dimanche, décembre 13, 2015

Bloc-Notes de la semaine du 7 au 13 décembre 2015





- Élections – Laïcité - Postes - APB - Bracelets .



Le bloc notes de la semaine écoulée évoque les élections du 1er tour et la manière dont elles interpellent l’École et les éducateurs. Mais il y a eu bien d’autres sujets dans la semaine éducative. Il y a eu en effet la journée de la laïcité le mercredi 9 décembre pour célébrer, 110 ans après, la loi de 1905. Et puis plusieurs annonces ministérielles méritent notre attention. A commencer par les annonces de créations de postes pour la rentrée prochaine et aussi la réforme du système APB qui concerne tous les élèves de Terminale. Pour clore cette revue, on s’intéressera à un système de bracelets de couleur dans des collèges privés de Tours qui a provoqué quelques débats



Élections
Le premier tour a suscité évidemment de nombreux commentaires dans la presse. Parmi ceux-ci plusieurs ont pu interpeller les enseignants.
En particulier, un sondage publié dès le lundi matin montrait que les jeunes entre 18 et 30 ans avaient voté à 34 % pour le Front national au premier tour. Mais chez les 18-30 ans, 64 % des inscrits ne sont pas allés voter. C’est 14 points de plus que la moyenne nationale et c’est peut-être le chiffre le plus important des deux (en attendant les résultats des études sur le second tour). Une autre étude Ipsos/Sopra Steria sur la sociologie des électeurs montre l'attractivité du Front national chez les jeunes. C'est le premier parti choisi par ceux qui veulent s'engager en politique dans cette tranche d'âge...
Pour Laurence De Cock dans un très bon texte publié sur le blog Aggiornamento lundi dernier, tous ces chiffres doivent nous interroger sur les conditions actuelles de sensibilisation et de socialisation politiques de la jeunesse de ce pays. Pour elle “Une éducation au politique passe d’abord et avant tout par l’épreuve au quotidien des pratiques anti autoritaires et de justice dans les classes. Elle ne peut se contenter de la foi dans les vertus performatives d’un récit nationalo-républicain qui fabrique de l’illégitimité pour une partie des élèves.”.
On a eu aussi une succession de communiqués des associations et mouvements du monde de l’éducation nationale. Tous s’inquiètent des conséquences des élections. On retrouve ces inquiétudes dans unarticle du journal Le Monde qui détaille les conséquences pour les lycées d’un changement de présidence de Région. Sachant qu’environ 5 % du budget de l’éducation des régions sont consacrés aux actions éducatives, sur lesquels la marge de manœuvre des nouveaux élus pourrait s’exercer...

Laïcité
La semaine a aussi été marquée par la première journée de la laïcité le mercredi 9 décembre, 110 ans après l’adoption de la loi de 1905. Cette journée avait été décidée après les attentats de janvier et annoncée par la ministre lors de son grand discours sur les valeurs de la République le 22 janvier 2015 . Une journée qui prend un sens encore plus fort en ce triste mois de décembre. Rappelons aussi que depuis la rentrée 2013, la charte de la laïcité doit être affichée dans tous les établissements scolaires.
Cette journée de la laïcité a donné lieu à plusieurs articles, interviews d’experts et enquêtes sur ce sujet. Un sondage Ifop commandé par le Comité national d'action laïque (Cnal) (et réalisé avant les attentats) peut inquiéter. Plus de huit personnes interrogées sur dix (81%) jugent que la laïcité est «en danger» et sont favorables à l'interdiction du port du foulard islamique pour les mères accompagnatrices de sorties scolaires, 64% jugeraient utile de «proposer des menus diversifiés dans les cantines publiques, sans céder aux revendications communautaires».. Seuls 48% des sondés jugent le texte de 1905 «équitable» (l’ont-ils lu ? le sondage ne le dit pas) tandis que 38% l'estiment dépassé. Ils sont 59% à le trouver «utile».
Parmi ces sondés, 43% justifient leur réponse en affirmant qu'«il y a de plus en plus de personnes qui portent des signes religieux ostensibles» et 34% «parce que certains veulent que l'Etat subventionne la construction de mosquées» (deux réponses possibles).
La laïcité à l’École mérite d’être réaffirmée et surtout expliquée. Car elle semble être interprétée de différentes manières. Et ce qui rajoute à la difficulté, nous rappelle Le Monde c’est que les règles sont à géométrie variable entre l’École et l’Université. Comme le souligne un article du Figaro, le brutal retour de cette question à la une de l'actualité a laissé certains adultes, enseignants et parents bien démunis. «Un des raccourcis qui est souvent fait, c'est que la laïcité française n'accepte pas les différences», note une déléguée FCPE. Les adultes ont alors du mal à défendre ce principe qu'ils comprennent mal, ou qui leur semble léser certaines personnes.
Jean Baubérot, spécialiste de la laïcité, interviewé par Le Monde donne des éléments de réflexion qui permettent, me semble t-il d’éviter les pièges. “Après les attentats de janvier, les enseignants se sont retrouvés en difficulté face à des élèves qui s’étaient construit une mauvaise image de la laïcité, qu’ils voyaient comme un concept s’opposant à la religion. Dans les débats politico-médiatiques, on en a parlé comme d’un catalogue d’interdits, on en a fait le synonyme de la neutralité religieuse, ce qui n’est pas le cas. […] Jusqu’ici, la laïcité était abordée de manière moins formelle, en cours d’histoire en abordant les lois édictées par Jules Ferry, ou en cours d’instruction civique. Depuis la rentrée, elle est abordée dans le cadre des heures d’enseignement moral et civique, ajoutées par le gouvernement aux programmes scolaires. Celles-ci abordent la laïcité en mettant l’accent sur sa définition fondamentale : la liberté de croire ou de ne pas croire. C’est important d’insister sur cette définition car les terroristes cherchent justement à attaquer cette liberté de conscience. Aujourd’hui, les querelles sur les menus de substitution à la cantine, sous couvert de laïcité, sont contre-productifs. C’est une forme de laïcité rabougrie qui dresse les Français les uns contre les autres. La laïcité est avant tout un combat rassembleur pour la liberté et l’égalité de chacun, quelle que soit sa croyance. Ce recentrage sur les fondamentaux est selon moi la seule manière de faire en sorte que ce concept soit audible pour les élèves.”. Pour clore sur ce chapitre, allons demander aux élèves ce qu’ils en pensent. Caroline Beyer dans Le Figaro nous raconte la visite de Najat Vallaud Belkacem au collège Matisse, dans le 20e arrondissement parisien. «C'est quoi la laïcité?» demande la ministre. «Aller à l'école sans avoir honte de sa religion», «ne pas faire de discrimination entre les personnes pour leur religion, leur culture», lui expliquent les élèves...

