samedi, mars 25, 2017

Bloc-Notes de la semaine du 20 au 26 mars 2017





- École en campagne - Propositions – Discriminations - Radicalité – Butinages - .


Ce bloc notes de la semaine écoulée sera encore très politique. Et cela risque d’être ainsi pendant de longues semaines même si l’éducation est relativement peu présente dans cette campagne. On abordera successivement les programmes puis les propositions qui sont faites à ces mêmes candidats. On parlera aussi de la discrimination à travers deux exemples et on évoquera une enquête menée auprès de lycéens et qui aborde le thème sensible de la radicalité. On finira avec des lectures qui font du bien...


L' École dans la campagne
C’est en début de semaine qu’a été publié le livret thématique consacré à l’éducation de la France Insoumise. Cela complète les propositions qui étaient déjà formulées dans le livre programme de Jean-Luc Mélenchon L’avenir en commun”.
Je viens de consacrer un billet de blog à mon analyse de ces propositions . C’est un programme qui a des intentions très généreuses et promet de nombreux moyens. Mais dans le même temps, il considère que rien n’a été fait dans le bon sens depuis 2012 et promet d’abroger tout ce qu’il considère comme des “contre-réformes”. On trouvera aussi une analyse dans le Café Pédagogique ainsi que sur un billet de blog de Jean-Pierre Véran hébergé par Mediapart .
Nous avions déjà évoqué le programme d’Emmanuel Macron, il y a quelques semaines . On y revient avec une interview pour le site spécialisé VousNousIls . Il y affirme que la “ La question à laquelle nous devons répondre collectivement est la suivante « comment garantir à chaque élève une scolarité qui lui permette de se construire, de s’épanouir et de réussir ? ». C’est LA question qui doit guider nos choix ; l’intérêt des élèves et l’amélioration de la réussite de chacun doit être notre seule boussole”. Il fait également des propositions pour la formation initiale et continue et redit sa volonté de donner plus d’autonomie aux établissements.
La semaine a été marquée aussi par le grand débat sur TF1. L’éducation en a été le premier thème mais a été très vite expédié. François Fillon a reparlé de l’uniforme. Marine Le Pen a affirmé vouloir «supprimer l'apprentissage des langues d'origine». Ce qui lui a valu une réplique de Benoit Hamon : «Pour qu’il y ait la paix à l’école, encore ne faut-il pas la prendre en otage d’un débat assez nauséabond comme Marine Le Pen vient de l’illustrer sur les langues d'origine». Jean-Luc Mélenchon s’est, quant à lui, insurgé contre le “déclinisme morose qui parle de jeunes qui ne savent ni lire ni écrire ni compter”. On peut saluer la persévérance de ceux qui ont regardé jusqu’au bout...
L’autre évènement politique de la semaine a été l’émission politique de France2 consacrée à François Fillon. C’est l’enseignante et la chercheuse Laurence De Cock qui lui a été confrontée sur sa proposition de "réécrire les programmes d'histoire" à l'école afin d'être fier d'être français. À la fin de cet entretien, Laurence De Cock a offert un livre à François Fillon (même si elle ne lui a pas fait de cadeaux...). C'était un livre de Suzanne Citron : “Le mythe national - L’histoire de France revisitée”. dans lequel elle "fait une déconstruction très méthodique" de l'histoire de France, explique l'historienne. La fréquentation d’un article le présentant sur le site des Cahiers Pédagogiques a bondi au cours de la soirée ! Et le lendemain du face-à-face, les ventes de ce vieux livre tout juste réédité ont rapidement grimpé pour atteindre la 12e place des livres les plus achetés sur Amazon vendredi midi . Avant d'annoncer une rupture de stock et un réassort pour le 30 mars. Un destin inattendu pour ce livre et dont on peut se réjouir...
Parce qu’il n’y a pas que cinq candidats mais onze, je signale une rareté avec cet article du Journal des Femmes qui propose un analyse des propositions de TOUS les candidats. Pour savoir quel est le programme de Jacques Cheminade, Nathalie Artaud ou de François Asselineau pour l'éducation, c'est ici (et nulle part ailleurs !)
Pour finir sur ce chapitre politique, je signale un portrait paru dans Le Parisien. C’est celui d’ Aymeric qui est prof d'histoire-géographie à Fontainebleau. Il est militant du Front national et ne s'en cache pas... C’est un des articles qui a suscité le plus de réactions sur mon mur Facebook. Il ne laisse pas les enseignants indifférents.


Propositions
Les propositions et suggestions aux candidats sont nombreuses. C’est de saison…
Le site d’information en ligne Slate a demandé à des personnalités dont je fais partie (je ne suis pas "chercheur", je le redis en toute humilité) de formuler des propositions pour la présidentielle 2017. Parmi celles-ci on en trouve plusieurs qui concernent l'éducation, formulées par : Pierre Merle , Olivier Rey, Charles Hadji, Jean-Pierre Terrail, Agnès Florin et bien d'autres..... La proposition que je formule est simple. Il s’agit de créer une obligation de formation sous forme d’un droit rechargeable et d’un crédit d’heures. Chaque enseignant devrait ainsi se former et prouver qu’il a effectué une formation au cours des trois dernières années. La formation pourrait se faire auprès des services de formation du ministère ou d’association agréées.
Cette proposition se retrouve aussi sous une forme légèrement différente avec une dizaine d'autres dans le rapport du Conseil National de l’Innovation pour la Réussite Éducative dont j’ai présenté les grandes lignes dans un Facebook Live, mercredi 22 mars en même temps que les propositions de François Taddéi. Le rapport final sera communiqué lors de la journée de l’innovation du 29 mars Mais on peut d’ores et déjà découvrir les dix propositions de ce conseil dont je suis fier d’avoir animé les travaux.
On trouve aussi des propositions avec « Vers Le Haut ». Ce collectif qui regroupe 22 organismes (tels que le Secours catholique, L’Armée du Salut, Associations familiales catholiques, Associations familiales protestantes, Bayard, le Collège des Bernardins, les Scouts musulmans de France, Sos Village d’Enfants…) a interpellé lundi les candidats à l’élection présidentielle. Ils demandent à ces derniers de s’engager à organiser « des Etats généraux de l’Education » après l’élection présidentielle.
A l’occasion de l’élection présidentielle, Enfance Majusculeadresse aussi une lettre aux candidats afin que des mesures concrètes soient prises pour mieux protéger les enfants.
Un autre appel est lancé dans Le Figaro par 55 personnalités (moins une qui a retiré sa signature) pour soutenir les écoles Espérances Banlieues. Celles ci sont aussi soutenues par le candidat François Fillon. Trois enseignants (JC Buttier, L. DeCock et G. Chambat) dans un billet de blog sur Médiapart dénoncent la campagne menée par ce réseau d’écoles qu’ils qualifient de “rétrograde, autoritaire et qui sent bon le paternalisme et le néo-colonialisme ”. Pour eux,cette campagne fait un pas vers la principale revendication de ces réseaux : la mise en place du « Chèque éducation », c’est-à-dire la parité de financement entre le public et le privé. Attention Danger...


Discriminations
On a aussi parlé discriminations de tous ordre dans la presse cette semaine.
Une professeure d'un lycée professionnel de Seine-Saint-Denis a publié le 12 mars sur sa page Facebook (puis sur Libération) un appel "contre les discriminations en sorties scolaires" . Elise Boscherel raconte comment trois de ses élèves se sont fait contrôler par la police à la gare du Nord, à Paris, au retour d'un voyage scolaire. L'appel a été repris dans de nombreux articles dans la presse. L’enseignante souhaite une circulaire pour interdire tout contrôle sur des élèves dans le cadre d’une sortie scolaire.
Enfin une femme au programme du Bac L ! s’écrit Le Parisien. La nouvelle est d’abord parue sans bruit, au Bulletin officiel de l'Education nationale . Les deux livres au programme de littérature du bac 2018 seront «les Faux-monnayeurs», d'André Gide, et «la Princesse de Montpensier», de Mme de Lafayette. C'est donc la première fois, dans l'histoire du baccalauréat, que l'œuvre d'une femme figure au programme en terminale littéraire. C’est à une professeure de lettres d’un lycée du Val de Marne, Françoise Cahen (portrait dans L’Humanité) que l’on doit cette victoire contre une forme de discrimination. Dans sa pétition, lancée en mai 2016 et signée depuis par 20 000 personnes, Françoise Cahen s’indignait de ce sexisme : « À un type de classe composé en majorité de filles et des profs de lettres qui sont majoritairement des femmes, quel message subliminal veut-on faire passer ? »


