dimanche, mai 24, 2015

Bloc-Notes de la semaine du 18 au 24 mai 2015





- Grève : combien ? – Pourquoi ? – Et après ? - Programmes – Journal lycéen - .



Le bloc notes revient sur une semaine agitée. Mardi, avait lieu la grève intersyndicale contre la réforme du collège. On évoquera la sempiternelle bataille de chiffres et surtout les enjeux de ce conflit. Mais la question majeure est surtout celle de la suite des évènements. La publication du décret au lendemain de la grève va t-elle être vue comme la fin d’une séquence ou au contraire une provocation ? Sans compter que les polémiques se poursuivent aussi sur les programmes.





Grève : combien ?
Alors, 27,61% ou 50% ?
La grève du mardi 19 mai a donné lieu à la traditionnelle bataille de chiffres sur la participation. Entre le ministère qui évalue la participation à 27,6 % et le SNES et les autres syndicats, qui parlent, eux, de plus de 50%, la marge est grande. Libération rassemble dans un même graphique près de 15 ans de manifestations enseignantes et qualifie cette dernière de “mobilisation dans la moyenne.
La polémique sur les chiffres est toujours la même. La méthode de comptage repose sur une remontée par les chefs d’établissement des constatations d’absence à la première heure de cours de la matinée. Autrement dit, si vous n’avez cours que l’après-midi, vous n’êtes pas compté dans ce premier chiffre communiqué vers 10h. Et si vous n’avez pas cours le mardi, tant pis (ou tant mieux, c’est selon...) : vous n’êtes pas gréviste... 
Si vous voulez en savoir plus sur cet aspect très technique, vous pouvez aller lire un article du chercheur Laurent Frajerman de l’institut de la FSU qui explique tout cela très bien et fait quelques propositions pour améliorer le système.
Quoi qu’il en soit, au soir de ce mardi 19 mai, les avis étaient mitigés. La mobilisation n’était pas aussi forte qu’annoncée. Et les initiateurs de la grève disaient “rester mobilisés et annonçaient une journée d’action le 4 juin prochain en soirée dans les collèges, sans grève ni manifestation. Les partisans de la réforme, quant à eux, pouvaient l’interpréter positivement et considérer que l’opinion des enseignants n’était pas aussi hostile que les dernières déclarations pouvaient le laisser penser. Mais, loin de tout triomphalisme mal venu, les raisons du conflit ne peuvent pas pour autant être négligées.

Pourquoi ?
On a suffisamment parlé dans les revues de presse et dans ce bloc-notes au cours de ces deux derniers mois des sources du conflit pour ne pas revenir trop longuement sur les raisons de la grève. Le communiqué commun appelant à la grève avait pour principal motif l’autonomie des établissements et “la multiplication des hiérarchies intermédiaires sous l’autorité du chef d’établissement ”. C’était là le dénominateur commun à tous les syndicats rassemblés. Mais on sait bien que selon les cas, d’autres motifs étaient évoqués : l’interdisciplinarité, la “perte” des heures disciplinaires, les “menaces” sur certains enseignements,…
On sait bien que les conflits sociaux sont des phénomènes complexes et que l’on ne fait pas grève pour une seule raison. Et souvent même pour des raisons implicites où le projet contesté sert de révélateur à un malaise plus profond. Interrogé par Le Monde, le chercheur André D. Robert expliquait que “ les profs font partie de cette gauche déçue par la politique du gouvernement.”Et il ajoutait :“Compte tenu de leur état d’esprit actuel, de leur réelle souffrance au travail, ainsi que de la crainte récurrente de la nouveauté dans le second degré, on peut peut-être tabler sur une mobilisation de 30 à 40 % d’entre eux. ”. Un article paru dans le JDD.fr nous donne des pistes concordantes. Intitulé “Je suis prof de français, plus jamais je ne voterai PS” il rassemble des témoignages d’enseignants recueillis en banlieue parisienne, les autres dans le Nord-Pas-de-Calais, en Rhône-Alpes, en Bretagne… Amertume, mépris ressenti, attaques contre leur identité professionnelle, craintes de perte d'heures et de menaces sur leur statut et leur liberté, refus plus global chez certains de la politique gouvernementale,... Au delà du projet de réforme lui même, les vraies raisons de la grève sont donc à chercher aussi dans un positionnement politique mais surtout dans un sentiment de déclassement et un certain malaise.
Et même si la mobilisation de mardi n’a pas été à la hauteur des annonces des syndicats qui appelaient à la grève, il est bien clair qu’on ne peut nier ce sentiment. Car il est un des verrous majeurs de la mise en œuvre réelle et effective de la réforme dans les établissements et dans les classes. Si l’on veut que les enseignants ne soient pas le problème mais une partie de la solution, il faut tenir compte de ce ressenti.

Et après ?
Mais le mercredi matin, on apprenait que le décret sur le collège venait de paraitre au Journal Officiel. Selon plusieurs sources, cette décision aurait été imposée à la Ministre par Manuel Valls qui s’étonnait que le décret n’ait pas encore été publié. Et en effet il y avait une certaine légitimité à publier le décret après le vote du CSE. Mais alors, juste après le CSE... Car s’il est donc abusif de dire que le gouvernement "passe en force", cette publication au lendemain de la grève pose problème, me semble t-il. À court terme, cela permet de se reconstruire une posture de fermeté en bombant le torse et en montrant que la volonté de réforme est forte (au passage cela serait mieux passé s'il n'y avait pas eu des reculades sur plein d'autres sujets...) 
. Mais à long terme, c'est oublier qu'une réforme quelle qu'elle soit, et a fortiori celle ci, suppose sinon l'adhésion du moins l'absence d'hostilité de la part des acteurs chargés de la faire vivre. Dans le cas présent, le risque est que cela soit vécu comme une provocation. Si on veut que la réforme résiste à la force d'inertie, il est indispensable de reconstruire la relation avec les syndicats et les enseignants.
Les réactions à cette annonce sont diverses. Les syndicats dénoncent en effet une provocation 
mais redoutent une politisation encore plus grande du débat. Le SNES réclame plutôt une renégociation qu’un retrait. . La droite 
s’est en effet emparée de ce dossier et cherche encore plus l’instrumentalisation de ce conflit avec en plus une concurrence entre Bruno Le Maire (très en pointe sur ce sujet) et Nicolas Sarkozy. À 
la gauche du PS, on s’inquiète des conséquences électorales d’une telle décision.
Pour la ministre, 
 (dont la popularité reste forte dans l’opinion) l’enjeu est de relancer la dynamique de la négociation mais sur les textes d’application. C’est d’ailleurs ce qu'elle a déclaré le mercredi 20 mai Il fallait publier ce décret pour passer à l’étape suivante, les textes d’application, qui permettront de répondre aux inquiétudes ”. A propos de l’autonomie elle a réaffirmé que “C’est bien l’ensemble de l’équipe pédagogique qui participera à définir ces enseignements en autonomie ”. “ Si vous ne publiez pas le décret, quand est-ce qu’on avance ? ”, a demandé la ministre, rappelant que la réforme doit entrer en vigueur à la rentrée 2016 et requiert des “ mois d’accompagnement et de formation ”des enseignants.
Et en effet, il faudra un fort accompagnement, dans les établissements, qui s’appuie sur la mutualisation des pratiques et la construction collective. C’est ce que dit, en substance, 
le Conseil National de l’Innovation et de la Réussite Éducative (CNIRÉ) dans un avis sur la réforme du Collège. C’est ce que dit aussi un 
communiqué du CRAP-Cahiers Pédagogiques .
L'avenir de la réforme du collège dépend de la levée d'un certain nombre d'inquiétudes mais surtout de la capacité à dépasser les postures, de part et d’autres ...

