Retour sur la stratégie de communication de Jean-Michel Blanquer et message aux enseignants.
La stratégie de Jean-Michel Blanquer est, au contraire, réfléchie et redoutablement efficace.
Il considére que les critiques qui lui sont faites (par des personnes comme moi ou d'autres... ) sont l'expression d'un "microcosme". Et d'une certaine manière, il a raison.
Sa communication ne vise pas de manière directe les enseignants. Et ceux qui s'indignent et réagissent sur les réseaux sociaux sont une infime minorité. On peut même penser que malgré quelques erreurs, ses propos séduisent une bonne partie des enseignants eux-mêmes.
Il a l'opinion publique avec lui, c'est indéniable. Les sondages d'opinion le montrent. C'est un des ministres qui a su émerger de l'anonymat du gouvernement. Et il suffit de tendre l'oreille hors de notre "bulle informationnelle" des réseaux sociaux pour se rendre compte que sa notoriété est bonne. Il a l'image d'un "expert"qui sait de quoi il parle. Et ses propos eux-mêmes, qui relèvent pour une bonne part d'un "populisme éducatif", séduisent et résonnent auprès d'un électorat de classe moyenne et populaire qui a pu être déboussolé par la politique menée précédemment.
Qu'importe alors qu'il enfonce des portes ouvertes, préconise des mesures infaisables ou invente des dispositifs qui existent déjà... Ça n'imprime pas auprès de l'opinion et des médias.
Pourquoi ?
D'abord parce que les questions éducatives (je l'ai déjà écrit dans d'autres textes) sont mal traitées dans les médias généralistes. Les journalistes éducation y sont rares et pas assez écoutés. Et puis, la nuance, la remise en contexte, la vérification, ce n'est pas "sexy" et ça prend du temps alors qu'il y a bien d'autres sujets à traiter...
Et surtout parce que M. Blanquer fournit ce que l'opinion a envie d'entendre. Il joue sur le"biais de confirmation" avec un discours de restauration (de l'uniforme, de l'autorité, des méthodes de lecture) qui rentre parfaitement en résonance avec la vision nostalgique et de déploration qu'on trouve chez les 67 millions d'experts de l'école que sont les français...
Enfin, cette mise à l'agenda est aussi un moyen de détourner le regard de sujets plus importants.
Même si nous, nous savons, que les choses sont plus compliquées que cela, qu'il faut nuancer... Et aussi, parce que nous sommes sur le terrain et savons quels sont les manques et les besoins... Mais il est difficile de se faire entendre dans ces conditions face à un tel rouleau compresseur...
Enfin, cette mise à l'agenda est aussi un moyen de détourner le regard de sujets plus importants.
Même si nous, nous savons, que les choses sont plus compliquées que cela, qu'il faut nuancer... Et aussi, parce que nous sommes sur le terrain et savons quels sont les manques et les besoins... Mais il est difficile de se faire entendre dans ces conditions face à un tel rouleau compresseur...
C'est l'enjeu de la période qui vient. Être capable de toucher l'opinion et de déconstruire les fausses évidences. Trouver l'antidote à l'intox et à la démagogie. Questionner l'argument de la "science" et opposer une expertise à une autre.
Mais je ne pense pas que ce soit en s'indignant et en faisant de l'humour facile (même si j'y succombe moi aussi...) qu'on y parviendra. Il faut vraiment construire une réponse à la mesure de l'enjeu de cette nouvelle idéologie scolaire.
Mais je ne pense pas que ce soit en s'indignant et en faisant de l'humour facile (même si j'y succombe moi aussi...) qu'on y parviendra. Il faut vraiment construire une réponse à la mesure de l'enjeu de cette nouvelle idéologie scolaire.
Il faut prendre Monsieur Blanquer au sérieux.
Chronique éducation de Philippe Watrelot est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
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