Radicalité
Les sociologues Anne Muxel et Olivier Galland ont dévoilé lundi 20 mars les premiers résultats d’une étude qu’ils coordonnent auprès de plus de 7 000 lycéens de seconde dans quatre académies (Lille, Créteil, Dijon et Aix-Marseille) pour mieux comprendre les facteurs d’adhésion des jeunes à la radicalité politique et religieuse. On peut en lire une présentation très complète dans la revue du CNRS
La presse en a surtout retenu la dimension liée à la religion mais l'enquête va bien au delà. Ce que cette enquête montre c'est surtout que la majorité des lycéens est «imperméable» à la radicalité . Mais dans le même temps près de 1 lycéen sur 2 juge acceptable de bloquer les établissements pour s’opposer à des projets du gouvernement. Et pour 1 sur 5 environ – en majorité des garçons –, la violence politique peut trouver une justification, voire être une tentation.
 Sur la religion, 1 élève sondé sur 10 (11 %) adhère à ce que les chercheurs qualifient d’« absolutisme religieux ». Soumis à un questionnaire – le même dans la vingtaine d’établissements sur lesquels s’est concentrée l’enquête –, ces adolescents ont répondu à la fois qu’« il y a une seule vraie religion » pour eux, et que, dans l’explication de la création du monde, « c’est la religion qui a raison plutôt que la science».
Ce qui retient l’attention des chercheurs, c’est moins ce ratio que l’écart constaté entre les confessions : les lycéens musulmans interrogés sont trois fois plus nombreux (32 %) à adhérer à cet « absolutisme » que l’ensemble des lycéens sondés (10,7 %). Et cinq fois plus que les jeunes chrétiens (6 %).


Butinages
Comme chaque semaine, on termine avec une rubrique un peu hétéroclite destinée à signaler des documents intéressants repérés au gré de mes butinages sur Internet.

Et le premier document correspond vraiment à cette logique de serendipité qui caractérise cette rubrique. En effet Paris Match ne fait pas partie de mes lectures habituelles dans ma veille sur l’éducation. Je suis tombé dessus par hasard. Mais c’est pourtant dans Paris Match que l’on trouve le portrait de Caroline. Elle est professeure des écoles spécialisées dans un collège de refondation de l’éducation prioritaire (Rep+) des quartiers nord de Marseille. Malgré quelques questions un peu décalées, l’entretien est tout à fait intéressant et donne à voir et à entendre le quotidien d’une enseignante confrontée à des situations difficiles mais qui garde l’énergie et l’envie de faire apprendre.

Pour finir, laissons la parole à Olivier Rey qui s’agace de l’expression «revenir aux “fondamentaux” » dans un billet de blog hébergé par Le Monde : “Depuis que j’ai l’âge de voter (ça nous ramène au début des années quatre-vingt…), j’entends en effet à chaque échéance importante des déclinaisons sur le thème du « retour aux fondamentaux » à l’école. Cette antienne s’appuie sur une intuition raisonnable : on imagine sans mal les difficultés d’un jeune enfant dès lors qu’il ne maitrise pas les langages essentiels de l’école (lire, écrire, calculer).[…] Sur le fond, revenir aux fondamentaux c’est notamment postuler qu’il n’y a qu’en faisant du français qu’on apprend à écrire ou à s’exprimer, ce qui est contraire à la plupart des conclusions des recherches sur le sujet. C’est postuler que l’enfant est un être uniquement cognitif, une machine à apprendre, comme si la construction sociale et affective n’était pas consubstantielle à l’apprentissage. C’est souvent confondre la maitrise des langages avec la seule mémorisation-répétition des règles de ces langages. C’est l’exemple de ces idées qui apparaissent de bon sens, sauf qu’elles ne sont pas opérationnelles dans la vraie vie de l’éducation.

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

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Mélenchon et l’éducation : le gaucho-conservatisme ?







Jean-Luc Mélenchon parlait déjà d’éducation dans son livre programme : “L’avenir en commun”. Mais, cette semaine est sorti le livret de la “France Insoumise” dédié à ce thème. A la lecture de ce livret, on est frappé par l’ambiguïté de ce qui est proposé.
On y trouve énoncés un constat partagé à gauche et des intentions qui sont aussi communes. On veut combattre les inégalités à l’école et permettre l’émancipation. Mais le paradoxe est qu’on veut promouvoir la lutte contre les inégalités en rétablissant les recettes qui ont échoué à les combattre.
Les propositions sont donc, en fait, essentiellement conservatrices et proposent un retour à la situation d’avant 2012. Il s’agit de séduire des enseignants perturbés par les réformes et qui expriment leur malaise, en leur proposant le retour à une organisation pédagogique plus traditionnelle. 







De belles intentions 
« L’école de l’égalité et de l’émancipation » c’est le titre du livret. Et ce beau mot d’émancipation revient souvent dans les propos du candidat et de ses soutiens. Dans ce fascicule, on détaille (page 10) ce que cela signifie :« émanciper, c’est instruire, c’est qualifier, c’est affranchir l’individu de toute influence». 
On y insiste sur la dimension éducative de l’École : « elle  doit s’affirmer comme un espace de coopération et d’échanges et non de concurrence et de compétition. Creuset du peuple en formation, elle doit devenir le lieu de l’éducation à l’intérêt général où l’individu se prépare à l’exercice d’une citoyenneté enrichie de nouveaux droits. L’émancipation, individuelle et collective, est la boussole de notre projet éducatif.»
Et le texte se poursuit en insistant sur cette direction : « réussite scolaire et professionnelle, plaisir à apprendre, joie à fréquenter les bancs de l’école, accomplissement individuel.» Comment ne pas être d’accord avec ces belles intentions ? 
De même, on ne peut qu’adhérer à la volonté de combattre les inégalités sociales (pages 20 et 21) avec une école qui garantisse la mixité et la gratuité et une politique de l’éducation prioritaire renforcée.  


Des propositions  intéressantes 
De même, on trouve au fil des pages et des discours, des propositions intéressantes qu’on peut citer pêle-mêle. Elles cherchent à satisfaire toutes les catégories.

Jean Luc Mélenchon n’oublie pas qu’il a été Ministre délégué à l’enseignement professionnel (2000-2002) et les propositions pour ces filières sont très détaillées et ouvrent des pistes qui devraient permettre de revaloriser les bacs pro et technologiques. 
On propose de «  créer un statut des parents d’élèves délégué·e·s donnant droit à la formation et à  congé de représentation opposable à l’employeur  » et de renforcer la démocratie scolaire.

Il y a même des moments dans la lecture où j’ai l’impression que Jean Luc Mélenchon me parle directement ! « Nous aiderons au développement de la recherche en éducation et nouerons des partenariats entre l’éducation nationale et des mouvements pédagogiques agréées afin d’enrichir votre formation continue. » Ou encore plus loin : « instaurer un enseignement de sciences économiques et sociales obligatoire en seconde et un enseignement de philosophie de 2h hebdomadaires en terminale professionnelle ; intégrer une initiation au droit dans les programmes du collége et du lycée.»

Alors que le programme de la France Insoumise propose d’étendre la scolarité obligatoire de 3 à 18 ans, il préconise aussi de créer une école de la petite enfance – et non plus seulement « maternelle ». Elle tiendrait compte de la spécificité d’âges auxquels les pédagogies basées sur l’éveil ou les jeux doivent être renforcées. La scolarisation sera possible dès 2 ans et permettrait d’engager l’acquisition des savoirs tout en préparant un passage en douceur vers l’école élémentaire. 
On veut aussi créer et généraliser dans l'éducation nationale les professeurs d'éducation socioculturelle (inspiré de ce qui se fait dans l'enseignement agricole). Les professeurs qui animeraient une association culturelle bénéficieraient d’une décharge de trois heures. 