Programmes
Mais les polémiques sont loin d’être terminées. Et en particulier sur les programmes qui font l’objet d’une consultation nationale jusqu’à la mi-juin.
Le débat est toujours très vif en particulier sur les programmes d’histoire : Tribunes, émissions de télévision ,… Et toujours les mêmes excès et caricatures. Il l’est moins sur les autres disciplines mais des critiques commencent à poindre.
Deux acteurs de ce travail sur les programmes — Denis Paget, membre du Conseil Supérieur des Programmes et Patrick Rayou responsable de l’élaboration des programmes du cycle 4 (5ème, 4ème, 3ème) — signent une tribune dans Le Monde pour appeler à “un débat lucide sur les programmes ”. Ils estiment que les polémiques actuelles “révèlent la difficulté à admettre l'idée d'une culture scolaire commune, définie comme un « socle de connaissances, de compétences et de culture ». Or toute culture scolaire procède nécessairement d'une sélection drastique des savoirs et des compétences et ne peut se penser comme la simple addition de disciplines savantes. [...] Lire les projets de programmes en se limitant à la discipline dont on est spécialiste constitue pour toutes ces raisons un prisme nécessaire mais insuffisant pour juger de ce qu'il faut ou non enseigner et de la façon dont il faut le faire.” Et ils rappellent également que ces projets ne sont pas ceux des services du ministère mais ont été élaborés par des par des groupes composés d'universitaires, de membres des corps d'inspection, de formateurs d'enseignants et de professeurs en exercice. Ils concluent en invitant chacun à faire des critiques constructives sur ces programmes.
Une analyse et une critique constructive, c’est ce que propose le site des Cahiers Pédagogiques qui rassemble sur une page l’avis d’enseignants qui ont lu attentivement ces projets et proposent leurs analyses sur des programmes qui ne concernent pas que le collège mais aussi le Primaire. Le droit d’expression ne s’use que si on ne s’en sert pas !

Journal lycéen
Une transition plus ou moins habile pour parler de la presse lycéenne. Plusieurs enseignants du lycée Marcelin-Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), ont décidé d’exercer leur droit de retrait, jeudi 21 mai, en soutien à l’un de leurs élèves. Rédacteur en chef de la « Mouette Bâillonnée », le journal lycéen de l’établissement, Louis, 17 ans, est depuis le mois de janvier sous le coup de menaces de mort. En cause, son choix, de publier un numéro spécial en hommage aux victimes des attentats de janvier.
Dès le lendemain de la diffusion de La Mouette, le lycéen était la cible de menaces anonymes. Dans la boîte aux lettres du journal, il découvre une enveloppe contenant la « une » du journal, sur laquelle ont été agrafés une croix gammée, un cercueil et une menace de mort. Aussitôt, le lycéen dépose une plainte au commissariat de Saint-Maur, qui ouvre alors une enquête. Au total, Louis a reçu sept menaces de mort depuis janvier, dont deux comportant une ou plusieurs balles.
Reçus au rectorat de Créteil, ses professeurs ont demandé « la protection de l’élève » ainsi que de faire passer « un message fort » à l’auteur ou aux auteurs des menaces.
Depuis cette médiatisation, l’affaire a pris une autre dimension. Les pouvoirs publics, jusque là relativement discrets, ont pris la mesure de l’affaire et les soutiens s’expriment de toutes parts.
Etant très attaché au droit d’expression et ayant animé pendant de nombreuses années un journal lycéen, je dis toute ma solidarité à Louis et à tous ceux qui font vivre cette indispensable presse lycéenne. “Faire vivre les valeurs de la République”, c’est aussi cela...

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

samedi, mai 16, 2015

Bloc-Notes de la semaine du 11 au 17 mai 2015





- Rétroviseur – Amalgame et négociations - Riposte - Interpellation - .



La réforme du collège a été présentée au conseil des ministres du 11 mars dernier. Les premiers articles parlaient alors d’une réforme “fade” et manquant d’ambition… Deux mois après, on ne compte plus les prises de position et la polémique enfle encore. Ce bloc notes commence donc par un regard dans le rétroviseur pour tenter de comprendre la mécanique de l’emballement. La riposte des soutiens de la réforme semble enfin s’organiser et nous l’évoquerons aussi. On finira par un retour sur deux rapports évoquant la pauvreté et l’École. Mais finalement, on ne s’éloigne pas du débat tant ces deux rapports constituent une interpellation que nous devrions tous entendre.



Un regard dans le rétroviseur
Un texte fade avec de “fausses hardiesses... c’est ainsi que Marie-Estelle Pech et Caroline Beyer, journalistes au Figaro jugeaient le 8 mars dernier le projet de réforme du Collège présenté en conseil des Ministres le 11 mars dernier.
Le bloc-notes de cette semaine là relevait des tonalités assez voisines pour les quelques journalistes spécialisés qui s’intéressaient à ce sujet. Marie-Caroline Missir dans son blog sur L’Express.fr affirmait qu’ “il serait illusoire de prétendre sortir du statu quo dans lequel s’enlisent des générations de collégiens”. Sur Slate.fr, Louise Tourret était plus positive. Dans Le Monde, Mattéa Battaglia trouvait le projet intéressant mais s’inquiétait pour la mise en œuvre en 2016. Dans La Croix, François Dubet estimait que ““ La ministre est allée aussi loin qu’elle le pouvait sans prendre le risque d’une guerre civile dans le monde de l’éducation.”. C’était il y a deux mois, il y a un siècle...
Aujourd’hui, le même Figaro (Magazine mais avec les mêmes journalistes) titre sur “Les naufrageurs de l’École ” (je suis dedans...) et Valeurs Actuelles met Najat Vallaud Belkacem en couverture accompagnée du titre “La casseuse de l’École ”. On ne compte plus les tribunes d’intellectuels, pseudo-experts, sur le collège ou les programmes. Tout comme les interpellations dans l’hémicycle et dans les discours des politiques. La question est donc :  “Comment la réforme du collège, présentée en mars dans l’indifférence, est-elle devenue un archétype des débats à la française ? C’est-à-dire passionnel.” pour reprendre les termes de l’éditorial de Cécile Cornudet dans Les Échos.

