préjudiciable et conduire à un résultat faible au regard de l’ambition de départ.
Mais pour ne pas tomber dans la critique très répandue qui consiste à juger d’un dispositif avant qu’il ne soit abouti, il faut aussi voir les aspects positifs de ce débat. Peut-être aura t-il servi à faire la pédagogie de la pédagogie ? C’est que laisse entendre Michel Quéré, président du comité d'organisation de ces journées, interrogé par ToutEduc . Il exprime son optimisme et dit disposer "d'indices" qui donnent à penser qu'une "vraie réflexion" est à l'œuvre sur la distinction entre évaluation formative et évaluation sommative. En mettant ce sujet à l’agenda, on a peut-être contribué à amorcer cette réflexion et à faire évoluer (doucement) les pratiques.
Si on avait mauvais esprit ( !) on se dit quand même que la typologie évaluation diagnostique/formative/sommative (formulée par Benjamin Bloom) ne date que de 1971... et qu’elle passe toujours pour du “jargon” pour bon nombre d’enseignants.
L’enjeu de ce débat n’est pas négligeable. Si la montagne accouche d’une souris, les dégâts peuvent être importants en termes d’images et par ricochet pour l’ensemble de la “refondation”. Car cela risque de perpétuer l’idée que l’École ne change pas. On ne peut s’empêcher de penser à cette phrase d’Antoine Prost à propos du sujet de son livre Du changement dans l’École (2014) : “tout se passe comme si l’on pouvait tout changer dans l’Education nationale sauf l’enseignement lui-même. Toutes les réformes sont possibles sauf la réforme pédagogique, malheureusement c’est la plus importante ”
Mal nommer les choses...
"Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde." (Albert Camus)
“L'évaluation des élèves ne se réduit pas aux notes, selon des experts ” ce titre trouvé sur le site de 20minutes a de quoi faire sourire ou bondir, c’est selon... Pourtant, on croirait un titre issu du Gorafi , ce site satirique spécialisé dans les fausses informations ou de son cousin Edukactus . Comme si on ne savait pas que ces deux mots ne sont pas synonymes ! Pas besoin d’être un « expert » pour cela ! Tous les profs le savent (même ceux qui sont “pour” les notes )...
Et puis, on réfléchit. Et on prend conscience que pour beaucoup de personnes, notamment (mais pas que) hors de l'éducation nationale, ce qu'écrit 20Minutes a effectivement tout de la révélation ...Et comme nous le disions plus haut, Il est utile alors de faire la pédagogie de la pédagogie. Mais le rôle des médias n’est pas toujours celui là !
La revue de presse du jeudi 11 décembre de Laurent Fillion signalait le traitement de cette question par France Inter dans le 7/9. On y entend Patrick Cohen se moquer avec un ton condescendant de la question des notes, puis Léa Salamé qui réduit la question à une simple transcription d'un code (les chiffres) à un autre (les lettres ou les couleurs) et n'entend pas ce qu'essaie de dire Michel Lussault (pdt du CSP) pour le ramener toujours à la même question. On se demande comment il faut analyser cette surdité.
1ère analyse : la presse aime les débats binaires. Mais ce n'est pas suffisant.
2ème analyse : les journalistes (généralistes) ne travaillent pas les sujets d'éducation. C'est moins prestigieux que les sujets politiques ou internationaux. Ils s'en tiennent donc aux clichés puisqu'ils n'ont pas travaillé...
3ème analyse : les journalistes sont d'anciens bons élèves. Les notes, ça les a fait réussir. Alors la question de l'échec scolaire, ça leur passe largement au dessus de la tête...
4ème analyse : il est plus facile de faire de l’humour ou de l’ironie que de faire un “lancement” sérieux.
5ème analyse : Dans les écoles de journalisme, il n’y a pas de module sur l’éducation (au contraire de la politique, la diplomatie ou même les sciences). Seuls les journalistes éducation ont une connaissance du sujet acquise “sur le tas”...
Heureusement, on a pu lire et entendre aussi des enquêtes plus rigoureuses et qui permettaient de comprendre concrètement les alternatives possibles. Toujours sur France Inter, le même jour, le “zoom de la rédaction” donnait la parole à Marc Berthou, un enseignant qui travaille avec des “ceintures de compétences”. Dans L’Express, Sandrine Chesnel propose un reportage dans un collège de Seine Maritime et n’hésite pas à rentrer dans le détail des dispositifs mis en place par les enseignants. Même démarche pour La Croix qui prend l’exemple des professeurs d’EPS pour expliquer ce que veut dire “noter” les élèves sans les décourager .
Ce sont ces reportages là, plus que les nombreux débats un peu vains où tout le monde se croit autorisé à avoir un avis qui vont peut-être permettre à l’opinion publique de comprendre qu’“évaluation” et “notation” n’étaient pas synonymes...