Dans un discours, Jean-Luc Mélenchon avait aussi évoqué la possibilité de renforcer le pré-recrutement des enseignants dès la terminale et en licence en payant ces étudiants qui se destinent au métier (dans un système proche des anciens IPES ou écoles normales). Il propose aussi de faciliter la reconversion vers le métier d’enseignant.
Pour la gestion des personnels, le candidat propose aux professeurs :
« dans  le  premier  degré,  un  temps  autogéré  pour  un  travail  collaboratif  avec  vos  collègues » et évoque aussi pour « celles et ceux d’entre vous qui parviennent au terme de leur carrière de pouvoir, sur une base volontaire, [de] se consacrer au suivi des élèves en difficulté, à la coordination des projets de l’établissement et à la formation des enseignant·e·s stagiaires ».

On fera quand même remarquer que certaines orientations présentées ici comme nouvelles, sont en fait le renforcement ou la poursuite de mesures déjà mises en œuvre dans le cadre de la loi de refondation. C’est le cas du dispositif « Plus de maîtres que de classes », les espaces parents ou bien encore l’éducation critique aux médias. D’autres mesures semblent convergentes avec celles de Benoit Hamon comme la volonté d’inclure l’enseignement privé dans la carte scolaire ou encore le « soutien scolaire gratuit par le service public d’éducation ». On retrouve aussi cette convergence (y compris avec E. Macron) dans la promesse d’une réduction des effectifs d’élèves dans les écoles d’éducation prioritaire. 


Des “moyens” !!!
Le programme comporte aussi de nombreuses promesses d’embauches, de revalorisation et  de baisse d’effectifs. Les équipes du candidat affirment que tous ces aspects quantitatifs ont été l’objet d’un chiffrage précis. Une émission spéciale de 5 heures visible sur YouTube détaille tout cela. Mais comme l’a dit le candidat dans son style inimitable : « et la bêtise, combien ça coûte ? »
En ce qui concerne la rémunération, J-L Mélenchon propose de  : « revaloriser le traitement de 7 % pour rattraper le gel du point d’indice gelé entre 2010 et 2016 » et de confier ensuite aux négociations aves les organisations syndicales la poursuite de la revalorisation. On propose aussi de doubler le nombre de postes ouverts à l’agrégation interne. 
Le programme de la France insoumise prévoit aussi de recruter 60.000 enseignants supplémentaires mais aussi 8.000 cpe et 6.000 personnels médicaux et sociaux. Tous ces éléments représenteraient selon les estimations un budget supplémentaire d'au moins 10 milliards.
Mais ce n’est pas tout. On prévoit aussi de dédoubler les cours de maths et de français au Collège. Et, comme nous l’avons déjà évoqué, on prévoit aussi de réduire la taille des classes en éducation prioritaire. 
Avec toutes ces promesses, on se demande même si les 60.000 créations de postes annoncées suffiraient...


Retour vers le passé
« restaurer », « rétablir », « abroger », « supprimer »…, ces verbes sont très présents dans le programme éducation de Jean-Luc Mélenchon... Il s’agit d’un projet de rupture avec la “refondation de l’École” mise en place depuis cinq ans. On peut même dire que pour les rédacteurs de ce programme, il n’y a guère de différences entre ce qui s’est passé sous le quinquennat Sarkozy et celui de Hollande. Ils sont tous les deux à mettre dans le même sac...
Ainsi, Paul Vannier, un des rédacteurs de ce fascicule ne cesse de parler de « quinquennat du mensonge» et de « contre-réformes». Les créations de postes n'ont pas eu lieu. Et les dispositifs mis en place détruisent l'école. 
La rhétorique est bien connue. On use et on abuse d’un vocabulaire dénonçant le libéralisme, la marchandisation et le néo-management et de supposées ruptures d’égalité pour défendre une conception très traditionnelle de l’enseignement. 
Dans la lettre de J-L Mélenchon aux enseignants, on dénonce aussi « l’idéologie du socle commun » qui « défait » « le lien aux savoirs ». Plus loin au nom de « l’école de l’égalité » le candidat affirme qu’il abrogera « les contre-réformes du lycée et du collège mais aussi le décret Peillon sur les rythmes scolaires ». On évoque aussi la volonté de « replacer les disciplines au cœur des apprentissages ». On rétablit le redoublement conçu comme « un droit à favoriser ». Le candidat s’engage en même temps à « garantir le principe de la liberté pédagogique » et à « mettre fin à l’évaluation par compétences ».  
Le discours peut être séduisant pour de nombreux enseignants. L’objectif est clairement de s’appuyer sur le « malaise enseignant » pour conquérir ce vote en reprenant un discours de déploration et de refus des réformes. Mais c’est au final une conception des apprentissages et de la pédagogie très conservatrice qui est prônée ici. 


On a le sentiment que la réponse aux difficultés de l’École réside essentiellement dans l’augmentation des “moyens”. Le programme insiste aussi beaucoup sur la satisfaction  d’un grand nombre de revendications catégorielles. Tout cela peut séduire de nombreux enseignants dont, par ailleurs, on loue l’expertise et l’engagement. Cela peut aussi en déconcerter d’autres. 
Mais la question est de savoir si le retour à une école d’avant est la meilleure réponse pour répondre aux défis de la lutte contre les inégalités. Le paradoxe est dans la combinaison d’un discours radical couplé à un maximalisme dans les revendications avec des positionnements de défense d’une école figée et crispée et de conceptions pédagogiques conservatrices. 

Ph.Watrelot


Pour compléter 
L’analyse de François Jarraud dans le Café Pédagogique
Un billet de blog de Jean-PierreVéran sur Mediapart



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Présidentielle 2017 : Les billets consacrés aux programmes éducation des candidats











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Ajout du 26/03/03 à 12h30 
Mon billet de blog sur le programme "Éducation" de JL Mélenchon suscite de vives réactions. Je suis bien obligé de constater que je n'ai pas eu de réactions de même nature après mes billets sur Le Pen, Macron et Hamon... 
Je ne suis pas surpris de ces réactions passionnées et excessives. Je vais m'auto-citer en reprenant un message sur Facebook du 10 mars : 
Bon… plus les élections vont s’approcher et plus la campagne va se durcir… Dans la vraie vie et a fortiori sur les réseaux sociaux. […] Le problème c’est que, souvent dans ces moments de tension, les militants abolissent un peu trop l’esprit critique et le sens de la nuance pour réagir de manière binaire et agressive. «Un militant, c'est un militaire qui porte son uniforme à l'intérieur» disait Ambrose Bierce…
Je redis ici que j'ai essayé de faire un billet balancé et nuancé. Tout le début de mon billet recense les propositions intéressantes de ce programme. 
C'est effectivement le terme de "gaucho-conservatisme" qui ne passe pas et qui est vécu comme une insulte par certains militants. 
Deux éléments de réponse sur cet aspect : 
- conservateur n'est pas synonyme de "réactionnaire". Et que je sache “conservateur" n'est pas une insulte. 
- je redis ici que j'ai beaucoup de respect pour les militants de la France Insoumise (et je suis en sympathie avec beaucoup d'idées) mais je pensais pouvoir mener une analyse du programme éducatif sans que ceux-ci ne se sentent méprisés ou agressés.

La manière de répondre de certains sur Twitter (je pense en particulier à Paul Vannier) est de me renvoyer à un positionnement politique voire intéressé. Pour le dire autrement, je serais un "soutien inconditionnel de la ministre" et qui "dévoie la pédagogie au service de la politique". 

Je trouve cela désolant (pour ne pas dire plus…). Je ne suis pas encarté. Je milite en revanche depuis 35 ans dans des mouvements pédagogiques et des associations complémentaires (Ceméa puis CRAP-Cahiers Pédagogiques). Je pense avoir été assez constant dans mes positions et mes valeurs. Et c'est au regard de celles-ci que je me positionne. Quand je trouve que certaines réformes, malgré leurs limites et leurs imperfections, vont dans le bon sens, je le dis et je le soutiens. Quel que soit le gouvernement. 
Me réduire à un "fan" de la ministre ou me considérer comme un "arriviste" est proprement insultant au regard de mon parcours.



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dimanche, mars 19, 2017

Bloc-Notes de la semaine du 13 au 19 mars 2017



- Hamon – Fillon et le hors-contrat – Rentrée 2017 - Butinages - .



Nous allons encore consacrer une part importante de ce bloc-notes à la campagne pour l’élection présidentielle. Avec tout d’abord Benoit Hamon qui a présenté son programme jeudi 16 mars. Et ensuite François Fillon qui a précisé le sien lors d’un discours à Besançon. Et il y a de quoi s’inquiéter. Pendant la campagne, la rentrée se prépare et nous nous y intéresserons aussi. Et nous finirons, comme à l’habitude par quelques conseils de lectures glanées ici et là.