Tentons une rétrospective tout en rappelant qu’il y a plusieurs logiques et plusieurs temps qui se mélangent. 
C’est d’abord l’histoire d’un conflit de légitimité et une question de rapport de forces syndical. Le premier acte se situe durant les négociations syndicales qui suivent la présentation du projet de décret à la fin mars. Face à la fermeté du ministère sur des points jugés essentiels, le 31 mars le SNES et d’autres syndicats quittent avec fracas les négociations. Le 10 avril, le Conseil Supérieur de l’Éducation, instance consultative représentant toutes les composantes de l’école et de la société, approuve à une large majorité (51 pour 25 contre) le projet de réforme du Collège. On pourrait croire alors, que l’affaire est réglée et que malgré les protestations habituelles la petite réforme va passer sans heurts. Mais le vote au CSE va agacer encore plus les syndicats enseignants hostiles qui, au regard des dernières élections, sont majoritaires dans la profession. Tout cela se traduit dans l’appel intersyndical à la grève pour le mardi 19 mai prochain. Et par une mobilisation du SNES qui tait d’éventuels débats internes pour faire bloc contre ce qu’ils considèrent comme une nouvelle remise en cause de leur représentativité. Faut pas provoquer le SNES...
La mobilisation contre la réforme est ensuite médiatique en venant sur le terrain des disciplines et en particulier du Latin. C’est le premier thème qui fait l’objet de tribunes dans la presse. Car, les “humanités” font toujours partie de l’imaginaire collectif autour de l’École “éternelle” et surtout de nombreux intellectuels (que les enseignants actuels ont su mobiliser) en sont issus. Il faut dire que la communication ministérielle sur le latin a été maladroite et s’applique à des enseignants qui aujourd’hui ont beaucoup évolué tant au niveau de la pédagogie que du public auquel ils s’adressent par rapport à l’image qu’on pouvait en avoir. La polémique va s’enclencher ensuite sur l’allemand avec même l’aide de l’ancien premier ministre. Cette polémique sur les contenus va évidemment s’amplifier après la publication le 10 avril 2015 des projets de programme pour l’ensemble des cycles 2, 3 et 4. Ces projets sont le résultat du travail du Conseil Supérieur des Programmes (CSP), créé par la loi de refondation de juillet 2013. Une instance indépendante voulue par Vincent Peillon pour sortir la fabrication des programmes de l’opacité et de l’intrusion du politique... Curieusement on ne va pas du tout s’intéresser aux programmes du Primaire mais se focaliser sur ceux du Collège et comme souvent sur les programmes d’Histoire. Cette matière a le rare privilège de déclencher les passions et d’être alourdie d’une forte charge identitaire qui empêche de la considérer comme une discipline scolaire comme les autres. La polémique repart alors de plus belle. Tout le monde médiatique se sent autorisé à donner son avis sur le collège et les programmes sans avoir lu les projets. C’est ce qui va amener la Ministre à parler de “pseudos intellectuels”, une expression qu’elle va payer cher et qui va exacerber encore plus la mobilisation des faiseurs d’opinion.
Et aux intellectuels “pseudo experts” de l’École s’ajoutent désormais les politiques. Après la dimension syndicale et médiatique, c’est la bataille politique qui devient le troisième niveau du débat. Pendant longtemps, la Ministre est bien seule dans son camp. Et cela laisse le champ libre aux polémiques et surtout à l’instrumentalisation politique du débat. On a vu d’abord les anciens ministres de l’Éducation (Chatel, Fillon, Bayrou,...) prendre la parole. Puis l’UMP Bruno Le Maire a lancé une pétition rassemblant près de deux cents parlementaires et a porté la critique à l’assemblée et dans plusieurs tribunes. Dans une déclaration vendredi, il déclare même souhaiter remplacer le collège unique par un collège diversifié” et il ajoute “Notre objectif ne doit pas être 80% d’une classe d’âge au baccalauréat, mais 100% avec un emploi. Sortons de Bourdieu !”. C’est en constatant que ce possible candidat à la primaire marquait des points sur ce terrain, et que le sujet devenait un angle d’attaque supplémentaire contre le gouvernement, que le président de l’UMP a décidé de joindre le mouvement. Nicolas Sarkozy a ainsi déclaré lundi 11 mai avec beaucoup de sous-entendus «dans le combat effréné pour la médiocrité, Christiane Taubira est en passe d'être dépassée par Najat Vallaud-Belkacem» et jugé cette réforme “désastreuse pour la République”.
Dans le camp gouvernemental, la mobilisation a tardé. Mais début mai, le Premier Ministre et le Président de la République ont manifesté leur soutien à la ministre de l’Éducation. «J’entends le concert des immobiles, ce sont souvent les plus bruyants, ceux qui, au nom de l’intérêt général supposé, défendent leurs intérêts particuliers, eh bien non, c’est terminé», a-t-il lancé, le mercredi 6 mai devant le Conseil Économique Social et Environnemental. Mais ce soutien est à géométrie variable et on peut craindre qu’il n’aboutisse à quelques renoncements notamment sur l’enseignement de l’histoire. Il faut souligner aussi comme nous le faisions déjà la semaine dernière que ce soutien est aussi à double tranchant car on est dans un contexte où n’importe quelle réforme provenant d’un gouvernement et d’un président dévalué est forcément critiquée au regard de ce mécontentement général. Surtout pour des enseignants qui sont peu réceptifs aux réformes alors qu’ils se sentent déclassés et désabusés.
On en est là aujourd’hui... 
Un “sondage” produit par Odoxa pour iTélé paru vendredi et portant sur 1025 personnes interrogées par Internet affirme que 61% des Français sont opposés à la réforme du collège notamment parce qu’elle proposerait un “nivellement par le bas”. Même s’il y a quand même une riposte (évoquée plus bas), le débat médiatique semble toujours disproportionné et dans l’excès. On a évoqué plus haut les couvertures du Figaro Magazine et de Valeurs Actuelles...
Et demain ? La bataille de l’opinion est aussi à gagner dans les salles des profs. Et la grève du 19 mai est un moment clé pour l’avenir de cette réforme Comme le dit l’éditorial des Échos : “Comment les enseignants vont-ils se mobiliser mardi ? C’est la question désormais cruciale : eux savent transformer une boule de neige en boulet de canon

Amalgame et négociations
Si vous voulez énerver (encore plus ?) un militant du SNES en ce moment, parlez lui d’“amalgame”. Car l’évolution du débat sur la réforme du Collège comporte aussi des effets pervers pour les premiers opposants. La tournure très politique du débat (élitisme vs égalité) et l’agglomération des mécontentements dans une manifestation improbable où des syndicats classés à gauche pourraient manifester avec l’UNI ou le SNALC contribue à brouiller le message du SNES et des autres syndicats classés à gauche.
Même s’il annonce une “grève importante le 19 mai, c’est dans ce contexte de brouillage qu’il faut entendre les différentes déclarations des responsables du syndicat majoritaire : “ Madame la ministre, reprenez les discussions car il y a des choses à faire au collège et on est prêts à les faire, et ne prenez pas les gens pour des imbéciles ”, a lancé mercredi le co-secrétaire général du SNES Roland Hubert. Et il ajoute : Ce n’est pas parce qu’on est contre qu’on est immobiles. Les profs ne sont pas tous des conservateurs invétérés. ”. Il récuse donc tout amalgame. “Expliquer que entre le Snes et les gens qui ont supprimé 80 000 postes en 5 ans il y aurait un accord... ça ne grandit pas les organisations qui jouent ce jeu, estime le même Roland Hubert. Dans une autre déclaration, Frédérique Rolet, co-secrétaire générale affirme : "Il est urgent d'arrêter le gâchis et de reprendre les discussions". Et elle précise : “On ne demande pas le retrait de la réforme mais la reprise des négociations sur ses points majeurs. Sinon on poursuivra le mouvement”.
On a vu que tout s’est enclenché, dans un bras de fer pour créer un nouveau rapport de forces, avec la rupture des négociations le 31 mars. Deux mois après, on y reviendrait... Reste à savoir jusqu’où elles peuvent aller et ce qui est négociable et non négociable , sachant que le décret n’a toujours pas été publié. Mais entre temps, les discussions sur une réforme “modeste” et “fade se sont transformées en une sorte de monstre médiatique et politique. Un débat hystérique et halluciné” (pour reprendre un titre de Médiapart) et dont l’issue est incertaine.