Postes
L’autre gros morceau de la semaine ce sont les annonces pour la rentrée scolaire 2016 ? Celle ci sera marquée par la création de 6.639 postes de personnel éducatifs, surtout dans le primaire, la hausse démographique dans le secondaire et l'accompagnement de la réforme du collège, a annoncé mercredi .le ministère dans un communiqué. L'école primaire bénéficiera de 3.835 postes supplémentaires pour 533 élèves de moins, précise le texte (soit 58% des moyens attribués). Cela devrait permettre de rattraper le retard pris dans l’accueil des tout petits et « le plus de maîtres que de classes » Le secondaire, quant à lui, disposera de 2.804 nouveaux postes sur les 4.000 prévus en deux ans pour mettre en place la réforme du collège Encore faudrait-il que cela soit bien repéré par des dotations clairement identifiées pour dissiper enfin complètement les accusations d’une réforme à l’économie. Il faudra aussi tenir compte du “baby boom” de l’an 2000 et de l’arrivée de classes d’âge nombreuses en lycée.
Source : Ministère de l'Éducation Nationale
Quelles seront les académies les mieux loties ? . Le volet le plus important de créations de postes revient à l'académie de Créteil qui cumule les difficultés et qui franchit le seuil symbolique des 1000 postes (650 dans le primaire, 465 dans le secondaire) et à celle de Versailles (500 dans le primaire, 370 dans le secondaire). En revanche, les académies de Caen, de la Martinique et de la Guadeloupe auront à faire face à des suppressions de postes.
Il faut noter que depuis l'année dernière l'attribution des postes tient compte outre le nombre d'élèves d'un critère social pour «renforcer l'accompagnement des élèves les plus fragiles scolairement et socialement», rappelle le ministère, mais aussi d'un critère territorial «pour mieux prendre en compte les besoins de la ruralité». C’est maintenant dans les rectorats que va se traiter la répartition de ces moyens. En espérant que ce seront les mêmes critères sociaux et territoriaux qui prévaudront.
Début de polémique ? Selon Le Monde , la répartition des 6 639 créations de postes pour la rentrée 2016 a été annoncée par communiqué un peu plus tôt que d'habitude (comité technique ministériel prévu le 17 décembre). Pour certains syndicats, l'avancée de l'agenda aurait des visées électoralistes et serait dictée par les élections régionales. On annonce les postes tardivement, tout le monde proteste. On les annonce plus tôt, on râle aussi... Et franchement, qui peut penser sérieusement que quelqu'un va changer subitement son vote et voter pour la gauche à cause de cette annonce?

APB
Autre information importante de la semaine écoulée : la réforme du système APB. Cela concerne tous les lycéens actuellement en Terminale. APB (pour “Admission Post-Bac”) est le dispositif qui permet d’affecter les lauréats du bac dans l’enseignement supérieur en fonction de leurs vœux. Un système qui a montré ses limites.
Les changements annoncés par la ministre dans une interview au Parisien et sur le site du Ministère visent à désengorger les filières dites «sous tensions» qui conduisent des étudiants à se retrouver sans affectation en début d'année, ou dans des voies qu'ils n'ont pas choisies, par manque de place. Pour faire mieux coïncider l'offre et la demande, il sera désormais demandé aux candidats de choisir dans leurs vœux au moins un cursus « non sélectif » et pas surchargé. Le ministère promet aussi de mieux informer les jeunes sur les filières méconnues mais porteuses. Par ailleurs, ceux qui se destinent à des voies surchargées devront opter non plus pour une fac, mais pour une matière (par exemple psycho), et classer ensuite, à l'intérieur de ce vœu, les lieux qui dispensent cette formation dans son académie par ordre de préférence. Les jeunes des académies de Créteil, Paris et Versailles, eux, seront susceptibles de se voir proposer une place dans toute l'Ile-de-France. Va y avoir du (tran)sport...

Bracelets
C’est la radio Europe1 qui a révélé cette “affaire” qui a déclenché le buzz et du débat dans le petit monde de l’éducation.
Les collèges privés “Christ-Roi" et Ste Jeanne d'Arc” à Tours ont décidé d'instaurer un système de bracelets de couleur pour distinguer les élèves disciplinés et ceux qui le sont moins. Les couleurs différentes donnent donc des droits différents dans l'établissement selon le degré de responsabilité. Un bracelet jaune donne droit de se faire prêter une clé par un adulte, un vert ouvre l’accès à une salle pendant la pause déjeuner. Un bracelet rouge en revanche interdit de se présenter comme délégué de classe.
Toujours sur Europe1 cette information a même eu les honneurs de “la morale de l'info” la chronique de Raphael Enthoven sur cette radio. Le philosophe donne son avis sur ce qu'il considère comme un dévoiement de la motivation où on enferme les enfants dans le regard d’autrui. “A quoi sert-il de lutter contre le port de signes religieux à l’École, si c’est pour leur substituer le port de signes vertueux ?” demande t-il.
A mon humble avis, il s'agit en effet d'une perversion ou en tout cas d'une mauvaise lecture du principe des “ceintures” développé par Fernand Oury (et qui d'ailleurs ne s'appliquent pas qu'au comportement mais à toute forme d'apprentissage). Dans le système des ceintures de comportement, il y a en effet des “droits” différents selon la ceinture obtenue (le droit d'aller lire un livre quand on a fini, le droit de sortir, etc.). Mais cela ne se traduit pas par un signe ostensible (et qui risque d'être stigmatisant). Il s'agit d'un contrat passé entre l'enseignant et l'élève et la motivation sur laquelle on joue est celle de sa propre amélioration personnelle (comme un défi à soi même). Elle ne repose pas sur le contrôle social et le regard des autres...
Alors qu’un article du Parisien titre sur “le retour des bons points à l’École ” en confondant ensuite la forme surannée des “bons points” avec le développement de pratiques visant à encourager et valoriser, cela nous montre que si la question de la motivation est au cœur de l’acte d’apprentissage, il peut y en avoir des mésusages. Plutôt qu’une motivation “extrinsèque” fondée sur des récompenses ou le regard des autres, il faut viser plutôt une motivation “intrinsèque” où celui qui apprend trouve sa motivation dans une volonté de progresser avec l’aide bienveillante de l’adulte.
La bienveillance est une nécessité et ne peut se réduire aux caricatures faites par quelques adversaires de la pédagogie et aux dévoiements de ceux qui lisent trop vite...

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

samedi, décembre 05, 2015

Bloc-Notes de la semaine du 30 novembre au 6 décembre 2015





- Mixité – École-Entreprise - Décrochage - Menaces - .



Le bloc notes de la semaine s’intéresse à un rapport parlementaire sur la mixité sociale à l’École. On évoque aussi les annonces faites par la Ministre sur le rapprochement École-Entreprise ainsi que la lutte contre le décrochage. Et on aborde aussi, avec circonspection, les menaces proférées par les terroristes contre l’École Française.





