jeudi, mars 14, 2019

Les menaces sont une faiblesse



Récemment, on a vu circuler un courrier émanant du Ministère adressé la semaine dernière aux directeurs académiques et aux recteurs pour recadrer les enseignants de Primaire qui ont refusé de faire passer les évaluations à leurs élèves. Par ailleurs, on relate plusieurs interventions des chefs d’établissements ou de l’inspection pour contrer les actions contre la réforme du lycée (refus de Bac Blanc, note de 20 pour tout le monde). A chaque fois, les mots et les rappels à l’ordre sont très fermes. Édouard Geffray, le DRH de l’Éducation Nationale et auteur de la lettre, n’hésite pas à parler de « faute professionnelle » entrainant des sanctions importantes. 

Ce qu’on peut noter tout d’abord, c’est que cette fébrilité et cette volonté de faire des exemples est souvent le signe que les protestations sont plus importantes que ne semblent le dire les déclarations officielles. Quand il n’y a que quelques actions éparses, nul besoin de déclencher la grosse artillerie !  

droit dans le mur ? 
Au delà de cette considération un peu ironique, comment analyser ce moment particulier ?  
Il y a quelques mois j'écrivais à propos de JM Blanquer que son omniprésence dans les médias était un investissement pour se construire une image en attendant les temps difficiles où cela lui permettrait de passer en force. 
Nous y sommes. 
Il a tout fait pour se construire une image de compétence et de fermeté auprès de l'opinion publique. Et il a fait l'impasse sur l'opinion des enseignants sachant que ses décisions allaient se heurter à un moment ou un autre à leur résistance et non plus seulement à l'inertie et la sidération.
Il a aussi méthodiquement labouré le terrain de la hiérarchie intermédiaire de l'Éducation Nationale en convoquant très régulièrement les inspecteurs et les chefs d'établissements. C'est cet investissement qui lui permet aujourd'hui cette verticalité technocratique qui se transforme en autoritarisme et en mépris des corps intermédiaires dans la conduite des réformes.

Bien sûr, les enseignants sont des fonctionnaires. Bien sûr ils ne peuvent pas faire n'importe quoi. Et face à certains qui pratiquent souvent un "exercice libéral du métier d'enseignant" en s'appuyant sur une liberté pédagogique fantasmée, il est quelquefois utile de rappeler certaines évidences. 
Mais ici, il ne s'agit pas de cela. On parle d'autorité et de gouvernance. 

A mon petit niveau, dans les situations de direction où je me suis trouvé, je l'ai appris quelques fois à mes dépens. Je peux essayer d'imposer une décision et de passer plus ou moins en force. Mais au mieux je me heurterai à l'inertie ou à un acquiescement poli et de façade au pire à une résistance ou un refus. 
Inscrire durablement le changement suppose de la patience et de la force de conviction ainsi que de la concertation pour convaincre les acteurs de ce changement. Ce n'est pas l'option prise par M. Blanquer qui, en joueur d'échec qu'il est, semble préférer la stratégie du "Blitz"...

Mais les personnels ne sont pas des pions. Et quand on procède ainsi, on s'expose à ce type de résistance. Bien sûr, penser qu'il faudrait attendre que tout le monde soit convaincu est illusoire. Le curseur est toujours difficile à placer entre la patience qui peut confiner à l'immobilisme et la volonté d'avancer qui peut dériver en autoritarisme. 
Mais visiblement, M. Blanquer, qui n'est pas connu pour son sens du dialogue est en train de basculer du côté obscur de la force... Et d'oublier un proverbe pourtant essentiel :  "seul on avance plus vite, à plusieurs on avance plus loin..."

 
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