Riposte
Après la sidération de la première quinzaine, cette semaine a été marquée par la riposte des “pro-réformes”. L’évènement marquant a été la conférence de presse du lundi 11 mai par cinq organisations : SE-UNSA, SGEN-CFDT, FCPE, Education & Devenir, Cahiers Pédagogiques. On en trouve de nombreux échos dans la presse notamment avec une dépêche de l’AFP un long article dans Les Échos et un autre dans La Croix . Cette conférence de presse s’est traduite aussi par une lettre ouverte à la Ministre (qu’on peut lire sur notre site) .
Face à la déferlante des critiques , il faut signaler la couverture de Libération du 11 mai : “Et si elle avait raison ? avec un portrait de la Ministre. L’éditorial de Laurent Joffrin évoque à propos des débats une “accablante mauvaise foi”. Et le dossier rassemble plusieurs contributions dont une tribune de Jean-Pierre Obin , une autre de Maya Akkari et Caroline Veltcheff (Terra Nova) et des interviews de Marie Duru-Bellat, Nicolas Offenstadt , François Durpaire et de Paul Raoult (FCPE) . Toujours dans Libération, le lendemain on trouve une tribune de Philippe Pradel intitulée “Sur cette réforme, on a tout oublié du 11 janvier… sauf la caricature”. Il faut signaler aussi dans Le Monde du 12 mai une tribune collective de Maya Akkari, Christian Baudelot (sociologue), Laurent Bigorgne (directeur du think tank Institut Montaigne), Anne-Marie Chartier (historienne), Roger Establet (sociologue), François Dubet (sociologue), Dominique Julia (historien), Marc-Olivier Padis (directeur de la rédaction de la revue « Esprit »), Antoine Prost (historien), Thierry Pech (Terra Nova) et Benjamin Stora (historien). On pourra lire aussi l’avis de Claude Thélot dans La Croix et sans oublier l’excellente émission de La Grande Table sur France Culture avec Antoine Prost.
Au risque de l’immodestie, je signale aussi que j’ai produit une tribune dans AlterEco Plus et donné une interview pour La Vie .
Mais je voudrais finir cette revue de presse sur ce thème en citant quelques extraits du très bon texte d’Eunice Mangado-Lunetta dans le Huffington Post . Celle ci titre sa tribune “La préférence pour l’inégalité en référence au dernier livre de François Dubet. Elle s’étonne de l’abus de certaines expressions comme “Le spectre du nivellement vers le bas qui, notons-le au passage, effraie étonnamment bien plus que l'hémorragie scolaire que représentent les 140 000 sorties prématurées du système. À lire les réactions de certains, on suppute qu'au fond ils ne se sont jamais fait à l'idée d'un collège vraiment "unique". Sans doute perçoivent-ils derrière ce terme un égalitarisme justifiant une uniformité de l'offre opposée à la recherche permanente de distinction, marqueur de la course généralisée à l'armement scolaire qu'est devenu notre système scolaire.” Et elle ajoute : “La question de "à qui profite le collège" est aussi démocratique et sociale. N'y a-t-il pas à s'interroger sur le fait que la scolarité publique des collégiens, payée par nos impôts, soit aussi inégalitaire ? Qu'est ce qui justifie que 16% des élèves de 6e et de 5e se voient offrir la possibilité de rejoindre une classe bi-langue ? Sont-ils plus méritants que les autres, davantage dignes d'investissement ?Il ne s'agit pas ici d'opposer les enfants les uns contre les autres mais de comprendre en quoi refuser la généralisation de ces "avantages" bénéficiant aujourd'hui au petit nombre revient à défendre un système inégalitaire. […] Le Premier Ministre a récemment choqué avec sa référence à l'apartheid territorial, il y aurait matière à réfléchir aux mécanismes permettant à la communauté éducative, sous couvert de collège unique, de séparer et d'organiser des microsociétés d'élèves, de même niveau scolaire et social, selon le choix des options.

Interpellation
Cette interpellation on la retrouve chez Véronique Soulé dans sa chronique du Café Pédagogique. Elle nous rappelle, elle aussi, quelques réalités qu’on a tendance à oublier dans le débat actuel : “A la rentrée 2014, on a compté 15,8% de fils d’ouvriers qui arrivaient avec du retard au collège alors qu’ils n’étaient que 3,4% de fils de cadres. A moins de considérer que les premiers sont nettement moins intelligents que les seconds, c’est choquant. Les choses ne s’arrangent guère avec le collège - que l’on veut justement réformer. Toujours à la rentrée 2014, les fils d’ouvriers étaient 28,2% à avoir du retard à leur entrée en troisième contre 10,2% des fils de cadres. Si l’on prend les enfants d’inactifs, on atteint 41% pour les garçons et 35% pour les filles. Et ça ne vous interpelle pas ? Dans la même veine, le ministère de l’Education estime que parmi les «décrocheurs» qui sortent sans diplôme du système scolaire et qui risquent d’être voués, ensuite, à la précarité, 34% ont un père ouvrier, 31% un père employé et moins de 10% un père cadre supérieur ou ayant une profession libérale. Ca ne vous interpelle pas ?
Dans l’argumentation des opposants à la réforme du collège on entend souvent « On casse ce qui marche ». Et bien non, ça ne marche pas si bien que ça... Ou en tout cas pas pour tout le monde...
Ces indispensables rappels sont à relier avec la remise de deux rapports ce mardi. Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’éducation nationale, a remis son rapport « Grande pauvreté et réussite scolaire » une sorte de testament pour celui qui fut directeur général de l’enseignement scolaire du temps de Vincent Peillon, le bras droit de l’ex-ministre de l’éducation. Ce rapport arrive comme un rappel : c’est d’abord pour les élèves les plus fragiles, dont le nombre n’a cessé de croître avec la crise, que la « refondation » de l’école a été engagée. “L’échec scolaire des plus pauvres n’est pas un accident. Il est inhérent à un système qui a globalement conservé la structure et l’organisation adaptées à la mission qui lui a été assignée à l’origine : trier et sélectionner ”, relève M. Delahaye. Le même jour l'avis présenté par Mme Marie-Aleth Grard (ATD Quart Monde) "pour une école de la réussite pour tous" a été adopté au Conseil Économique social et environnemental. Ces deux rapports sont complémentaires et d’ailleurs une partie des auditions ont été menées conjointement.

Pour finir cette (encore trop longue) revue de presse, je me permets de (re)donner cette phrase extraite du livre Les enfants de Barbiana, Lettre à une maitresse d’école, Mercure de France, Paris, 1968. Cette phrase résonne pour moi comme une interpellation permanente et l’indignation qu’elle suscite est une des principales motivations de mon engagement militant : « L’enseignement ne connait qu’un seul problème, les élèves qu’il perd... Vous dites que vous avez recalé les crétins et les paresseux. C’est donc que vous prétendez que Dieu fait naitre les crétins et les paresseux chez les pauvres... »

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot
















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samedi, mai 09, 2015

Bloc-Notes de la semaine du 4 au 10 mai 2015





- Les politiques s’en mêlent – Soutien ? - Les intellectuels s’emmêlent- .



Devinez de quoi parle le bloc notes ? De la réforme du Collège et des Programmes, bien sûr. Cette semaine a été marquée par l’irruption du débat politique. A droite comme à gauche tout le monde s’en mêle. Y compris le président de la République. Même si on peut s’interroger sur l’effet de son soutien.
Le concours continue : qui ne s’est pas encore exprimé sur les réformes ? Le bloc notes revient aussi sur les arrivages de la semaine...