Mixité
Le rapport parlementaire «les politiques en faveur de la mixité sociale dans l’Education nationale»,remis par les deux députés Yves Durand(PS) et Rudy Salles (UDI) a été peu commenté dans la Presse. Seul un article de Libération l’évoque. Pourtant il me semble important à commenter. Notamment parce qu’Yves Durand est un député influent dans le domaine de l’éducation et qu’il est en particulier chargé du comité de suivi de la refondation. Et ce que dit ce rapport (téléchargeable sur le site de l’Assemblée Nationale ) est ambivalent.
D'un côté il distingue bien (ce qui est essentiel) la mixité et l'hétérogénéité : on peut avoir de la mixité sociale dans un établissement et pas d'hétérogénéité dans les classes (cf. la polémique actuelle sur le Collège). Les deux rapporteurs préconisent donc surtout plus d'hétérogénéité. Ce qui se situe dans le prolongement des travaux récents du CNESCO sur ce sujet qui avait identifié des pratiques de « ségrégation active » au sein des établissements.
Mais d'un autre côté, on ne peut s'empêcher de voir certaines des conclusions comme une sorte de renoncement. Quand on écrit «la mixité sociale est un objectif incertain», qu’elle ne peut être «une fin en soi» et surtout pas «l’alpha et l’oméga de la politique scolaire», ça pose quelques questions... Et ça rentre en contradiction avec les déclarations de la Ministre sur le perron de Matignon le jeudi 22 janvier 2015. Dans ce discours important et qui venait après les attentats de janvier, Najat Vallaud-Belkacem annonçait onze mesures dans le cadre d’une grande mobilisation pour les valeurs de la République. La huitième intitulée “Renforcer les actions contre les déterminismes sociaux et territoriaux ” déclarait en particulier qu'“une politique active de mixité pour agir sur la composition des collèges sera mise en place grâce aux nouvelles dispositions législatives et réglementaires.” et annonçait que “ de nouveaux secteurs de recrutement des collèges seront définis pour y regrouper plusieurs établissements là où c’est pertinent.” Et que “ les directions des services départementaux de l’Éducation nationale mettront en place une procédure d’affectation des élèves permettant de renforcer la mixité sociale des établissements des nouveaux secteurs de recrutement.”. Dans la même période, on se rappelle que Manuel Valls dénonçait avec des mots très forts “l’apartheid social”.
On peut aussi s’interroger sur l’usage et l’interprétation d’un tel rapport quand le député Rudy Salles ajoute : «L’école n’a pas vocation à réparer les fractures que la société ne parvient pas à réparer. Autrement dit, l’école n’a pas à faire de la mixité là où les politiques du logement ont échoué.» Ou encore : «La mixité sociale n’est pas l’objectif prioritaire, mais c’est peut-être, éventuellement, un moyen d’arriver à la réussite pour tous.»
Ce rapport est-il un retour à une ambition plus modeste ? Ou le signe d’un début de renoncement sur un des enjeux pourtant majeur de la lutte contre l’exclusion ? Il y a en tout cas de vraies questions qui sont posées et qui mériterait un débat de plus grande ampleur.

École-Entreprise
La ministre de l'Education Najat Vallaud-Belkacem a détaillé mercredi 2 décembre ses mesures pour ouvrir davantage l'école au monde du travail. La presse passe en revue les principaux dispositifs préconisés. On en trouve une présentation détaillée dans L’Express et surtout dans Les Échos à qui la Ministre a donné une interview. Ses propositions s’appuient notamment sur les recommandations du Conseil national éducation-économie (CNEE) et d'un rapport de Christiane Demontès, ancienne sénatrice PS et cheffe de la mission évaluation des partenariats de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur avec le monde économique pour l'insertion professionnelle des jeunes. Ce rapport a été remis le 30 octobre dernier.
"L'école doit avoir un horizon plus vaste que la porte de la classe" déclare la ministre pour justifier ce rapprochement École-entreprise. Mais, au delà de ces grands principes, la Ministre fait des annonces dans plusieurs domaines : le stage de troisième, la formation des enseignants et des chefs d'établissement, et l'orientation.
Le stage de troisième en entreprise fait l’objet de toutes les attentions. "Son utilité est avérée, mais pour qu'il soit pleinement utile aux élèves, il faut en améliorer la préparation, c'est-à-dire avant même qu'ils se mettent à en chercher un, aborder avec eux des sujets comme les codes de l'entreprise, les techniques de recherche d'un stage, ce qu'on entend par stage d'observation, etc.", explique Najat Vallaud-Belkacem . Une formation en ligne sera créée, à destination des tuteurs de stage. Les stages seront étalés durant toute l’année scolaire. On prévoit aussi 330 pôles pour démarcher les entreprises. "Ce sont des 'brigades' constituées de plusieurs chefs d'établissement et chefs de travaux, installées à l'échelle d'un bassin d'emploi, et destinées à trouver des stages à ceux qui n'ont pas de réseau personnel", détaille la ministre. Chaque pôle se verra adjoindre les services de deux jeunes en service civique.
Le stage obligatoire en entreprise pour les chefs d'établissement, en vigueur entre 1989 et 1984, "à l'époque où leur formation s'étalait sur deux ans", va être rétabli. D'une durée d'une semaine, il sera inclus dans leur formation initiale. Il y aura la même obligation pour les inspecteurs (même s’il me semble qu’elle existe déjà). En revanche aucune obligation pour les enseignants. Ceux ci seront simplement incités à en faire.
Dans le cadre de la réforme du collège, la “découverte professionnelle 3h” (DP3) est supprimée. Elle sera remplacée par le “Parcours Avenir” (qui est déjà rentré en vigueur). Il se manifeste sous deux formes : une dimension disciplinaire avec des outils pédagogiques pour que, par exemple, un professeur de français comme d’anglais soit capable de proposer à ses élèves des exercices autour du monde professionnel. Cette dimension devrait être renforcée avec l’EPI “Monde économique et professionnel”. La deuxième dimension est structurée autour de l’élaboration d’un projet personnel et professionnel. Il faudrait que chaque collègien puisse, pendant sa scolarité avoir accès au moins à une visite d'entreprise, une rencontre avec un professionnel, un stage, participe à un projet concret de type mini-entreprise ou concours.
La relation entre le monde économique et l’École est un sujet hautement inflammable. Presque autant que la laïcité (c’est peu dire) ! Pour beaucoup l’École est vue comme une sorte de sanctuaire qui devrait être préservé de l’influence de l’économie comme elle l’est de la politique ou de la religion. Et la notion d’employabilité est diabolisée dans toute une partie de la littérature consacrée à l’analyse du système éducatif. Or, dès le début de l’École Républicaine, la préparation à la vie professionnelle fait partie des objectifs assignés à l’École avec la transmission des connaissances et l’éducation des citoyens. Durkheim, un des penseurs de l’école de la République, énonçait ainsi ce triple rôle : à la question « pourquoi l’école et pour quoi l’école ? » il répondait : «pour former la personne, le citoyen et le travailleur».Et Freinet, lui même défendait ce rôle d’insertion de l’École (voir un billet de JM Zakhartchouk qui le rappelle).
Mais évidemment, la liaison Ecole-Entreprise ne peut se faire à n’importe quelles conditions. Et il faut être prudent sur un certains nombre de dérives possibles. D’abord il faut rappeler que le monde des entreprises ne se limite pas à la seule logique des entreprises privées très (trop) présentes dans ces partenariats. Il existe aussi tout un secteur qui fonctionne avec d’autres modèles de gouvernance et un horizon autre que la seule logique du profit c’est tout le secteur de l’Économie sociale et solidaire (ESS). Il serait bon que les dispositifs mis en place ne l’oublient pas. Tout comme il est utile de rappeler que le secteur public (et les fonctionnaires) sont créateurs de richesses. Il faudrait aussi qu’on prenne un peu plus conscience que “l’esprit d’entreprendre” ne se limite pas au seul monde de l’entreprise et peut s’exprimer dans des initiatives citoyennes ou coopératives qu’il faut aussi encourager. Enfin, il est utile de rappeler que l’enjeu n’est pas de “faire aimer” l’entreprise (je l’ai déjà écrit ). Or, c’est trop souvent ce qui est sous-jacent dans les actions menées par les lobbys patronaux. L’enjeu de l’enseignement c’est de transmettre des savoirs et de forger des compétences. Des savoirs qui permettent d’agir sur le monde et la société . Connaitre l’entreprise est important mais pour y agir et y travailler en connaissance de cause et avec un regard critique. Quant aux compétences, j’emprunte à mon ami Philippe Frémeaux ancien directeur d’Alternatives Économiques et responsable de SCOP, ce qu’il écrivait en 2013 (et qu’on retrouve à la fin d’un de mes billets ). “ L'enjeu est plus profond et tient d'abord aux valeurs et aux méthodes que l'école française a trop longtemps portées et porte trop souvent encore : la soumission à l'autorité, la transmission de haut en bas de savoirs incontestables, la faible valorisation de l'initiative, l'absence de travail collectif. Si l'on veut que l'école encourage l'esprit d'entreprise, il faut au contraire qu'elle valorise et développe l'autonomie des élèves, leur prise d'initiative, leur sens critique, aussi bien individuellement qu'en groupe, car l'entreprise qui réussit n'est pas seulement une aventure individuelle mais le fruit d'un projet collectif.