Éducation prioritaire
“REP ou pas REP ? la question qui fâche”. C’est le titre de L’Obs . Le 17 décembre prochain, Najat Vallaud Belkacem, doit annoncer la nouvelle carte de l’éducation prioritaire. Et cette réforme s’annonce à hauts risques pour la ministre. Sans jouer les prophètes, on peut penser qu’un regain des manifestations et des mouvements de protestation est probable à la rentrée de janvier...
La carte de l’éducation prioritaire date, grosso modo des années 80. De plus, on a eu une extension de la définition de l’éducation prioritaire qui a abouti à ce qu’aujourd’hui près d’un quart des élèves scolarisés relèvent à des titres divers de l’éducation prioritaire. La succession et l’empilement des labels et des dispositifs contribuent à rendre la carte illisible. La nouvelle carte des REP (1.082 dont 350 REP+) regroupe quatre critères :
- le % d’élèves défavorisés,
- le % d’élèves boursiers,
- le % d’élèves en Zone Urbaine Sensible,
- et le % d’élèves en retard en sixième.
Mais comme le pointe L’Obs le ministère a mal communiqué sur la façon dont cet indice était utilisé, suscitant la méfiance et la contestation, qui s’expriment depuis trois semaines. Un article synthétique du Monde (signé Samuel Laurent) considère que l’argumentation de la Ministre utilise des raccourcis quand elle affirme que la situation n'a pas évolué en trente ans, alors qu'elle a connu pas moins de quatre grandes réformes, qui ont fortement modifié les moyens accordés, leur ciblage et la philosophie même de l'éducation prioritaire .
Une tribune de Yannick Trigance, secrétaire national adjoint du PS à l'éducation sur le Huffington Post tente de faire la promotion de cette réforme considérée comme une “étape indispensable de la Refondation de l'école. Il rappelle aussi que “de surcroit, la Ministre a rappelé que dorénavant les moyens des établissements, au-delà du seul classement, seront attribués sur la base d'une allocation progressive correspondant à la réalité de leurs besoins. Et bien évidemment, un collège en Seine-Saint-Denis, même s'il n'est pas reconnu « Éducation prioritaire », n'est pas dans la même situation que certains situés dans l'ouest parisien. ”. L’idée de cette allocation progressive est d’éviter les effets de seuil.
Mais, malgré toutes ces explications cette réforme est très risquée. D’abord parce que les critères utilisés ne sont pas toujours aussi transparents et rigoureux qu’annoncés. Mais aussi parce que cette redéfinition des périmètres de l’éducation prioritaire se heurte à un sentiment général de dégradation des conditions de travail. Même si des moyens nouveaux sont débloqués, cela est vécu dans un cadre général qui est celui de l’austérité. Dans un tel contexte le rééquilibrage et la réaffirmation de “priorités” qui de fait exclut des établissements qui jusque là en bénéficiaient est donc mal vécu.
Il ne faut pas exclure non plus les arrières pensées syndicales. La mobilisation sur l’éducation prioritaire est aussi un moyen de retrouver les “fondamentaux” de l’action revendicative et de se reconstruire une légitimité militante.
Janvier sera t-il chaud ?
Cantines
«Restreindre l’accès à la cantine aux enfants dont les parents ne travaillent pas.» Ce sont les propos de Cyril Nauth, maire FN de Mantes-la-Ville (Yvelines) retranscrits par Libération . Il a dit réfléchir à cette mesure lors d’un conseil municipal début décembre , relayé par le Parisien ce lundi. C’est un phénomène qui n’est pas nouveau. Plusieurs communes privilégient les familles dont au moins un des parents travaillent avec comme argument le “manque de place”. En 2011, le quotidien L’Humanité en avait recensé au moins 70.
Malheureusement, si la jurisprudence française a reconnu le caractère « discriminant » d’une sélection à l’entrée des cantines sur critères socioprofessionnels, celle-ci demeure pour l’instant légale au regard des textes français. En effet, l’article 225-1 du Code pénal ne retient aujourd’hui que 18 critères de discrimination : origine, sexe, handicap, orientation sexuelle ou politique… Mais pas la pauvreté. Seule la Convention européenne des droits de l’homme mentionne explicitement l’origine sociale et la fortune. Ratifiée par la France, elle est censée être appliquée mais ne suffit pas : le protocole additionnel 12, portant sur l’interdiction générale de la discrimination, n’a en effet pas encore été adopté.
Puisqu’on en est aux repas de cantines qui ne passent pas, il faut aussi évoquer le cas du maire de Sargé-lès-Le Mans qui a décidé de ne plus proposer une viande de substitution lorsqu’un plat de porc était au menu de la cantine de l’école. La laïcité a bon dos.
On va faire une indigestion d’intolérance...
Bonne Lecture...
Philippe Watrelot
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