Les politiques s’en mêlent
La polémique sur la réforme du collège continue de plus belle et elle prend un tour de plus en plus politique. En adressant directement à l’Elysée une lettre cosignée par plus de 150 parlementaires, le député UMP Bruno Le Maire a voulu marquer une étape de plus dans la contestation. Pour les élus de droite, son adoption serait “un naufrage pour notre Nation ”, dénonçant le fait qu’ avec cette réforme, le gouvernement “ abandonne l’excellence républicaine et choisit le nivellement par le bas ”. Dans sa longue interview au Figarol’ancien président et futur candidat, Nicolas Sarkozy évoque aussi le sujet et parle de “pédagogie” “Voici qu'on nous ressert le pédagogisme, c'est-à-dire le contraire de ce qu'il convient de faire.[...] La seule chose qui compte, pour les auteurs de cette réforme, c'est que l'enfant « ne s'ennuie pas ». Dans la République ce qui devrait compter, c'est que l'enfant apprenne. Et pour apprendre, il faut faire des efforts. L'enfant doit sentir que c'est au bout de l'effort qu'il trouvera l'épanouissement et le bonheur ; comprendre que dans la vie, on ne fait pas toujours que ce qui vous intéresse. Il n'y a pas de plaisir sans effort. Et cette espèce de « chasse à l'ennui », comme si l'école ne devait pas être aussi un lieu de contrainte, est une complaisance stupide. Une espèce de liberté sans limite qui affole les enfants, qui se trouvent perdus face à un monde dans lequel on ne donne ni repères, ni contraintes, ni règles. La République c'est l'exigence. Et c'est parce que l'on sera exigeant que l'on pourra tirer tout le monde vers le haut. Cette réforme, c'est le contraire de l'exigence, c'est le nivellement qui tirera tout le monde vers le bas.”Le débat a lieu aussi au Parlement. Un intéressant article sur le site de la chaine Public Sénat rend compte de ces échanges. Extrayons de ce long article l’argumentation de Françoise Cartron, vice-présidente PS du Sénat. “ Pour encourager l’excellence, il n’y a pas besoin de filières d’excellence” insiste-t-elle, “ elle doit se pratiquer dans toutes les classes ”. “Je suis contre la vision selon laquelle il faudrait mettre les excellents élèves entre eux, et les mauvais entre eux ”. Ce qu’il faut, ce sont “des classes hétérogènes où l’excellence est prônée pour les meilleurs et stimulante pour les autres ” explique la sénatrice socialiste. “Cette réforme s’appuie sur l’exigence de mixité sociale et la nécessité de donner à tous les élèves les moyens d’apprendre ” ajoute-t-elle. Mais la critique . viendrait aussi des rangs même du PS. Ainsi sur France Inter , l’ancien ministre Jack Lang a déclaré que “ Ce n’est pas en décapitant le meilleur, les filières d’excellence, que l’on peut construire une école de l’égalité et de la démocratie ”. Rappelons qu’il était à l’initiative de la création des classes européennes lorsqu’il était ministre de l’Education.
François Hollande devant le Conseil économique social et environnemental (CESE) mercredi et dans un collège des Yvelines jeudi a pris la défense de la Ministre. Face à 300 jeunes rassemblés au CESE, il n’a pas hésité à répondre à ces attaques contre la réforme. “J’entends le concert des immobiles, ce sont souvent les plus bruyants, ceux qui, au nom de l’intérêt général supposé, défendent leurs intérêts particuliers ”a-t-il lancé, enchaînant: “eh bien non, c’est terminé”.
Il est revenu à la charge Jeudi mais a surtout profité de sa visite dans un collège des Mureaux (78) pour présenter en détail son plan numérique pour l’École dont il avait annoncé les grandes lignes le 2 septembre 2014, jour de la rentrée des classes. Ce plan prévoit 1 milliard d’euros investis sur trois ans pour financer le plan « e-education » ; 15 millions d’euros en direction des créateurs de contenus et de ressources pédagogiques. «Pour chaque euro dépensé par les collectivités au collège, l’Etat investira également un euro», a-t-il précisé, en faisant référence à l’équipement. Mais c’est sur le volet formation que l’exécutif a voulu insister : le chef de l’Etat a annoncé la mise en œuvre, sans en chiffrer le coût, d’un «programme exceptionnel de formation des enseignants sur les années 2016-2017-2018» – en s’engageant, comme pour l’équipement des collégiens, au-delà du quinquennat....
Comme le titre Le Monde : “Le numérique pour oublier la réforme du collège” ? Pas sûr que ça suffise.

Soutien ?
Le soutien de François Hollande à la réforme et à Najat Vallaud Belkacem est à double tranchant. Certes, la ministre a du avoir le sentiment d’être bien seule ces dernières semaines, mais je ne suis pas sûr que l’arrivée du président dans le débat soit une bonne chose pour la réforme...
D’abord parce qu’il politise encore plus le débat. Osons le dire : dans le refus de la réforme, chez les enseignants, il y a une composante politique non négligeable. Le fait que cette réforme vienne d’un PS critiqué et en perte de vitesse ajoute à la critique et aux motifs de contestation. Toute réforme quelle qu’elle soit est lue avec la grille de lecture d’une contestation générale de la politique gouvernementale d’austérité. La réforme du collège ne souffre pas d’une exception en la matière même si les moyens sont préservés. Pour un certain nombre d’enseignants, la faute originelle de cette réforme est d’être initiée par un gouvernement socialiste...
L’autre motif d’inquiétude est que le soutien affiché peut masquer le début de concessions risquant de dénaturer les réformes et l’esprit même de la refondation. Un exemple nous en est fourni par les propos du président sur les programmes d’histoire jeudi dernier tels qu’ils nous sont rapportés par Le Café Pédagogique . D’après le site d’information François Hollande a dit être " attentif aux programmes d'histoire", et aurait rappelé que l'enseignement de l'histoire doit rappeler "les heures glorieuses de notre passé" et affirmé que "l'histoire doit être enseignée par la chronologie". Pour y veiller, "des personnalités seront associées aux programmes" pour avoir "le récit national". Toujours selon le Café Pédagogique, le nom de Pierre Nora circule déjà pour accompagner le travail du Conseil supérieur des programmes. La ministre devrait recevoir dans les jours qui viennent des historiens pour alimenter cette commission de contrôle.
Si l’on veut tuer l’esprit de la refondation, il ne faut pas s’y prendre autrement ! Le conseil supérieur des programmes (CSP) a été voulu par Vincent Peillon et a été voté dans la loi de refondation en juillet 2013. L’enjeu était d’en finir, comme ce fut le cas avec les programmes du primaire de 2008 et les nombreuses interventions de Nicolas Sarkozy, avec l’intrusion du politique et de tous les emballements médiatiques dans la fabrication des programmes. Le CSP est une instance indépendante, en créant cette grosse commission François Hollande met la ministre dans le tracas jusqu’au cou... Et ce lâchage, s’il est avéré, n’augure rien de bon...

Les intellectuels s’emmêlent
Le concours continue...
Qui ne s’est pas encore exprimé sur la réforme du collège et les programmes ? Cette semaine c’est au tour de Pierre Nora dans le JDD.fr , Alain Bentolila dans Marianne . Mais les intellectuels “pseudo experts” qui se mêlent de l’École, s’emmêlent quand on compare leurs avis. Ainsi Alain Bentollila qualifie de « catastrophe » l'abandon de l'approche chronologique de l'histoire alors que Pierre Nora qui souligne « une bonne inspiration, le retour à la chronologie »... Et ce sont pourtant deux éminents intellectuels. Pourquoi des propos aussi grossièrement contradictoires ? Et on pourrait multiplier les exemples...
Toujours dans les interventions intempestives, il faut citer aussi la “lettre ouverte au président de la République et aux « Attila » de l'éducation ” de Jean D’Ormesson dans Le Figaro . Celui-ci y fait preuve d’un machisme ordinaire masqué derrière la référence littéraire lorsqu’il écrit “Cette réforme, la ministre la défend avec sa grâce et son sourire habituels et avec une sûreté d'elle et une hauteur mutine dignes d'une meilleure cause. Peut-être vous souvenez-vous, Monsieur le Président, de Jennifer Jones dans La Folle Ingénue? En hommage sans doute au cher et grand Lubitsch, Mme Najat Vallaud-Belkacem semble aspirer à jouer le rôle d'une Dédaigneuse Ingénue. ”.
Après le Nutella, Attila... Les Huns et les autres...
Le concours continue. On attend l’avis de Philippe Bouvard, Patrick Sébastien ou Nabilla...