Décrochage
Exclusif: «Le nombre de décrocheurs a chuté de 20% en cinq ans»”, c’est le titre de 20minutes le 30 novembre dernier avec à la clé, là aussi, une interview de la Ministre. Il faut dire que la lutte contre le décrochage a fait l’objet de nombreuses mesures depuis 2012. C’est l’une des priorités du quinquennat en matière d’éducation.
Le nombre de décrocheurs a chuté de 20 % en cinq ans. Alors qu’en 2010, 136.000 jeunes décrochaient chaque année et que ce chiffre sonnait comme une fatalité depuis dix ans, on estime aujourd'hui les décrocheurs à 110.000, soit 26.000 de moins « en flux ». L’objectif présidentiel de parvenir à 67.500 d’ici à 2017 est donc possible. On est d’ores et déjà passé sous la barre des 10% de jeunes sans diplômes. Toutefois, comme le rappelle Libération , ces bons chiffres sont à nuancer car ils sont aussi le résultat, d’une amélioration de la mesure du phénomène (ce que la ministre a eu d’ailleurs l’honnêteté d’indiquer d’entrée de jeu.)
Certains pourront voir dans cette annonce une manœuvre à quelques jours d’une élection. Il faut rappeler que les principales mesures avaient été annoncées il y a un an jour pour jour et qu’il est donc logique d’en faire le bilan un an après. Dans chaque établissement a été nommé un “référent décrochage”. Cela n’a pas toujours eu des effets immédiats mais cela a le mérite de mettre cette question trop souvent ignorée à l’agenda. La création de nouveaux “micro-lycées” et autres structures pour décrocheurs avec une pédagogie adaptée va dans le même sens. Le droit de retour à la formation doit être mieux connu encore. C’est l’objectif de la plateforme de suivi et d’informations du gouvernement à destination des jeunes en décrochage, sur Reviensteformer.gouv.fr et au 0800 122 500.
La lutte contre le décrochage est loin d’être gagnée malgré ces chiffres encourageants. Même si c’est affirmé comme une des priorités au niveau national, c’est loin de l’être, semble t-il, dans le quotidien de la plupart des établissements. Cela passe par une prise de conscience et une formation à ces problématiques permettant aux enseignants de repérer les signes avant-coureurs du décrochage et plus et mieux personnaliser et différencier les apprentissages. Il va falloir... s’accrocher !

Menaces
L’Etat islamique appelle à « tuer » des enseignants” c’est le titre d’un article du journal Le Monde . C'est le quatrième média (après Slate , La Croix et Le Figaro ) qui relaie ce qu'il faut bien appeler une "info". Dans mon travail de veille, même si je sélectionne, je ne peux pas complètement l'occulter. Mais avec un vrai dilemme : doit-on relayer cette information au risque de faire de la “publicité” aux délires de cette organisation et alimenter ainsi le climat de peur et de paranoïa actuel ?
C’est Slate.fr qui fut le premier à consacrer un article à cette information. Reprenons ce que le journaliste Robin Verner nous explique. Dar Al Islam, le magazine francophone de l’EI (en ligne...) propose donc dans son numéro 7 un dossier autour de la question de l’éducation en terres «d’incroyance». Il faut dire que les choses sont simples pour les militants salafistes de l’EI: l’éducation obligatoire française ne vise qu’à abrutir les enfants, à les avilir pour «imposer le mode de pensée corrompu de la judéo-maçonnerie» les rendre «esclaves des vrais maîtres de l’Occident: les juifs corrupteurs».L’article se déchaine surtout contre la Charte de la laïcité rebaptisée «la Charte de la mécréance». 
Et les auteurs de l’article dénoncent aussi tout le reste : de l’alimentation scolaire à la démocratie (décrite comme «une fausse religion») en passant par la mixité, l’interdiction du voile, ou encore la tolérance et l’égalité: «Dans les écoles de la jâhiliyah (ignorance ou paganisme, ndlr), sont enseignés la tolérance, le respect des valeurs républicaines et le pluralisme des convictions». Ce qu’évidemment il faut rejeter. Dar Al Islam s’en prend aussi à la théorie de l’évolution, dans la plus pure tradition créationniste. Le magazine intime aux parents musulmans l’ordre de retirer leurs enfants des écoles françaises... voire de tuer les professeurs y enseignant la laïcité.
Les menaces contre l’école ne sont pas nouvelles. Mais pour un expert de la propagande djihadiste, interrogé par la Croix , il est important de ne pas sombrer dans la psychose, qui est recherchée par les terroristes. «Ils ont conscience de l’importance de l’école en France. Leur but est de semer la panique. Ils sont dans une guerre psychologique contre nous.» 
Ces menaces nous appellent à la vigilance mais nous rappellent surtout le rôle essentiel de l’École. On peut à cette occasion se souvenir de cette citation : "L'éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde". 
Elle est de Nelson Mandela... Décédé il y a 2 ans jour pour jour, le 5 décembre 2013.

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

dimanche, novembre 29, 2015

Bloc-Notes de la semaine du 23 au 29 novembre 2015





- Bulletins de notes – Changer les maths- Et le Collège ? - .



Même si l’actualité “normale a du mal à retrouver son souffle, on peut trouver dans la semaine qui vient de s’écouler des informations qui nous éloignent des suites du drame et nous ramènent à des débats classiques et actuels. C’est le cas avec la publication du rapport de l’OCDE “Regards sur l’Éducation 2015” et les recommandations du CNESCO sur l’enseignement du calcul et des mathématiques. C’est aussi le cas avec la polémique sur la réforme du Collège 2016 qui reprend mais sans beaucoup d’échos dans la Presse.