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Hamon et l’École
Le programme de Benoit Hamon a été présenté à la presse jeudi 16 mars dernier. Il y a notamment une longue interview du candidat dans Le Parisien . L’éducation y est évoquée mais on peut aussi en savoir plus en allant directement à la source sur le site BenoitHamon2017.fr . Comme je l’ai déjà fait pour d’autres, j’ai consacré un billet de blog à ce programme où je mets en avant la position d’héritier (un peu embarrassé, mais héritier quand même…) de Benoit Hamon dans le domaine de l’éducation.
C’est un avis qui est d’ailleurs partagé par les journalistes qui ont consacré des papiers à cette dimension de son programme. On peut en lire dans Les Échos ou dans Libération .
B. Hamon se situe donc dans la continuité du quinquennat Hollande et les principales mesures le montrent. Il prévoit de consacrer au moins neuf milliards sur cinq ans à l’éducation. Il veut continuer à revaloriser les enseignants, créer de nouveaux postes (40.000) et donner la priorité au primaire créer et diminuer les effectifs élèves. Il y a quelques mesures nouvelles mais qui, elles aussi, se situent dans la logique du quinquennat précédent. On le voit avec la volonté de créer un système d'aide pour les écoliers et collégiens. Et c’est aussi le cas avec le droit à la scolarisation dès 2 ans dans les REP et l’abaissement de la scolarité obligatoire à 3 ans. Les principales réformes ne sont pas abandonnées même si on sent poindre aussi une certaine prudence. Il est vrai que l’enjeu est complexe : comment ne pas renier cet héritage tout en ramenant dans le giron du PS des enseignants qui semblent s’en éloigner... ?
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Fillon et le hors-contrat
Fillon droitise encore son programme pour l’École ”, c’est le titre qu’on peut lire dans le Café Pédagogique . Pour François Jarraud, ce durcissement est une sorte de tribut en remerciement du soutien logistique de son rassemblement au Trocadero par des organisations proches des écoles hors contrat (comme Sens Commun par exemple). C’est à Besançon le 9 mars (vidéo du discours sur YouTube (la partie sur l'école commence à 14'30 et dure un petit quart d'heure) que le candidat, amateur de costumes, déroule un programme fondé sur les suppressions de postes, le tri des élèves, le retour aux « fondamentaux » et même à l’uniforme (lire l’article de Libération sur ce thème). Il annonce aussi la suppression des principales réformes du quinquennat : rythmes scolaires, collège, programmes... On notera aussi la proposition de suppression des allocations de rentrée, allocations familiales et bourses aux familles d'élèves peu assidus - qui seraient renvoyés vers des établissements spécialisés dans la réinsertion scolaire. “"Je veux que les élèves qui sont exclus définitivement par le conseil de discipline, soient inscrits dans des établissements adaptés afin qu’ils modifient leur comportement et se remettent sur la voie des apprentissages scolaires fondamentaux". ”. En gros, ça s’appelle une filière poubelle...
Un autre moment fort du discours porte sur l’autonomie des établissements. “Je revaloriserai les traitements des enseignants en tenant compte de leur mérite et en leur demandant d’être plus présents dans l’établissement. Je confierai progressivement aux chefs d’établissement du second degré le choix de leurs personnels... ”, annonce t-il.
Mais c’est surtout sur le financement du privé que Fillon fait une proposition choc. “Dans les zones de revitalisation rurale et les zones urbaines sensibles, l’Etat soutiendra la création d’établissements publics ou privés indépendants et innovants”. En évoquant explicitement les écoles Espérances banlieue, proches de la droite extrême, F Fillon annonce également qu'il subventionnera les écoles hors contrat. “L’Etat ne devra plus s’opposer à cette nouvelle offre éducative issue de la société civile ; il devra leur faciliter la tâche et les aider”.
Jusqu’à maintenant, ces écoles soutenues par des personnalités médiatiques, avaient suscité dans la presse un regard plutôt bienveillant voire complaisant. Heureusement les choses sont en train de changer. Il faut d’abord rappeler le travail militant de Grégory Chambat qu’on retrouve cette semaine aux côtés de Jean-Charles Buttier et Laurence De Cock dans un billet sur Mediapart pour poursuivre sa dénonciation. Mais la presse généraliste s’en mêle aussi. Après un article dans Le Figaro, il y a quelques temps, c’est au tour du Monde de consacrer un article assez critique à ce réseau d’écoles. Le même journal propose un long article de synthèse sur les écoles hors-contrat qui s’invitent donc dans la campagne. Rappelons que le FN compte aussi parmi ses engagements, la défense de la liberté de l’enseignement. La candidate frontiste s’était opposée à la ministre de l’éducation sur le régime d’ouverture des écoles hors contrat, en début d’année, lors d’un débat télévisé. Mais le FN ne reprend cependant pas à son compte l’idée, portée il y a dix ans par Jean-Marie Le Pen, du « chèque éducation » correspondant au « coût moyen d’un élève », qu’il appelait à distribuer aux familles pour leur donner le libre choix de leur école.
Il faut bien sûr défendre le service public d’éducation. Mais ce qui me désole c’est que l’innovation est souvent associée, aujourd’hui à tort ou à raison, à des initiatives privées. On présente une enseignante comme « contrainte » de quitter le système public, on valorise dans les journaux télévisés des écoles « nouvelles » (avec quelquefois des recettes du passé) fonctionnant dans le privé hors-contrat, on laisse entendre implicitement ou explicitement que le système public est incapable d’évoluer et d’accepter les expérimentations. Il est indispensable de sortir de ce piège.
D’abord en tenant compte que ces innovations médiatisées se développent sur les lacunes et les difficultés du service public. Mais aussi, et c’est un des objets et des enjeux des années à venir, en montrant que, contrairement à une idée souvent répandue, le service public est capable d’innovations et d’expérimentations au service de tous et pas seulement de quelques uns. La défense du service public ne doit pas être frileuse et crispée mais dans la promotion de ses valeurs d'égalité et de justice sociale et de sa capacité à évoluer et s’adapter.
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Rentrée 2017
La rentrée 2017 c’est maintenant !
C’est le jeudi 9 mars 2017, que la ministre organisait une conférence de presse sur... la rentrée 2017. Pourquoi si tôt ? Comme le dit Christel Brigaudeau dans Le Parisien il s'agissait pour Najat Vallaud-Belkacem, d'apposer son sceau sur une organisation imaginée par ses équipes mais qui sera pilotée par d'autres. C'est un fait : la rentrée 2017 est déjà «bouclée, pliée», confirme Bernard Toulemonde, ancien recteur interviewé par Le Parisien «Il ne peut y avoir de modification importante de la pédagogie et de l'organisation à ce stade». Les rentrées se préparent dix mois avant le jour J.
L’essentiel se trouve résumé dans un document synthétique qui définit les grandes orientations : la circulaire de rentrée . Celle ci se situe dans la poursuite de la politique menée durant ce quinquennat et est destinée à “consolider” les réformes engagées jusque là. Nouveaux programmes, réforme du collège, plan numérique sont donc les 3 thèmes principaux au sommaire de la circulaire de rentrée.
En ce qui concerne les postes, à la rentrée 2017 , 11.662 postes supplémentaires seront créés – dont 4311 en primaire (soit 23.639 postes créés dans le premier degré en 5 ans), et 4650 en secondaire (soit 21.809 postes créés sur l’ensemble du quinquennat). Seront également créés, en septembre, 1351 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).
Peut-il y avoir remise en cause de cette circulaire durant l’été en fonction du résultat des élections ? VousNousIls pose la question à plusieurs spécialistes, tout comme le journal gratuit 20minutes . « Supprimer les EPI aurait une incidence sur les emplois du temps des enseignants. Ce n’est pas jouable » explique Christian Chevalier de l’UNSA. Toutefois, pour Claude Lelièvre les enseignants « non favorables » aux EPI pourraient toutefois « profiter d’une remise en cause de la réforme pour mettre la pédale douce sur ce dispositif, car ils n’en craindront pas les conséquences ».
Ce qui ne changera pas, de toutes façons, ce sont les prévisions d’effectifs . La génération issue du « baby-boom » du début des années 2000 continue d’arriver au collège et au lycée : les effectifs dans le secondaire devraient croître de 50 000 à la rentrée 2017 et de 17 000 à la rentrée 2018 et dépasser ainsi les 5,63 millions d’élèves, selon les prévisions de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère. Concernant l’école primaire, la baisse des naissances devrait commencer à se faire sentir, après notamment cinq ans de hausse des effectifs à l’école élémentaire, prévoit une autre note de la DEPP
On peut ranger aussi dans la préparation de la rentrée les annonces qui ont été faites récemment concernant un plan d’urgence pour la ville de Grigny dans l’Essonne. Elles sont détaillées dans une dépêche AFP, un article du Parisien et un papier du site d’information local Essonne Info . Dans une des villes les plus pauvres et les plus jeunes de France où seulement 25 % des lycéens sont bacheliers, où seuls 6 % des élèves du collège Jean-Vilar se dirigent vers un bac S, où les moins de 25 ans représentent 30 % de la population et où la part des jeunes qui n’ont pas le français comme langue maternelle oscille entre 38% et 64 %, des mesures urgentes se devaient d’être prises. En tant que “voisin”, je m’en réjouis.
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Butinages
Comme chaque semaine, on termine avec une rubrique un peu hétéroclite destinée à signaler des documents intéressants repérés au grès de mes butinages sur Internet.