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot


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Pédago...


« Dans les époques paisibles, haïssant pour le plaisir de haïr, il nous faut chercher des ennemis qui nous agréent; souci délicieux que nous épargnent les époques mouvementées. »
Cioran. “Syllogismes de l'amertume” 1952


« Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. »
Albert Camus


Les pédagogistes fous” (Une du Point de cette semaine), “Les nouvelles perles de la novlangue pédagogiste” (Le Figaro du 16 avril 2015), “Réforme du collège : les délires pédagogistes” (Sophie Coignard, Le Point du 20 avril 2015), “Ubu, roi des « pédagogistes » ?” (Sophie Roquelle L’Opinion le 15 avril 2015), “Triomphe du pédagogisme” (Alain Nabat Les Échos le 24 avril 2015), sans compter la Une de Marianne de la semaine dernière qui titre sur “le massacre des innocents” et le “mépris des savoirs” et ne cesse d’utiliser l’expression dans son dossier. Le mot “pédagogisme” jusque là utilisé avec prudence semble aujourd’hui être passé dans le vocabulaire courant. Je viens de découvrir aussi qu’une notice Wikipédia, très orientée, est consacrée à ce terme.
Nommer les choses est un combat politique et s’inscrit dans un rapport de forces. Le retour de cette expression avec encore plus de virulence signifie bien que quelque chose a changé. Il ne s’agit pas seulement d’une escalade verbale. On est aussi face à tout un courant de pensée qui se renforce. En tant que militant pédagogique cela m’inquiète. L’expression est péjorative, certes, et elle n’est pas agréable à entendre, mais surtout elle montre que le combat des idées est difficile.
Je ne vais pas me poser en victime et plutôt que de crier à l’insulte et au mépris ressenti, je voudrais profiter de l’occasion pour faire le point sur toutes ces expressions[1] et essayer de donner des clés d’analyse. Et éventuellement quelques réponses...


Pédago... gistes ?
Pédagogistes” est l’expression la plus  utilisée. J’y avais déjà consacré un billet de blog en 2008. Mais elle est encore plus ancienne. Elle est utilisée depuis une trentaine d’années par les “républicains”pour disqualifier le discours des “pédagogues”. Mais on en trouve des traces dans un sens un peu différent dès le 16ème siècle.
Pédagogistes” ça sonne comme “intégristes”. Le suffixe est en général utilisé pour évoquer une approche fondamentaliste et dogmatique d’un courant de pensée. Le “pédagogiste” serait un idéologue pétri de certitudes et voulant imposer ses théories à tous. C’est pourquoi ce terme est aussi associé à l’idée de “complot”.
Le mot a aussi été beaucoup utilisé pendant la présidence Sarkozy, par l’ancien président lui même lorsqu’il s’attaquait à la “pensée 68”, et surtout par son ministre Xavier Darcos. Nicolas Sarkozy la réutilise dernièrement dans une interview au Figaro.
Au delà du politique, le mot est aussi rattaché au refus d’une approche “socio-constructiviste” des apprentissages et assimilé à l’idée (fausse) que l’enfant construirait seul (?) spontanément et sans effort ses propres savoirs. 
« Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé » aurait dit Einstein. Que répondre face à ces représentations et prénotions ? Même si je succombe encore au fantasme du prof qui parvient à convaincre par la seule force de son argumentation, je sais bien qu’il est difficile de se faire entendre de ceux qui ne veulent pas entendre. J’y ai déjà consacré plusieurs billets (en 2008, 2011, 2014,...) mais  pourtant je continue...
On peut une nouvelle fois réaffirmer avec force qu’un pédagogue est d’abord un enseignant qui se questionne et qui cherche à améliorer sa pratique. Le doute est permanent. En tant que militant pédagogique, j’ai des convictions mais pas de certitudes. Et des valeurs qui guident mon action.

Ces convictions, elles sont issues d’abord de ma pratique d’enseignant avant d’être le produit d’une “théorie” trop souvent vue comme déconnectée du réel. C’est d’abord la conviction que l’élève apprend mieux quand il est actif et surtout acteur. Si je crée des dispositifs qui permettent aux élèves de se motiver, de s’impliquer et les mettent en situation de produire et pas seulement de subir, si nous définissons le plus clairement possible ce qui doit être appris et comme cela sera évalué, je suis, en tant qu’enseignant, bien plus présent que si je fais de l’“instruction” par un simple cours magistral. Aucun spontanéisme là dedans, aucune mise en retrait de l’enseignant, bien au contraire et aucune baisse d’exigence. Quant à l’idée que l’apprentissage se ferait sans effort, elle n’est nullement présente. Mais pour beaucoup de nos contempteurs, il y a une confusion entre effort et douleur. Apprendre exige un effort, c’est une évidence pour tous mais rien n’oblige à ce que ce soit douloureux. Ni même ennuyeux !
Répétons le également, le débat qui opposerait les connaissances disciplinaires à la pédagogie est un débat vain[2]. Il ne s’agit pas de “brader les savoirs” comme il est souvent dit dans ces pamphlets. Au contraire, il s’agit de les prendre au sérieux. La piste du “travail par compétences”, par exemple, peut être une voie féconde pour rendre la pédagogie plus explicite et mettre les élèves en capacité de mobiliser les ressources acquises (savoirs, savoir-faire, attitudes,…) dans des situations inédites et complexes et non pas dans la récitation et la répétition.

Les valeurs qui orientent mon action sont celles de l’éducabilité et le refus de la résignation au déterminisme social.
L’éducabilité, ce n’est pas du “jargon” ! Cela signifie simplement, bien loin de l’idéologie des “dons”, que nous devons croire à la capacité de chacun à apprendre et progresser. Si l'on ne postule pas que les êtres que l'on veut éduquer sont éducables, si on ne pense pas que son action peut agir sur leur destin, il vaut mieux changer de métier... C’est aussi pourquoi il nous faut agir au quotidien pour que, par nos pratiques, nous ne renforcions pas les inégalités produites par la société mais aussi par l’École. Comment puis-je faire pour créer les conditions d’un réel apprentissage des élèves ? Comment organiser le cadre qui permet de faire des jeunes des élèves, créer la motivation, l’intérêt pour ce qui est enseigné, donner du sens aux savoirs appris, donner des objectifs clairs et explicites aux élèves, identifier les difficultés des élèves et proposer des aides pour les résoudre, évaluer leurs progrès et leurs compétences ? Telles sont les questions que se posent les enseignants aujourd’hui s’ils veulent être des professionnels de l’acte d’apprendre. Par ailleurs, on peut considérer que l'acquisition des savoirs est inséparable de celle des règles du « vivre ensemble » : apprendre à respecter celui qui raisonne juste et convainc sans violence relève bien de la mission première de l'école. La pédagogie est en effet porteuse de valeurs, il y a des dispositifs qui sont plus démocratiques que d’autres. On peut instituer des modes de travail qui soient plus coopératifs et fondées sur l’échange et la solidarité plus que sur la compétition.
Le refus du déterminisme social nous amène à la question de la finalité de l’enseignement. Certains anti-pédagogues renvoient la responsabilité de la difficulté scolaire sur l’élève lui même[3]. S’il n’apprend pas c’est qu’il n’est pas sérieux et c’est de sa faute et “à chacun selon ses mérites”... Et le caractère sélectif de l’enseignement se trouve justifié et l’échec devient alors une sorte de maladie nosocomiale de l’École. En revanche, si l’on se donne comme ambition de “faire apprendre” tous les élèves, il faut alors mettre en œuvre une pédagogie qui permette de lutter contre les inégalités sociales et scolaires. Et qui passe par une pédagogie différenciée et une véritable prise en compte de la difficulté scolaire.
L’idéologie, ce sont les idées de mes adversaires” disait Raymond Aron. Penser que chacun peut apprendre, être révolté par les inégalités sociales et la sélection précoce, penser que l’École peut aider à construire des citoyens autonomes, critiques et responsables qui prennent plaisir à apprendre, croire aux vertus de la coopération et de l’agir pour apprendre, ... Est-ce de l’idéologie ? Si oui, quelle serait  alors celle de nos supposés adversaires ?