Bulletin de notes de la France
La publication mardi 24 novembre dernier par l’OCDE, de “Regards sur l’Éducation 2015” a donné l’occasion de reparler de l’éducation sous un autre angle que celui des attentats. D’autant plus que cette publication est particulièrement riche et offre plusieurs angles aux commentateurs. Le magazine Challenges en offre un résumé rapide pour ceux qui ne veulent pas en lire l’intégralité. D’autres articles développent un aspect ou l’autre de ce rapport qui est une sorte de “bulletin de notes” de l’École Française.
Commençons par un apparent paradoxe. La France dépense plus que la plupart des pays riches pour ses maternelles. Elle y consacre quelque 0,7% de sa richesse nationale, contre 0,6% dans les autres pays de l’OCDE. Mais, surprise, la dépense par enfant y est plus faible qu’ailleurs, de l’ordre de 6.545 euros contre une moyenne de 7.520 euros pour ses homologues de l'OCDE. Explication: la quasi-totalité des petits Français de 3 ans sont scolarisés, contre moins de trois quart dans les autres pays de l’OCDE, ce qui fait grimper la facture finale. Ce focus sur la maternelle permet de mettre en avant cette spécificité française que beaucoup de voisins nous envient. Le même jour que la publication du rapport se tenait d’ailleurs un colloque organisé par le SNUipp où était rendu public un sondage montrant que 85 % des Français – et 79 % des enseignants – estiment que la « première école » fonctionne plutôt bien et mieux que par le passé. Un colloque qui a aussi permis de dire que les professionnels trouvaient les nouveaux programmes «plus équilibrés, plus lisibles et plus opérationnels».
L’autre gros morceau du rapport de l’OCDE, abondamment repris, est la question du temps des apprentissages. On nous confirme que l’école primaire française est celle du monde où les enseignements sont les plus concentrés. Les élèves n’ont que 162 jours de cours par an, contre 185 dans les autres pays riches. Ils étudient plus que les autres avec 864 heures de cours par an en primaire, contre 804 heures en moyenne dans les autres pays de l’OCDE, et 991 heures au collège, contre 916 heures. Contrairement aux idées reçues, les enseignements de base (appelés aussi “fondamentaux”) occupent une place centrale. Quelque 37% du temps d’instruction en primaire est consacré à la lecture et l’écriture, soit le taux le plus élevé des pays riches!
Mais pour quel résultat ? Jean-Marc Vittori, éditorialiste des Échos résume la situation en quelques phrases chocs : “Les écoliers français travaillent. Ils travaillent même beaucoup. Mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. […] Les jeunes passent plus de temps à l'école en France que dans la plupart des pays avancés. Et ils consacrent 58 % de ce temps à apprendre à lire, à écrire et à compter, la proportion la plus élevée de tous les pays de l'OCDE où la moyenne est de 37 %. Jusque là, tout semble aller bien, car il y a une excellente raison à cet effort : la maîtrise des mots et des chiffres est au fondement de l'éducation. […] Sauf que cet effort est vain. Malgré ces centaines d'heures supplémentaires sur les bancs de l'école pour consolider les « apprentissages fondamentaux », les Français ont des résultats à peine dans la moyenne dans les comparaisons internationales de niveau en littératie et numératie. Et ces résultats sont particulièrement dispersés . En bon français, on dirait que l'école française n'est pas efficace. Mais en France, on n'aime pas accoler ces deux mots. Quitte à se rassurer en constatant que les meilleurs sont toujours excellents. C'est une erreur dramatique. A l'ère numérique, il faut mobiliser tous les talents, et plus seulement ceux d'une petite élite.”. Il faut rajouter à cela, le constat, là aussi déjà connu, que nous livre l’OCDE : la France ne dépense pas assez pour le Primaire.
La France ne dépense pas non plus assez pour ses profs. Là aussi, ce n’est pas un scoop. L’OCDE a déjà donné de nombreuses statistiques en ce sens. Même si la rémunération des profs du secondaire est proche de la moyenne de l’OCDE, c’est le salaire des enseignants du primaire qui est insuffisant. Ceux-ci touchent des rémunérations inférieures de 12% par rapport aux enseignants des autres pays. Alors qu’aujourd’hui en France, le niveau de recrutement est le même que pour le secondaire, cet écart est encore plus insupportable et même scandaleux.

Changer les maths
Les 12 et 13 novembre à Paris se tenait une conférence de consensus sur la numération organisée par le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco). Jeudi 26 novembre, l’organisme a présenté ses conclusions pour améliorer l’enseignement des maths dans les petites classes.
Alors qu’à ce jour, 40 % des élèves quittent le primaire avec des lacunes, voire de graves difficultés dans cette matière, l’instance née de la loi de refondation de l’école préconise une évolution des pratiques quotidiennes des enseignants. Pour aider les enfants à se représenter les nombres, les professeurs d’élémentaire sont ainsi invités, comme le font ceux de maternelle, à recourir à la « manipulation » d’objets et à “donner du sens” aux nombres . De même les élèves doivent d’abord être capables d’exprimer les nombres à l’oral avant d’apprendre à les écrire. Ce qui, au passage, est plus difficile en français “de France” où on dit soixante-dix au lieu de septante... Enfin, le jury suggère que les enseignants doivent s’allier aux parents en les encourageant à proposer à leurs enfants des situations ludiques d’apprentissage. Enfin, le Cnesco insiste aussi sur la nécessité de mieux intégrer les résultats de la recherche dans les programmes. Il accorde aussi une grande attention à la formation initiale des enseignants du premier degré. De fait, 80 % des professeurs des écoles sont plutôt de formation littéraire et n’ont pas suivi de cursus scientifique dans l’enseignement supérieur.
Signalons pour clore ce chapitre un article de Louise Tourret dans Slate.fr où, en s’appuyant sur les travaux du CNESCO, elle donne “quelques trucs à savoir avant de décréter que vous êtes nul en maths ”. Un vrai article de vulgarisation utile d’abord aux parents mais aussi aux enseignants !

Et le collège ?
Après sa parution au journal officiel le 24 novembre, cette semaine a vu aussi la publication au Bulletin officiel spécial n°11 du 26 novembre 2015 des Programmes d'enseignement du cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2), du cycle de consolidation (cycle 3 : CM1, CM2, 6ème ) et du cycle des approfondissements (cycle 4 : 5ème, 4ème, 3ème). Ce sont donc tous les programmes du CP à la troisième qui se trouvent modifiés à la suite des travaux du CSP et de la consultation qui a suivi.
Même si la question des programmes n’est pas au cœur de la contestation, cela nous amène à prendre des nouvelles de la réforme du Collège. Au grand dam des opposants, les actions de lutte contre cette réforme ne font plus les gros titres de la Presse. On évoque, ici ou là dans la presse régionale, quelques actions mais peu d’articles dans la presse nationale. L’action du SNALC appelant à contourner la réforme est évoquée dans le Café Pédagogique. Son rédacteur en chef remarque que pour “abroger la réforme de l’intérieur” (comme le dit le tract syndical), il va falloir que le syndicat entre dans le jeu de la réforme en participant aux conseils pédagogiques honnis jusque là et en trouvant des appuis au sein du conseil d’administration.
L’action concurrente “GrainS de sable” du SNES-FSU visant à bloquer et perturber les formations trouve peu d’écho en dehors de la presse syndicale et des réseaux sociaux. Du coup, certains font feu de tout bois... Ainsi un responSable du SNES-Marseille a répondu favorablement à une interview du polémiste de plus en plus d’extrême droite Jean-Paul Brighelli dans son blog hébergé par Le Point . Celui-ci insiste en préambule sur leur convergence de vues.
Cette initiative n’est pas sans poser des questions à un certain nombre de militants sincèrement opposés à la réforme du collège mais inquiets de ces dérapages. Quand les digues sautent, les grainS de sable risquent d’être balayés...