Louise Tourret a produit au cours des deux dernières semaines deux articles très intéressants. Le premier est consacré à l’année 1984, l’année où tout a changé pour l’École française C’est l’époque des manifestations pour l’école libre et aussi l'avènement d'un discours de déploration et de peur sur l'école est à dater cette époque, un discours contre la démocratisation scolaire mais aussi contre la pédagogie en général (!) qu'on retrouve chez les candidats à l'élection de 2017 (Fillon, Le Pen). Louise Tourret fait ici un utile et bien intéressant rappel historique.
Est-ce qu'on a demandé aux enfants ce qu'ils pensent de la carte scolaire?, c’est la question que pose la journaliste en titre de cet autre article. Elle part de son expérience personnelle pour relier cela à son travail de journaliste et à l'avis des élèves et des parents qu'elle a pu rencontrer.

Signalons aussi un très beau reportage de Solène Cordier dans Le Monde sur les enseignantes de l’équipe des antennes scolaires mobiles (ASM) de Seine-Saint-Denis. Des professeurs un peu particuliers au sein de l’éducation nationale, itinérants, qui partent à la rencontre des enfants éloignés, malgré eux, du système scolaire. « Ça me remet à ma place, quotidiennement, en tant qu’être humain, d’être témoin de ce gâchis d’enfants qui n’ont pas accès à l’éducation », témoigne Emmanuelle, une enseignante à ce poste depuis quatre ans.

J'aime beaucoup ce blog collectif le démon du collège hébergé par Le Monde et rédigé par des élèves sous la houlette de Mara Goyet.
La lecture de ce billet écrit par deux élèves de 5ème mérite notre attention... “ Nous nous ennuyons à l’école et ne trouvons plus de motivation et d’intérêt à y aller. Nous ne supportons plus l’émotion de l’annonce de mauvaises notes, nous avons peur de redoubler, nous avons peur de décevoir nos parents, nous avons des problèmes d’organisation et de compréhension parfois. En bref, nous n’aimons plus venir en cours. Y penser nous rend tristes car on se rappelle que l’on sera enfermées, une fois de plus. Plus de temps pour s’amuser, les devoirs et les révisions ont pris toute la place… on perd peu à peu notre confiance en nous ; le stress est devenu une tornade. On perd nos moyens, et la peur s’y est invitée comme à une fête open-bar et non-stop.

Les enseignants du rectorat de Lille (Nord) ont reçu la semaine dernière un mail dans lequel le cabinet du recteur de l’académie les priait de ne pas participer à des rassemblements « à caractère préélectoral ». Cette note a suscité de vives réactions et l’académie a ensuite expliqué qu’il s’agit d’une erreur. Cette consigne ne devrait être suivie que pendant les heures de travail.
C’est l’occasion de renvoyer à un billet de blog de l’ancien ministre Anicet Le Pors qui rappelle que “la liberté d’opinion a pour traduction essentielle dans la communauté des citoyens la liberté d’expression et celle-ci doit être entendue dans son acception la plus étendue possible sous les seules réserves de la neutralité du service public et de l’ordre public. Et non l’inverse. […] La maîtrise de la liberté d’opinion et de la liberté d’expression en appelle, d’une part à l’esprit de responsabilité de chaque fonctionnaire (sans qu’il soit besoin ni souhaitable d’avoir à se reporter à un quelconque « code de déontologie ») et, d’autre part, à la mutualisation des informations et des prises de positions dans les cadres associatifs et syndicaux, toujours préférables (sauf lorsque ces cadres n’existent pas, ce qui est exceptionnel) à la manifestation individuelle souvent plus complexe, discutable et risquée.”. Des précisions utiles à rappeler alors que les élections vont s’approcher et que la campagne va se durcir...

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

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Hamon et l’éducation : l'héritier embarrassé




Le programme de Benoit Hamon a été présenté à la presse jeudi 16 mars.  Il comporte un volet “éducation” qui se situe dans la continuité de la politique menée depuis 2012 et auquel il a lui même contribué comme (éphémère) ministre. On y retrouve des promesses sur les postes, la revalorisation des enseignants, la priorité au primaire, la mixité sociale… Il faut noter aussi quelques nouvelles propositions comme le “service public du soutien scolaire”. Les principales réformes ne sont pas abandonnées même si on sent poindre aussi une certaine prudence. Il est vrai que l’enjeu est complexe : comment ne pas renier cet héritage tout en ramenant dans le giron du PS des enseignants qui semblent s’en éloigner... ?





Un héritage à assumer
A la lecture des discours et des interviews, on a le sentiment que pour Benoit Hamon, l’éducation est le domaine où le quinquennat a le mieux réussi et où les engagements ont été généralement tenus. Il y voit une vraie politique éducative de gauche. Si l’objectif de Benoît Hamon est de se démarquer, sur ce sujet, c’est plutôt de ses concurrents que de la politique éducative menée pendant cinq ans.
B. Hamon se situe donc dans la continuité du quinquennat Hollande et les principales mesures le montrent. Il veut continuer à  revaloriser les enseignants, créer de nouveaux postes (40.000) et donner la priorité au primaire créer et diminuer les effectifs élèves, Le candidat socialiste annonce 9 milliards d'investissements dans l'éducation sur le quinquennat.
Il y a quelques mesures nouvelles mais qui, elles aussi, se situent dans la logique du quinquennat précédent. On le voit avec la volonté de créer un système d'aide pour les écoliers et collégiens. Et c’est aussi le cas avec le droit à la scolarisation dès 2 ans dans les REP et l’abaissement de la scolarité obligatoire à 3 ans (seuls 5% des enfants de cet âge ne sont pas scolarisés).
L’embarras se lit en revanche pour la réforme du collège. Le candidat est convaincu que si on veut que la réforme s'applique, l'adhésion des enseignants est nécessaire. Il envisage donc de « prendre le temps d'écouter les enseignants». C’est la même position pour une éventuelle réforme au lycée : prendre le temps du diagnostic et du dialogue avant une éventuelle réforme.
Toutefois, il y a une volonté de préserver l’essentiel de la réforme. Il est intéressant de lire le communiqué où Benoit Hamon répond à Emmanuel Macron qui propose le rétablissement des classes bilangues. Selon les rédacteurs de ce commniqué cela revient  à « réinstaller un système qui réserve l’apprentissage de la 2ème langue vivante à quelques enfants et favorise l’entre-soi social et culturel. Il [E.Macron] réserve l’excellence éducative à quelques élèves quand nous en avons fait un vecteur de la réussite de tous. Benoit Hamon considère au contraire qu’il est plus ambitieux de maintenir l’apprentissage de la deuxième langue vivante pour tous les élèves dès la 5ème et de programmer, avant la fin du quinquennat son début dès la classe de 6ème. »
Même si on peut penser que le vote pour un candidat ne se fera pas forcément en fonction de son programme éducation mais sur un bilan plus global, il faut tenir compte que les motifs de contentieux avec une partie des enseignants se situent sur ce domaine. Plus que de l’embarras, on peut voir aussi une forme de courage à ne pas reculer sur des points (collège, rythmes,…) qui ont pourtant cristallisé des mécontentements.