Péda... Gogos ???
Gogos” et quelquefois même “gogols”... ! Car il y a plusieurs stades dans l’insulte, au mieux les pédagogues seraient des “bisounours” au pire ils seraient tout simplement “fous” (titre du magazine Le Point de cette semaine).
Dans une époque où le cynisme tient lieu de valeur et de posture permanente, les pédagogues sont considérés comme des naïfs qui ne voient pas tous les obstacles et les préalables à l’action. Ceux qui sont revenus de tout sans jamais y être allés (selon la belle formule de Ph. Meirieu) moquent ceux qui croient aux vertus de l’action individuelle et collective pour changer les pratiques de classe.
Et puis, c’est bien joli de vouloir faire de la pédagogie, et vouloir innover, mais tu comprends, l’École ne peut pas lutter contre les inégalités sociales... ” “Si  les élèves ne veulent pas travailler on y peut rien” “Tu ne vois pas qu’il y a une intention cachée derrière cette réforme ?” “Tant qu’on aura pas plus de moyens/moins d’élèves/de la formation, on ne pourra pas avancer...”
Ce discours “aquoiboniste” fait de renoncement et de déploration existe aussi dans les salles des profs. Même si les discours sont une chose et les actes en sont une autre. En fait, dans les actes, les enseignants font du mieux qu’ils peuvent et agissent au quotidien. Mais avec le sentiment d’un “travail empêché” résultant d’un décalage entre le métier idéalisé et le métier réel.
Dans ce contexte, le discours pédagogique souvent très volontariste est alors vécu comme culpabilisant et culpabilisateur. La réaction est alors de disqualifier ce discours en le considérant comme irréaliste et naïf.
L’optimisme n’est pas de la naïveté. Comme nous le disions plus haut, si on ne pense pas que son action peut avoir un effet sur la réussite de tous les élèves, il y a de quoi s’inquiéter. “Combiner le pessimisme de la raison et l’optimisme de l’action”, cette belle formule d’Antonio Gramsci (reprise de Romain Rolland) résume assez bien la posture qui est celle d’un militant.
Ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il ne faut pas essayer. Tout en étant conscient des limites de son action. On ne va pas tout seul résoudre toutes les difficultés des élèves et supprimer les inégalités sociales ! Mais on fait sa part...



Pédago... crates ?
On parle de “pédagocrates” tout comme on parle du complot “pédagogiste”. Avec l’idée que les idées pédagogiques sont imposées d’en haut par une technostructure déconnectée du terrain.
Un peu d’histoire s’impose. Dès sa création en 1945[4], la revue “Cahiers Pédagogiques” se voulait un organe de liaison entre les enseignants  des classes nouvelles (issues du Plan Langevin-Wallon) et tout ceux qui voulaient innover dans une école marquée, hormis ces quelques îlots, par un grand conservatisme. Plus tôt dans le siècle, Célestin Freinet, se rebelle contre les pesanteurs et est contraint de quitter l’enseignement public pour mener son projet. Enseigner autrement que les autres était difficile, alors qu’on était isolé et qu’on subissait la pression conservatrice de la hiérarchie. La liberté pédagogique était alors surtout revendiquée par  les pionniers de la transformation de l'école. Mais aujourd’hui, le message est brouillé et c’est plutôt dans le camp des “conservateurs” que le thème de la liberté pédagogique a été repris pour justifier la liberté... de ne pas changer.
Le vocabulaire, les idées de la pédagogie ont en effet pénétré dans l’administration de l’Éducation Nationale et ses différentes instances (IUFM, ESPÉ, formation continue, ). Nul complot là dedans. Il s’agit d’une évolution dictée par la nécessité de la démocratisation. Mais cette récupération des thèses pédagogiques par la technostructure n’est pas sans effets pervers. Car bien souvent il y a eu édulcoration et construction d’une vulgate pédagogique qui contribue à en détourner le sens et la portée et qui a pu masquer (reconnaissons le) une gestion de la pénurie. Et comme, de plus, cela s’inscrit dans une logique qui reste très bureaucratique, l’administration s’attache plus à la conformité des procédures qu’aux finalités de l’action pédagogique.
Et surtout cela contribue à une situation paradoxale. Comme le discours pédagogique (même s’il est  un peu dévoyé) semble être devenu le discours dominant de l’administration, la posture change de camp : le “conservateur” devient alors un pseudo “rebelle”. Un rebelle face à une administration vue trop souvent comme un ennemi mais un conformiste sur le plan des idées pédagogiques. Un conformisme qui est très important dans les salles des profs et qui conduit toujours à considérer le ou la collègue qui veut innover comme un(e) déviant(e) et un “pédagogo”...
L’appellation de “pédagocrates” et les procès en légitimité qui sont faits pour disqualifier,  ne résistent pas à l’examen. Les militants du CRAP-Cahiers Pédagogiques, comme des autres mouvements pédagogiques sont d’abord des enseignants de terrain qui agissent dans leurs classes au quotidien et dans leurs différents champs d’intervention (formation initiale et continue, activités péri-scolaires). Que les idées que nous portons soient reprises aujourd’hui, on peut évidemment s’en réjouir. Cela signifie que notre action militante à tous les niveaux (et au grand jour !)  est entendue. Cela n’empêche pas la vigilance car nous savons bien qu’il peut y avoir dévoiement si cela apparait comme venant d’en haut.
Nous militons, quant à nous, pour que la structure de l’éducation nationale devienne moins rigide et donne plus de pouvoir d’agir aux équipes enseignantes au plus près des réalités et des besoins des élèves. Les “pédagocrates” ce devrait être chacun et chacune d’entre nous !