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

dimanche, novembre 22, 2015

Bloc-Notes de la semaine du 16 au 22 novembre 2015





- Jours d’après – Mauvais élèves - Analyses - Reprise - .



Il n’y a pas eu de bloc notes la semaine dernière. Pourtant, il était quasiment prêt avec déjà des bouts d’analyse sur de nombreux sujets. Et puis, bien sûr cette soirée tragique a tout bouleversé et a rendu toutes les autres actualités et les petites polémiques dans l’éducation bien dérisoires. Une semaine après, les suites des attentats occupent encore toute l’actualité y compris éducative. Même si on voit quelques sujets resurgir, on attendra encore avant de les évoquer.





Le lundi et les jours d’après
Travailler c’est aussi une forme de deuil. Ou du moins un moyen de tenir à distance ses propres émotions. Dans la sidération, l’accablement, la douleur, les enseignants ont au cours de ce week-end très particulier préparé individuellement ou collectivement la journée de lundi, et cherché comment accueillir les élèves, dialoguer, les rassurer tant bien que mal, répondre à leurs questions. Il faut lire sur leurs blogs, les réseaux sociaux ou dans la presse, les témoignages de ces enseignants, émus et fiers à la fois qui disent ce qu’ils ont tenté de faire avec leurs élèves et combien les réactions de ceux ci les ont émus et impressionnés. Ce fut mon cas, comme ce fut le cas de beaucoup.
Les revues de presse de lundi et celle de mardi ont recensé un grand nombre de ces réactions et comptes rendus. On pourra y trouver aussi de nombreuses ressources produites et mutualisées dans une certaine urgence (même si, malheureusement, il y avait déjà l’expérience des attentats de janvier). Les Cahiers Pédagogiques y ont contribué avec un recensement des ressources et une réflexion sur la pédagogie à mener . Ces deux pages ont connu un record de fréquentation, ce qui montre bien qu’elles ont correspondu, avec d’autres, à un réel besoin. Les retours des enseignants montrent aussi que la manière dont se sont gérés ces moments a varié d’un établissement à l’autre. Dans certains collèges ou lycées, cela a été l’occasion d’un travail collectif entre enseignants avec un réel accompagnement des personnels de direction. Dans d’autres plus nombreux, semble t-il, les enseignants ont été livrés à eux mêmes.
Toutefois, d’une manière générale, la minute de silence n’a pas donné lieu à beaucoup d’incidents. Cela tient, comme le disent de nombreux commentateurs et acteurs de ce moment , à la nature de ces attentats : le clivage n’a pas eu lieu et ceux qui n’étaient pas “Charlie” n’ont pas eu cette fois ci la même position. Mais il faut aussi souligner que les instructions données par le Ministère ont été beaucoup plus subtiles et semblent tirer les leçons de janvier. Dans sa lettre , la ministre a rappelé la nécessité de ne pas “plaquer” une minute de silence sans un travail préalable et un nécessaire moment d’expression et de dialogue. On invite même à relativiser d'éventuelles provocations. Il faut quand même signaler que malgré ces précautions ministérielles, les instructions au niveau des rectorats et dans les établissements n’ont pas toujours eu la même tonalité...
On ne peut cependant qu’être d’accord avec l’enseignant blogueur Lucien Marboeuf qui rappelle qu’en janvier l’École avait été au centre de tous les débats et les critiques en raison de quelques incidents (surévalués ?) lors de la minute de silence. On avait même eu droit à une commission d’enquête sénatoriale sur ce sujet... ! Aujourd’hui, on peut à l’inverse être fiers de notre école” comme le dit Louise Tourret . Le débat s’est déplacé vers d’autres questions et l’École n’est plus au centre de toutes les attentions. Même si l’école n’a pas besoin qu’on la félicite, comme le dit Lucien Marboeuf, il faut saluer l’engagement des enseignants dans ce moment difficile. Cela montre aussi qu’avant de “transmettre” et d’apprendre, il est nécessaire de rassurer et de créer la sécurité nécessaire aux apprentissages.

Mauvais élèves
En janvier, on mettait en garde à vue des gamins qui ne respectaient pas la minute de silence... Qu'en sera t-il avec les députés ?
La séance des “Questions au Gouvernement” (QÀG) du mardi 17 a donné lieu à un “triste spectacle”. Comme le raconte Le Monde : “Des huées à n’en plus finir, des commentaires vociférés à pratiquement chaque prise de parole de Manuel Valls, des prises de parole polémiques… […]Quant à Christiane Taubira, elle n’a même pas eu le temps de commencer à répondre au député socialiste Patrick Bloche (Paris) qu’un « Bouuuuh » puéril s’est élevé des bancs de droite
Si la nouvelle matière qu’est l’Enseignement Moral et Civique est fondée en grande partie sur une pédagogie du débat, je propose alors qu'on évite d'utiliser en classe les vidéos des QAG pour illustrer cette pratique...
Les députés vus par Daumier...
Ce comportement si peu exemplaire a énervé plusieurs enseignants blogueurs. C’est le cas de Lucien Marboeuf déjà cité . Et c’est aussi celui de Mara Goyet qui leur fait une impeccable leçon de morale civique sur son blog hébergé par Le Monde. . Mara se transforme en “Père Duchesne” (!) et interpelle les députés : “Ces derniers jours, il y avait un "deuil national". Ça supposait de modifier un peu ton comportement, de faire preuve de tact, de changer un chouïa tes habitudes, bref, de te tenir, sinon bien, du moins mieux. Je ne sais pas si tu le sais mais les enfants te regardent. Oui, ces enfants pour lesquels tu ne dois pas avoir de mots assez durs quand ils dérapent gravement lors des minutes de silence, livrés à des profs fonctionnaires laxistes et gauchistes. Ils te regardent.[...] Et à qui ils les posent, ces questions ? Eh bien, parfois, à nous, les profs. Et là, tu vois, c'est pas sympa de ta part, on est bien emmerdés : l'Etat ne nous paie pas pour qu'on explique à des enfants que certains députés manquent totalement de sens de la dignité, de la décence et de la tenue, que certains élus se tiennent comme des idiots et vont ensuite faire la morale à tout le monde.