Fidèle aux postes
Malgré les 54 000 postes créés sous Hollande (dans l’enseignement scolaire), on n'a toujours pas retrouvé le nombre d'enseignants du début du quinquennat Sarkozy. Le projet de B. Hamon prévoit donc le recrutement de 40.000 enseignants supplémentaires dont 20.000 dans le primaire « pour qu’il n’y ait pas plus de 25 élèves par classe en CP, CE1, CE2 et pas plus de 20 élèves dans les REP, et REP +, les outre-mers et les territoires ruraux».
Sur cette mesure précise, elle rentre en compétition avec celle d’ Emmanuel Macron. Le candidat d'« En marche ! » promet de mettre 12 élèves par classe dans les CP et CE1 des écoles de l'éducation prioritaire. Ce que propose Benoît Hamon est moins percutant mais peut-être plus réaliste.
Même si je sais que ce qui va suivre va faire hurler, il faut rappeler que le lien entre taille de classe et performance des élèves n’est pas clairement établi par la recherche. Il s’agit donc plus d’une mesure qui agit sur les conditions de travail des enseignants, ce qui est déjà beaucoup.
Par ailleurs, 15 000 postes seront crées pour la formation continue et 2 000 postes pour garantir le remplacement des enseignants absents. A ces 37000 postes créés, s’ajouteront 3.000 postes volants pour garantir un droit à la scolarisation dès 2 ans dans les REP.
Les questions posées par ces annonces de créations de postes sont assez simples à formuler.
On peut d’abord s’interroger sur le vivier de recrutement. En l’état actuel de l’organisation de la formation et du niveau de recrutement (fin de l’année de M1) la question de savoir si le nombre est suffisant est légitime. Il semblerait que l’équipe du candidat évoque d’ailleurs un pré-recrutement en L3 suivi de deux années de formation payées. On sortirait enfin du compromis boiteux qui a présidé à la création des ESPÉ. Et si on en profitait aussi pour revoir la formation ?
Ensuite, une fois ces postes créés et budgétés, encore faut-il qu’ils soient pourvus. Ce qui pose la question des concours et du niveau mais surtout celle de l’attractivité du métier.
L’autre question dépasse le seul cadre de l’éducation nationale et est au cœur du débat sur les contraintes budgétaires. Peut-on à la fois créer des postes et en même temps revaloriser les salaires ? On ne va pas ici entamer un débat de politique économique mais la question ne manquera pas de venir sur le tapis.


Enseignants : Revalo et formation continue...
B. Hamon annonce le doublement de l'ISOE (indemnité destinée au secondaire) et de l'ISAE (pour le primaire), soit environ 800 millions versés aux enseignants.
On peut se réjouir de ces mesures tant la question de la rémunération des enseignants est un élément fort du sentiment de déclassement présent chez de nombreux collègues. Mais on se garde bien ici d’aborder la question d’une (re)négociation du statut et des missions des professeurs. Il y a eu une négociation en 2014 mais très (trop) timide au regard des enjeux. On ne peut s’empêcher d’avoir en tête l’exemple de  la “revalo” de 1989 où la lutte syndicale a fait un préalable de l’augmentation de salaires sans qu’il y ait au final  de réelles contreparties et évolutions.
Une nouvelle revalo sans contrepartie ? comment louper l'instauration du travail en équipes, l’obligation de formation continue ou un système de remplacement local cohérent négocié ?
Sur le plan de la formation, il annonce : «  Je mettrai en œuvre un grand plan de formation continue des enseignants pour valoriser leur travail et leur carrière. En fonction de son ancienneté et des besoins qu’il exprimera, chaque enseignant bénéficiera tous les ans de 3 jours, 5 jours ou 10 jours de formation. » Une bonification du nombre de jours de congés de formation serait attribuée aux enseignants en fonction du temps passé en REP.
Là aussi, on peut voir cela positivement, car la formation continue est vraiment sinistrée, mais aussi trouver cette mesure un peu timide. On aurait pu aller vers une obligation de formation avec un plan de développement professionnel négocié au niveau de chaque établissement et de chaque enseignant. Cette annonce d’une obligation de formation avait pourtant été formulée en 2012 avant d’être abandonnée faute de volonté politique face à la pesanteur technocratique.


Mixité sociale
Un autre domaine où le programme du candidat du PS se situe dans le prolongement de l’action menée actuellement est celui de la mixité sociale.
Le programme propose une politique de redécoupage de la carte scolaire axée sur la sectorisation, l’affectation et une contractualisation avec l’enseignement privé pour qu’il participe à l’effort de mixité sociale. La redéfinition aussi des zones d’éducation prioritaire se ferait avec la mise en place d’un indice social transparent qui « évalue objectivement les établissements qui font face aux difficultés sociales les plus importantes afin d’y allouer plus de moyens.»
La mixité à l'école serait aussi renforcée avec la généralisation des expérimentations actuelles (comme par exemple les secteurs multi-collèges) lancées par l'actuelle ministre Najat Vallaud-Belkacem.
Comment compte-t-il faire en pratique ? Avant lui, aucun responsable politique n’a vraiment réussi à avancer sur cette question complexe qui concerne plusieurs acteurs. Le gouvernement ne peut pas agir sans l'appui des collectivités locales qui sont normalement compétentes pour la sectorisation. Passera-t-il par la loi pour obliger les chefs d’établissement du privé à jouer le jeu ? Va t-on rallumer une guerre public-privé ? Autant de questions pour un sujet explosif et pourtant essentiel.


Service public du soutien scolaire
« Il faut inclure dans le temps scolaire des élèves le travail personnel et les devoirs qui, aujourd’hui, sont à faire à la maison. L’école et le collège doivent organiser en leur sein l’accompagnement des élèves pour que l’aide aux devoirs soit directement liée au travail fait en classe. »
L’argumentaire rappelle qu’un élève sur 10 en 6ème et un élève sur 5 en 3ème  fait appel à des petits cours. C’est un marché officiel de plus de 2 milliards. Et c’est surtout une source d'inégalités importante entre les familles.
Ce service serait assuré par les enseignants en heures supplémentaires ou par des mouvements d'éducation populaire. La revalorisation passe donc aussi par l’augmentation des primes comme le dit très clairement Benoit Hamon dans Le Parisien.
Le cout de cette mesure est estimé à 400 millions. Le service d'aide serait étendu à tout le collège en l'incluant dans l'horaire actuel de la 5ème à la 3ème.
Cette mesure ravive un vieux débat porté depuis longtemps par les parents d’élèves et plusieurs mouvements pédagogiques sur l’intérêt pédagogique des devoirs eux-mêmes. Rappelons d’abord que les devoirs à la maison sont en principe interdits à l’école depuis 1956. Mais la pratique perdure et la distinction est souvent difficile à faire entre le nécessaire moment d’apprentissage des leçons et l’externalisation du travail scolaire. L’école doit être son propre recours mais en même temps il faut aussi re-questionner le moyen de renforcer le lien entre l’école et les familles qui était souvent exprimé par ces “devoirs”. Reste à voir aussi comment les enseignants, qui ont quelquefois été réticents à l'arrivée des animateurs des activités périscolaires dans les écoles, accueilleront cette intervention des mouvements d'éducation populaire.


Gouvernance de l'éducation nationale
J’ai souvent écrit que la question de la gouvernance était un angle mort des politiques éducatives. Notre système reste  très centralisé et marqué par une forte hiérarchie. Cette bureaucratie contribue ainsi à la déresponsabilisation des acteurs et est donc peu propice à l’innovation et aux expérimentations. Mais c’est un débat très vite piégé. On fait souvent appel, comme une incantation, aux principes républicains pour réaffirmer le principe d’“égalité Républicaine” qui serait menacé par l’autonomie des établissements, vue comme une dérive managériale et libérale.
Le programme de Benoit Hamon évoque pourtant un peu cette question : « J’associerai les enseignants à la prise de décision par un management plus horizontal, par la création de collectifs de travail, et par la prise en compte de leurs responsabilités au sein des écoles, collèges et lycées.» C’est ce qu’on peut lire dans le programme sans plus de précision.
On retrouve cependant des éléments dans le communiqué de presse où Benoit Hamon réagit au programme d’Emmanuel Macron sur l’éducation : « Si nous partageons la volonté de confier davantage d’autonomie aux équipes pédagogiques, nous sommes opposés à la libéralisation du recrutement des enseignants. Cette mesure aurait pour effet de mettre les établissements en compétition. Les établissements situés en milieu rural ou dans les quartiers défavorisés, moins attractifs, en seraient les premières victimes. »
Rappelons cependant que  pour le candidat d’En Marche,  dans le primaire, « l'autonomie de recrutement » serait déployée seulement à titre expérimental dans les seuls établissements de l'éducation prioritaire (REP+), afin d'attirer des enseignants, sur des postes dits « à profil », dans les écoles qui ont du mal à recruter. Ce qui correspond déjà plus ou moins à ce qui pouvait se faire (mais n’a pas vraiment été appliqué)
Quoi qu’il en soit l’adaptation de la gouvernance de l’éducation nationale (et pas seulement des établissements ) est, à mon sens, un des chantiers majeurs dont on ne pourra pas faire l’économie. Un chantier difficile car il faut naviguer entre deux écueils, celui du conservatisme sclérosant et celui d’un libéralisme destructeur.


Rythmes scolaires
« J’augmenterai de 25% sur le quinquennat le budget de l’Etat consacré à l’accompagnement des communes dans la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires et du développement des activités périscolaires. »
Sur les rythmes scolaires, Benoît Hamon tente donc de se démarquer d' Emmanuel Macron et de François Fillon qui veulent laisser la liberté aux communes de revenir sur la réforme, ou encore de Marine Le Pen qui veut revenir sur la réforme. L'ex-ministre de l'Education entend, au contraire, accroître de 25 % (sur cinq ans) le fonds d'aide aux communes, d'un montant actuel de 400 millions d'euros.
Il est quand même intéressant et piquant de rappeler que c’est durant son court passage au Ministère que le décret Hamon a assoupli et détricoté une partie de la réforme des rythmes scolaires. Mais, là aussi on voit qu’on se situe plutôt dans une logique d’héritage de la politique menée jusque là.


On retrouve cet héritage assumé dans l’ensemble de ce volet éducation d’un programme qui, par ailleurs, se démarque sur bien d’autres points de la politique menée durant le quinquennat.
Il y a une approche systémique de l’École et une certaine cohérence avec un fil rouge qui est la lutte contre les inégalités. On est très loin des visions nostalgiques d’une école mythifiée et qui aboutissent au final à la destruction de l’école publique, proposées par les candidats de droite. Et même s’il demeure des questions en suspens notamment sur le financement, on semble éviter aussi les mesures électoralistes et peu cohérentes.
Face à certains enseignants cela peut-il suffire ? On sait qu’une frange, difficile à évaluer, du monde enseignant a développé un ressentiment à l’égard de la politique éducative menée depuis cinq ans. Mais on peut aussi se dire que les enseignants comme les autres électeurs ne se déterminent pas que sur un seul aspect de la politique mais prennent en compte toutes les dimensions d’un programme. Et si, au final, le vote enseignant n’existait pas ?


Ph. Watrelot


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Présidentielle 2017 : Les billets consacrés aux programmes éducation des candidats













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dimanche, mars 05, 2017

Bloc-Notes de la semaine du 27 février au 5 mars 2017





- Macron et l’éducation - Préconisations – L’économie et l’Académie- Butinages - .



Qu’avons nous au menu de ce bloc notes ?
Le plat de résistance est politique avec le programme d’Emmanuel Macron dont nous analyserons la partie consacrée à l’éducation tout en déplorant que le débat en soit réduit à des questions annexes. Nous accompagnerons cela de quelques préconisations de saison. Avant de nous intéresser à l’économie, dont on fait tout un fromage... Et nous finirons par un dessert gourmand avec quelques lectures diverses et variées... Bon appétit.