Analyses
Comme nous le disions plus haut, pour l’instant il y a peu d’analyses sur ce qui s’est passé qui intègrent l’École.
François Dubet dans Le Café Pédagogique tient d’ailleurs à remettre les choses à leur place et à écarter la responsabilité de l’École : “Il faut cesser de mettre l'école au 1er rang de nos accusations et de nos réponses. Elle n'est pas responsable de ce qui se passe et ne peut pas à elle seule faire que des assassins venus de Syrie ne tuent pas un peu partout dans nos rues. L'échec scolaire n'est pas explicatif. Il faut se rappeler que les auteurs du 11 septembre étaient de brillants ingénieurs. Il faut admettre que ce terrorisme est d'abord la manifestation d'une guerre. L'inégalité scolaire, la ségrégation sont des facteurs contre quoi il faut se battre. Mais c'est absurde de penser que c'est la cause du terrorisme. ”. Dans ce contexte, pour le sociologue le rôle de l’école “ça va être de se présenter comme un lieu de sureté, apaisant. A l'école on doit vivre normalement. Elle doit éviter de stigmatiser les musulmans dont la majorité se sent piégée dans cette histoire. […]Le rôle des enseignants c'est de résister. ”.
Curieusement, c’est chez le ministre de l'économie qu’on trouve une analyse qui offre une réflexion sur le rôle de l’École parmi toutes les autres institutions de la société française. Emmanuel Macron a en effet affirmé lors d'une intervention à l'université du groupe social-démocrate « Les Gracques », que la société française devait assumer une « part de responsabilité » dans le « terreau » sur lequel le djihadisme a pu prospérer. « Le terreau sur lequel les terroristes ont réussi à nourrir la violence, à détourner quelques individus, c'est celui de la défiance », a-t-il affirmé. « Nous sommes une société dont au cœur du pacte il y a l'égalité, nous sommes une société où en moyenne l'égalité prévaut beaucoup plus que dans d'autres économies et d'autres sociétés », a noté le ministre. Mais « nous avons progressivement abîmé cet élitisme ouvert républicain qui permettait à chacune et chacun de progresser. Nous avons arrêté la mobilité » sociale, a-t-il déploré.« Nous avons une part de responsabilité, parce que ce totalitarisme se nourrit de la défiance que nous avons laissée s’installer dans la société. Il se nourrit de cette lèpre insidieuse qui divise les esprits, et, si demain nous n’y prenons pas garde, il les divisera plus encore ».
Pierre Merle, interrogé aussi par Le Café Pédagogique , dit des choses assez semblables. Pour lui, les attentats interpellent l’École. D’abord en amenant à réactiver encore plus les valeurs cardinales de la République. Il ne suffit pas, dit-il, de décréter le “vivre ensemble”, il faut le faire vivre. Et il rappelle l’urgence : “Pour éviter la radicalisation et la dérive meurtrière de jeunes gens en manque d'identités, de repères et d'idéaux, il faut aussi refonder l'école. Malgré le dévouement et l'énergie des professeurs, notre école, institution centrale de socialisation des jeunes générations, ne parvient pas suffisamment à intégrer et à promouvoir la réussite de tous. La référence à l'apartheid scolaire est juridiquement fausse mais sociologiquement juste. La ségrégation sociale de l'école française est considérable, les pauvres et les immigrés sont ghettoïsés. L'inégalité de la réussite scolaire selon l'origine sociale, en croissance continue, est la plus forte d'Europe. Cette situation n'est pas une fatalité. Des politiques éducatives adaptées, mises en œuvre avec succès dans d'autres pays, doivent refonder l'école française. La lutte contre la ségrégation ethnique et sociale est une priorité indiscutable et paradoxalement délaissée.

Reprise des hostilités ?
La douleur et la sidération liées aux attentats ont provisoirement éloigné les autres sujets de débats sur l’École. Mais la lecture des réseaux sociaux et des articles de presse nous laisse penser que la trêve aura été de courte durée.
On évoquera très brièvement les dérives de certains qui tentent des parallèles ignobles entre les attentats perpétrés par Daesh et la réforme du collège. L’excès et l’ignominie de ces propos disqualifient définitivement leurs auteurs.
Après un indispensable temps de deuil, on peut cependant penser que la polémique reprendra sur la réforme du Collège et sur tous les autres sujets. On parle déjà de stratégie de contournement ou encore de “grainS de sable”... Cela sera sûrement très vite de nouveau au centre des revues de presse. En espérant simplement que ce que nous venons de vivre aboutira à un peu plus de mesure et de retenue...

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

dimanche, novembre 15, 2015

Après les attentats : conseils pour Lundi...

Ci dessous, je publie un texte qui est au départ un courriel adressé aux stagiaires de SES de l'ESPÉ-Paris dont j'assure une partie de la formation. Je le publie tel quel et sans modifications. En me disant que ça peut peut-être aider...
PhW

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Bonjour à tous,

Quelle cruelle coïncidence… Jeudi après-midi, en séance de formation, nous faisions un "débat sur le débat” autour de la question “Peut-on débattre de tout ? Peut-on tout laisser dire ?”…
Et puis cette série d’attentats ce vendredi 13 au soir et la sidération devant une telle horreur…
D’abord, j’espère que nul d’entre vous n’est touché personnellement ou à travers ses proches par ces attentats. 
Au delà de la sidération et de la douleur, il va bien falloir être devant les élèves Lundi. C’est mon cas, j’ai cours à 8h30 avec les Terminales. Que faire, me direz vous ? 

La lecture des instructions officielles contenues dans la lettre de la Ministre (publiée sur le site du MEN) donne quelques indications.  « Une minute de silence sera respectée dans l’ensemble des écoles, établissements scolaires et universitaires. La ministre laisse le soin aux équipes pédagogiques d’adapter ce moment de recueillement à l’âge des élèves. Des ressources pédagogiques sur le site Éduscol, mises à disposition dans la soirée, pourront être mobilisées pour accueillir les élèves, les accompagner et nourrir les discussions.»

J’espère sincèrement qu’on ne retombera pas dans les mêmes excès et crispations autour de la minute de silence (prévue à midi) qu’en janvier. La Presse et certains politiciens avaient alors instrumentalisé les quelques incidents et refus de respecter cette minute de silence. On avait vu alors des dérives qui ont amené des enfants au commissariat et une surenchère dans l’injonction à être Républicain. J’espère que les choses se passeront mieux cette fois-ci. D’autant plus que la nature de ces attentats aveugles est différente de celle des attentats ciblés de janvier. 

Nourrir les discussions”… dit le texte de la Ministre. D’abord il faut rappeler que ce qui va se pratiquer Lundi ce n’est pas un débat ! Un débat obéit à des règles précises et a un objet tout aussi précis. En plus, un débat suppose un échange d’arguments. Or, ici, il s’agit surtout comme le dit le texte d’une “discussion” et pour le dire autrement de recueillir des ressentis ou de répondre à des questions. Ce qui n’est pas plus simple car cela peut partir dans tous les sens et être difficile à canaliser. Votre boulot va être de canaliser tout cela… Pas facile car il faut éviter de tomber dans une sorte de thérapie collective mal maîtrisée et en même temps éviter aussi de tomber (risque possible) dans les théories du complot et autres expressions des rumeurs et des pensées extrêmes.  

Faut-il en parler ? Pour ma part, j’ai cours à 8h30 et je me vois mal commencer mon cours tranquillement en poursuivant le chapitre sur le commerce international… Il en sera différemment pour ceux qui ont cours plus tard. En janvier j’avais cours plus tard et j’avais directement demandé aux élèves s’il souhaitait qu’on en parle. Et la réponse avait été positive. 
Nous en avions donc parlé mais cela n’avait pas duré très longtemps : à peu près une demi-heure. Et puis ensuite, nous avions repris le cours normal. Tout le monde n’avait pas parlé. Je pense qu’il ne doit pas y avoir d’obligation à s’exprimer dans ce genre de situation. Il faut cependant faire attention que nul ne se sente frustré. Étant donné le nombre de victimes, soyez aussi vigilant à ce que des élèves ne soient pas directement touchés par des décès dans leur famille ou leurs proches. 