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Macron et l’éducation
Jeudi 2 mars, le programme d’Emmanuel Macron a été révélé. Le candidat l’a présenté à la presse notamment dans un long entretien au Parisien et mis en ligne sur son site .
Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi même je signale que j’ai consacré un billet de blog à l’éducation dans le programme de En Marche . Vous pourrez lire aussi des analyses de ce programme éducatif dans Le Monde ou dans Le Figaro . Pour Aurélie Collas dans Le Monde , “Le programme d’Emmanuel Macron sur l’éducation puise dans deux rhétoriques sur l’école. D’un côté, celle de François Hollande, de Vincent Peillon et de ses successeurs Rue de Grenelle : « investir », donner la « priorité » au primaire et aux zones d’éducation prioritaire (ZEP) pour lutter contre l’échec scolaire et les inégalités sociales. Des principes inscrits au cœur de la loi de refondation de l’école de 2013. De l’autre, la promesse d’une autonomie accrue des établissements, y compris en matière de recrutement des enseignants. Et la remise en cause, plus ou moins partielle et implicite, de la réforme des rythmes scolaires et de celle du collège. ”.
Si on rentre dans le détail des principales mesures, le candidat propose la création de « 4 000 à 5 000 » postes sur le prochain quinquennat – alors qu’il compte supprimer 120 000 postes de fonctionnaires. L’objectif principal est de limiter à 12 élèves dans les ZEP la taille des classes de CP et CE1 – actuellement, la moyenne est de 22,7 élèves en ZEP. Mais comme ces créations de postes ne seront pas suffisantes, il redéploierait également entre 6000 et 10.000 postes des 60.000 créés sous le quinquennat de François Hollande. En ce qui concerne le collège, Emmanuel Macron affirme qu'il réintroduira «le principe des classes bilangues». Il annonce également «des parcours européens» et un véritable enseignement du latin et du grec. Dans Le Figaro , on apprend que dans un livre à paraître le 8 mars, deux journalistes affirment que Brigitte Macron, la femme du candidat, ancienne professeure de Français et lettres classiques dans un lycée privé parisien, «aimerait voir les heures d'EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) supprimées et celles de français et de maths rétablies». Pour le lycée, il n’y a pas vraiment d’annonces, hormis celle d’une réforme du baccalauréat avec seulement quatre matières obligatoires à l’examen final. Mais quand sait l’importance dans l’opinion de ce rituel, nul doute que cela suffise à alimenter la machine à polémiques.
Mais pourtant, ce n’est pas là dessus que l’attention s’est focalisée. Comme on pouvait le craindre, c’est la proposition d’interdire les portables qui est la plus commentée et suscite le plus de réactions. Ainsi , dans L’Obs, “François”, principal de collège affirme qu’il est pour les portables à l’École et que “interdire c’est impossible”. Pour lui, il vaut mieux éduquer qu’interdire. dans L’Obs, un prof de maths va même plus loin puisqu’il affirme qu’il utilise cet outil en classe. Que ce soit dans L’Express ou dans le Midi Libre , les avis d’enseignants et de chefs d’établissements sont mitigés et dubitatifs. Rappelons enfin que cette interdiction est déjà prévue par le Code de l’Éducation (loi du 12 juillet 2010 – art.183)
Plutôt que “de discuter de la pertinence ou non de cette mesure, on peut se poser la question du niveau d'importance de cette proposition (qui figure en 2ème position dans la plaquette du programme) par rapport à des questions comme l'autonomie, la priorité au primaire ou même la réforme du bac... ” (voilà maintenant que je m’auto-cite...). On a l’impression d’un “clin d’oeil” rétro destiné à complaire à une partie de l’électorat et qui fait diversion. Encore une fois, comme je l’ai déjà dit à plusieurs occasions, le débat sur l’École mériterait mieux.
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Préconisations
Voici venu le temps des préconisations...
Avant celle du Conseil National de l’Innovation pour la Réussite Éducative (qu’évidemment tout le monde attend...), d’autres y vont de leurs propositions pour alimenter le débat sur l’Éducation.
C’est le cas du Conseil National d’Évaluation du Système Scolaire (Cnesco) qui publie 30 préconisations pour améliorer l’éducation en France. Comme le résume Libération, il s’agit d’une sorte de best of des recommandations issues des 21 rapports publiés par le Cnesco au cours de ses trois premières années d’existence, mobilisant en tout quelque 200 chercheurs. En fait comme le pointaient déjà les rapports du comité de suivi de la Refondation (présidé par le député Yves Durand), le Cnesco est sorti un peu de son périmètre initial. D’instance chargée d’évaluer le système éducatif, il s’est transformé en une sorte de think tank allant bien au delà de sa mission initiale. Nathalie Mons, sa présidente, le définit comme «un lanceur d’alerte en éducation». On pourra découvrir des propositions qui sont dans l’air depuis longtemps, comme une obligation de formation continue, un “professeur des apprentissages fondamentaux”, des classes de CP-CE2 à effectifs réduits pour les élèves défavorisés, ou une obligation de mixité dans les objectifs et l’évaluation des établissements. A lire... et pas seulement par les candidats ou leurs équipes... !
Dans le bloc-notes de la semaine dernière, j’évoquais une tribune publiée dans The Conversation par trois formateurs. Intitulée “Un scandale tranquille : des enseignants toujours aussi mal formés ”, les trois auteurs y détaillaient les dysfonctionnements et contradictions de la formation. Ils reviennent avec une deuxième tribune consacrée cette fois ci aux préconisations . Ils proposent, entre autres, de réformer le concours de recrutement, de former autrement et de mieux construire l’alternance entre la formation et l’enseignement ainsi que le lien avec la recherche.
On peut aussi ranger dans la catégorie des préconisations, la tribune de Joanie Cayouette-Remblière dans Alternatives Économiques . Cette jeune chercheuse vient de sortir un livre «L’école qui classe» (PUF, 2016) dont je conseille à tous la lecture. Intitulée “ Et si on s’attaquait aux vraies causes des inégalités scolaires ? ”, la sociologue détaille d’abord les causes des inégalités scolaires. Pour elle “les inégalités sociales à l’école sont avant tout le produit d’inégalités de réussite – autrement dit de « chances d’apprendre » inégales.”. Elle identifie trois faisceaux explicatifs à ces inégalités de réussite. Le premier concerne l’écart entre les manières de penser, de parler et de travailler des élèves de classes populaires, d’une part, et les exigences de la forme scolaire, d’autre part. Le deuxième concerne la variété des conditions de scolarisation et donc la mixité. Le troisième renvoie aux mobilisations et découragements des élèves.
A partir de ce constat, elle propose quatre pistes d’évolution. D’abord, “il conviendrait de réfléchir à une manière de mieux expliciter les exigences du travail scolaire”. Ensuite, supprimer le redoublement pour s’obliger à réfléchir à une alternative plus efficace. Elle propose également, tout comme la tribune évoquée précédemment, un recrutement plus tôt des enseignants et une évolution de leur formation. Et enfin, elle n’oublie pas que les inégalités sont aussi hors de l’École et qu’il faut évidemment les combattre en luttant contre la précarité, le chômage, le mal logement, etc. “La question scolaire est donc également une question sociale, et les politiques qui tendent à accroître les inégalités et la précarité ne pourront que se répercuter sur le devenir scolaire des enfants.
Ce qui est intéressant avec toutes ces préconisations, comme avec celles qui sont à venir, c’est qu’il y a une certaine convergence. Au delà des clivages partisans et des postures, on pourrait espérer voir émerger une dynamique qui permettre d’améliorer le système. On peut rêver ?
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L’économie à l’académie
Il est toujours délicat, pour moi, de faire le commentaire d’évènements d’une actualité où je suis fortement impliqué. C’est le cas ici, avec la réflexion sur les programmes de sciences économiques et sociales (SES). Je rappelle que je suis membre du groupe composé par le Conseil Supérieur des Programmes (CSP) et le Conseil national éducation économie (CNEE) chargé d’en faire le bilan et de tracer quelques pistes d’évolution.
Lundi 27 février se déroulait la deuxième réunion de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, présidée par Michel Pébereau et consacrée aux programmes de SES et à “L’enseignement de l’économie”. La première portait sur les constats et la deuxième était destinée à faire des propositions. J’étais présent à cette matinée où sont intervenus quatre personnes. Trois d’entre elles ont proposé des pratiques pédagogiques (études de cas, “jeux sérieux” ou approche des comptes et des concepts par la construction d’une mini-entreprise) présentées comme des “nouveautés” destinées à améliorer l’enseignement de l’économie. Même si tout cela se fait déjà en SES...
Mais de préconisations plus précises, il n’y en eut point. Le président de l'académie, l'ancien PDG de la banque BNP- Paribas Michel Pébereau, a indiqué que celle-ci réservait ses propositions pour son audition par la commission mixte CSP/CNEE. Ces deux instances doivent remettre fin mars-début avril un avis à la ministre de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem sur "les thématiques, les concepts et les mécanismes jugés incontournables au regard des objectifs" de l'enseignement de SES.
Pour en savoir plus sur cette journée, on pourra lire un compte rendu dans Le Figaro ou encore, si on le souhaite, le compte rendu fait par François Jarraud dans le Café Pédagogique (même si celui-ci témoigne dans son compte rendu d’un sens de l’exhaustivité et du «journalisme » assez contestable). On peut aussi profiter d’un regard décalé et ironique en écoutant le moment Meurice sur France Inter . Le journaliste-humoriste de l’émission « si tu écoutes j’annule tout » était présent et nous livre quelques interviews des participants dont il a le secret... Mieux vaut en rire, en effet...
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Butinages
Comme chaque semaine, on termine avec une rubrique un peu hétéroclite destinée à signaler des documents intéressants repérés au grès de mes butinages sur Internet. Aujourd’hui, je vous propose un rab’ de politique, un brin de prospective, une pincée de pédagogie, et un peu de lecture...

On évoquait la semaine dernière la dernière étude du Cevipof (SciencesPo) sur le vote des fonctionnaires et en particulier les enseignants. Cette semaine un autre chercheur Laurent Frajerman , lui répond et complète son analyse. On pourra lire cela sur le site de l’Institut de Recherche de la FSU où il montre que le “glissement” vers le centre du vote des enseignants n’est pas aussi simple que cela. Selon lui, “s’il ne faut pas exclure une clarification ultérieure, ils se déterminent en fonction de leurs craintes pour le second tour et d’un désir global d’alternance”. Il reprend aussi cette analyse dans une interview à Libération

Marie-Caroline Missir revient sur un phénomène qu’elle avait déjà évoqué dans l’émission Rue des Écoles et qu’elle développe dans une chronique sur ÉducPros . Si depuis une dizaine d’années l’enseignement supérieur apprend à compter avec les fonds d’investissement, ils ont aujourd'hui un nouveau terrain d’investissement : l’enseignement primaire et secondaire. La journaliste décrit ces stratégies portées par des investisseurs internationaux : “Comment expliquer cet appétit des fonds pour l’enseignement primaire et secondaire ? Ceux-ci tablent sur une perception très dégradée de l’enseignement public par les parents et sur la saturation de l’enseignement privé sous contrat, majoritairement catholique, qui ne peut absorber les demandes des familles. Ils anticipent donc un « marché » pour un enseignement totalement privé, souvent cher, où les pédagogies alternatives type « Montessori », le bilinguisme ou le numérique sont utilisés comme un produit d’appel pour les parents. ”.
Dans une logique voisine, je conseille la lecture d’une série d’articles du spécialiste de l’éducation Graham Brown-Martin qui décrit et analyse “The Uberification of teaching”. C’est en anglais, mais ça mérite l’effort de le lire...

Dans The Conversation , on lira avec beaucoup d’intérêt , un article d’Irène Pereira sur le grand pédagogue brésilien Paulo Freire. Décédé, il y a vingt ans ce penseur est aussi un activiste qui a notamment développé une pédagogie d’alphabetisation pour les adultes. Mais il est surtout connu pour son livre Pédagogie des opprimés (paru en 68 et qui fut traduit en France par Maspero en 1974). Ce livre sera suivi en 1996 de Pédagogie de l’autonomie (Eres, 2013). Irène Pereira nous montre combien sa pensée mérite aujourd’hui d’être redécouverte et approfondie.

On termine avec une vidéo extraite du journal de France3 . La lecture obligatoire et pour tout le monde, c'est le dispositif mis en place dans ce collège de Banon, petit village des Alpes-de-Haute-Provence. Les enfants du collège, mais aussi les personnels et les profs consacrent tous les jours un quart d'heure à la lecture. Ce projet global à l’échelle d’un établissement a été aussi l’objet d’un reportage sur TFI . Ce dispositif qui a suscité énormément de commentaires positifs sur les réseaux sociaux est bien plus une innovation sur le climat scolaire que sur la lecture proprement dite. Tout un établissement orienté autour d'un but commun c'est cela qui crée une identité forte et qui va bien au delà de la (re)découverte du plaisir de la lecture.


Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

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