Comment en parler ? Comme je le disais plus haut, si on ne veut pas transformer cette séance en thérapie collective qu’on ne saura pas bien gérer en demandant à la cantonade “qui veut s’exprimer", il faut partir de supports. Comme on le fait en cours. Il faut aussi être très rigoureux sur les règles de la prise de parole ; écoute mutuelle, demander la parole, respect de l’émotion et de l’opinion…

Il y a plusieurs points de départs à cette discussion.Je les énumère ci dessous :  

• On peut par exemple partir des dessins très nombreux qui ont été publiés dans la Presse ou diffusés sur les réseaux sociaux. Ils ont été rassemblés dans un padlet (une sorte de Tumblr) et vous pouvez facilement en faire un diaporama. A partir de là, l’émotion peut s’exprimer et on peut aussi se livrer à un travail d’analyse de l’image. 

• Une démarche voisine consiste à partir des Unes des journaux. Elles sont rassemblées à plusieurs endroits (par exemple FranceTVinfo ou Sud Ouest ou encore Kiosko.net) . Et vous pouvez trouver des modalités de travail sur le site du CLEMI. 

• On peut aussi avoir un point de départ avec un texte qui exprime une réflexion. Je pense plus particulièrement à deux textes. L’un est de Philippe Meirieu et est paru sur le site du Café Pédagogique : "prendre soin de l’humain”.
Ça peut être une autre manière de démarrer avec des textes pas forcément très simples mais qui obligent à se décentrer et à réfléchir. 

• On peut aussi partir des faits et même en profiter pour apporter quelques connaissances. D’abord rappeler les faits : les lieux d'attentat, le nombre de morts et de blessés, ce que l'on sait des auteurs de ces crimes. Contrairement à ce que l’on pourrait croire alors que les radios et télés tournent depuis deux jours en édition spéciale permanente, les élèves ne sont pas forcément bien informés (et certains sont même mal informés et réceptifs à toutes les rumeurs et désinformations). On peut donc être d'abord dans le factuel avant d'éventuellement entrer dans le philosophique (voir point précédent).
On peut aussi apporter des connaissances propres à sa discipline ou au champ de l’EMC. Par exemple qu’est-ce que “l’état d’urgence” et pourquoi il a été institué et quelles sont ses limites?  

Les risques ? Je les ai déjà évoqué tout au long de ce texte. 
D’abord celui de laisser l’émotion submerger tout dans une approche psy mal maitrisée. Le risque inverse existe : rester dans une sorte de froideur conceptuelle en se situant uniquement sur le plan des savoirs. Il ne faut pas craindre de dire soi même sa propre émotion. J’avais d’ailleurs commencé par là en janvier. 
Le risque majeur c’est celui d’une parole mal maîtrisée et de laisser la voie (voix?) à un discours de haine. On peut avoir un discours anti-musulman ou alors un discours de revendication “identitaire” qui conduise dans une logique de provocation à minimiser ou même à se réjouir des attentats. Ces risques existent mais ils sont faibles. 
Il faudra aussi prendre en compte d’éventuels rumeurs et théories du complot qui risquent de se développer. Il faudra alors tenter de les "déconstruire" et éviter de tomber dans une position uniquement morale face à ce qui relève aussi pour une bonne part de la provocation. 

Mais ces risques, s’ils existent, ne doivent pas vous empêcher de faire ce travail nécessaire. Si nous sommes avant tout enseignants d’une discipline, nous sommes aussi tous des éducateurs, des adultes responsables et des citoyens. Et c’est que nous devons montrer à nos élèves. 
Comme je l’ai écrit dans un texte publié sur mon blog et sur les réseaux sociaux, au delà de la réponse immédiate du lundi matin, «La réponse est peut-être dans une position qui doit être celle de tout éducateur. Faire vivre au quotidien dans sa pratique, dans son établissement, les valeurs de la République, la coopération, la tolérance... Et continuer inlassablement à construire collectivement à l’École et ailleurs des réponses fortes à l’injustice sociale, à l’exclusion, à l’ignorance qui sont les ferments de la violence et du fanatisme

Bon courage à vous. On en reparle jeudi prochain. 
Philippe Watrelot, le 15 novembre 2015



Annexe : Liens et ressources utiles 
J’ai donné quelques liens au fur et à mesure de mon texte mais vous pouvez en retrouver beaucoup sur cette page :

Je vous joins aussi un texte collectif qui essaie de donner des pistes pédagogiques. Il est aussi lisible en ligne et aussi le point de départ d’un forum de discussion

Même si ça porte sur un autre sujet (l'homophobie) je mets le lien sur un autre texte que j'ai écrit ("L'un des pires cours de ma vie"] et qui essaye de montrer la tension pédagogique entre la position morale et la position didactique. 
Valeurs vs savoirs ? Peut-on laisser tout dire ?

J'indique aussi le lien vers un très beau et très bon texte de Laurence De Cock dont je partage les conclusions. 

Je partage aussi un diaporama que j'ai réalisé dimanche soir













samedi, novembre 14, 2015

Vendredi 13 novembre 2015

Ce vendredi 13 novembre est un jour d’horreur. Je pense bien sûr à toutes ces victimes et à la peine de leurs familles. Il n’y a d’abord rien d’autre à dire que sa profonde tristesse, sa compassion et sa solidarité. Et sa détermination à rester debout. 

Comme pour beaucoup, ce jour m’en rappelle d’autres. Le 7 janvier bien sûr et l’attentat contre Charlie Hebdo. Mais aussi le 11 septembre 2001 qui fut pour moi un traumatisme considérable vécu sur place. Je me souviens de la stupeur et de la douleur des habitants de cette ville mais aussi de leur capacité collective à se relever. “La guerre” est le mot qui revient sans cesse dans les journaux. C’était déjà le cas en 2001 où les télévisions avaient toutes ce bandeau “America on war”. 
Mais je me souviens aussi que, si le 11 septembre 2001 avait donné lieu à des manifestations de solidarité et de fraternité, il y avait eu aussi de nombreux actes de haine et de violence contre l’“étranger” alors que la raison d’être de cette ville est justement d’accueillir l’autre et de l’intégrer.
 Même si je suis inquiet, j’espère que Paris et la France éviteront ces pièges. Et que ce ne sera pas l’occasion de faire prospérer encore plus un discours de haine et d’exclusion. 

Je me souviens aussi de mes difficultés quelques jours après quand il avait fallu en parler avec les élèves. 14 ans après, je ne sais pas si je suis plus à même de le faire, si je suis mieux outillé… Comment dire l’indicible ? l’horreur ? 

 La réponse est peut-être dans une position qui doit être celle de tout éducateur. Faire vivre au quotidien dans sa pratique, dans son établissement, les valeurs de la République, la coopération, la tolérance... Et continuer inlassablement à construire collectivement à l’École et ailleurs des réponses fortes à l’injustice sociale, à l’exclusion, à l’ignorance qui sont les ferments de la violence et du fanatisme.



 
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