Parlez vous le pédagol ? 
Novlangue”, “Jargon”, “Charabia”... On s’en est donné à coeur joie dans la presse récemment pour dénoncer “la novlangue pédagogiste élaborée rue de Grenelle” ...
La publication des projets de programme par le Conseil Supérieur des programmes a déclenché les moqueries.
Certes, "Se déplacer […] dans un milieu aquatique profond standardisé” prête à sourire... Mais quelle profession n'a pas son vocabulaire spécialisé pour désigner le plus précisément possible ce que l'on doit faire ? Avez vous déjà lu un texte juridique ou un texte médical ? Pourquoi seule l'éducation en serait privée ?
Le problème c'est que le vocabulaire pédagogique a un double usage. Il est utilisé par les professionnels pour décrire ce qu’ils doivent faire mais il peut aussi être destiné aux parents et au grand public. Il faut donc bien distinguer ces deux niveaux et un effort de traduction s’impose tout comme le médecin se doit d’expliquer le plus clairement possible à ses patients
Mais je ne peux m’empêcher de penser que, à tort ou à raison, derrière cette nouvelle attaque, c'est encore un procès en légitimité qui se dessine. Avec l'idée que la “pédagogie" ne relève que du “bon sens" et de l'art. Et qu'elle ne peut être envisagée comme une approche rigoureuse et scientifique ni même une profession. Dans toutes les attaques contre les pédagogistes dans la presse, de nombreux polémistes ont en effet parlé de “pseudo-sciences  à propos des sciences de l’éducation.
Il ne s’agit pas ici dans ce billet (déjà trop long) de revenir sur cette discussion récurrente et qui peut aussi s’analyser comme le résultat de rapports de forces entre différents “champs”. De part et d’autres il y a des excès. On aimerait que les éditorialistes et autres intellectuels aient une meilleure connaissance des mécanismes d’apprentissage qui ne se limitent pas à leur expérience personnelle. Et qu’ils aient aussi un peu plus de culture sociologique pour pouvoir vraiment comprendre la difficulté scolaire. Et les pédagogues et (surtout) les didacticiens doivent aussi éviter de “jargonner”. Nous le savons bien aux Cahiers Pédagogiques où les rédacteurs en chef de la revue veillent sans cesse à ce que les articles soient le plus accessibles !
Le jargon de métier n'est admissible que là où il y a “métier”  et cette polémique semble dire que “pédagogue” n'est est pas un... Si les enseignants doivent travailler ensemble, il faut comme dans toute profession qu’ils aient donc un vocabulaire de métier. Il faut aussi qu’ils s’appuient sur des connaissances solides non seulement sur leur discipline mais aussi sur leurs pratiques et sur les élèves. Je suis frappé pour ma part, par la faible culture sociologique de nombreux collègues, qui les amènent à “naturaliser” la difficulté scolaire (“il n’est pas doué”). Le recours au bon sens et à la seule expérience personnelle est tout aussi inquiétant.
On a  besoin d’un vocabulaire précis pour échanger entre nous. Parler d’évaluation “formative” ou d’évaluation “sommative”, par exemple, ce n’est pas la même chose et c’est utile pour débattre entre collègues. Mais, tout comme il ne faut pas abuser des sigles, il ne faut pas non plus utiliser dans la communication externe, un vocabulaire qui fasse écran au partenariat et au travail avec les parents.
A l’inverse, il serait utile que, tout comme il y a des émissions sur la santé, il y ait des émissions de vulgarisation sur les enjeux de l’éducation dans les médias. Car l’éducation c’est en effet l’affaire de tous. Mais plutôt que d’en parler sur le mode de la moquerie ou de la polémique caricaturale, les médias seraient bien inspirés d’en faire un sujet de connaissance et de culture. On peut rêver...



Qu’est-ce que ça vous fait d’être traité de pédagogiste fou ?” m’a demandé récemment une journaliste.
Evidemment ça ne fait pas plaisir.  J’assume bien volontiers d’être contredit et j’accepte le débat mais je m’accommode mal de constater que nos idées sont caricaturées et déformées. Ce qu’on dit de la pédagogie ne correspond à rien de ce que je connais. On a l’impression que pour certains, il est plus facile de combattre quand on s’invente ses ennemis...
Plutôt que de construire un épouvantail que serait la caricature du “pédagogiste”, il serait bon que l’opinion publique et tous nos intellectuels s’intéressent vraiment aux finalités de l’École et à la lutte contre les inégalités.
Constater que la France est un des pays où le poids de l’origine sociale pèse le plus sur la réussite scolaire devrait nous interpeller tous. Ce qui continue à m’animer après toutes ces années, et qui explique mon militantisme, c’est surtout une indignation. Je ne m’accommode pas des inégalités et de l’injustice de notre système éducatif. Et la pédagogie telle que je la conçois, bien loin de tous ces suffixes péjoratifs, c’est d’abord agir au quotidien, par mon action dans ma classe et plus largement par la diffusion des idées et des pratiques pour lutter contre ces inégalités.


Philippe Watrelot
Le 9 mai 2015



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Chronique éducation de Philippe Watrelot est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
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[1] D’où l’abus de guillemets dans ce texte veuillez m’en excuser.
[2] « Il faudrait enfin qu'on arrive à sortir de cette méthode qui consiste à penser toujours sur le mode de variation en sens inverse, c'est-à-dire que plus je m'intéresse à l'élève, moins je m'intéresse au savoir ou plus je m'intéresse au savoir, moins je m'intéresse à l'élève ... » . (Ph. Meirieu)
[3] Bernard Charlot "Vade retro Satanas, pourquoi le débat avec les antipédagogues est impossible" article paru dans “L'École entre Autorité et Zizanie Ou 26 façons de renoncer au dernier mot” Lyon, Chronique Sociale, 2003.
[4] Le Cercle de Recherche et d’Action Pédagogiques (CRAP) est né quant à lui en 1963.

samedi, mai 02, 2015

Bloc-Notes de la semaine du 27 avril au 3 mai 2015





- Déferlante - Reflux - Marigot -

Encore une fois, le bloc-notes se concentre sur le traitement médiatique des débats sur le Collège et les programmes. Les derniers jours ont vu se multiplier les prises de position des intellectuels et éditorialistes. Pourquoi une telle déferlante ? Pourquoi une telle virulence ? Pourquoi ce débat est-il si déséquilibré dans la presse ? Peut-il y avoir une riposte ou du moins une alternative à cette bulle médiatique ?
 Voici quelques unes des questions que nous essaierons de traiter. Nous conclurons en allant faire un tour aussi du côté des réseaux sociaux transformés en cour de récré...

La déferlante
C’est un festival ! Contre la réforme du collège et/ou des programmes, se sont exprimés récemment : Régis Debray , Laurent Bouvet , Pascal Bruckner , Dimitri Casali , Alain Bentolila , Luc Ferry , Sophie Coignard , Jean-Paul Brighelli, Danièle Sallenave , Véronique Marchais (Sauver les lettres) , Pierre Jacolino (GRIP-SLECC) . Sans compter les éditorialistes : Laurent Joffrin (Libération) , Yves Thréard (Le Figaro) ,Éric Dupin (Slate.fr) , Bruno Roger-Petit (L’Obs, Challenges) , Catherine Nay (Valeurs Actuelles), l’inévitable Éric Zemmour (RTL), Christophe Barbier (L’Express) Et pour faire bonne mesure, n’oublions pas non plus les politiques avec Sébastien Huyghe (porte parole UMP) ou Rama Yade (UDI). Sans oublier bien sûr la Une de Marianne qui titre sur “Le massacre des innocents” et lance une pétition.
Et en face ? Rien ou presque.
Et un Ministère qui semble pour l'instant sidéré face à cette déferlante qu'il n'anticipait pas...
La bataille de l’opinion est elle perdue ?
Les choses ne sont pas jouées. La majorité des enseignants du collège n’a pas encore, me semble t-il, une opinion établie sur la réforme. En revanche, la déferlante d’articles d’éditorialistes et d’intellectuels de ces derniers jours est en train de construire ou renforcer une opinion publique (dont les enseignants de collège font partie) dans une position conservatrice qui peut rendre la réforme difficile à mener jusqu’au bout.
En même temps, on peut se dire que les outrances de certains médias et éditorialistes qui affirment que la réforme du collège et des programmes “tue la civilisation occidentale”, “déracine l'identité française” et menace la cohésion nationale desservent plus la cause de ceux qui s'opposent à certains aspects de cette réforme qu'elles ne les servent.
On pourrait, comme le font certains journalistes éducation déplorer les erreurs de communication du Conseil Supérieur des Programmes et du Ministère. Mais on peut se dire aussi que malgré toutes les précautions d'écriture, certains auraient trouvé à redire. Il est facile de rejeter la faute sur une erreur de communication. On trouvera toujours la petite bête si on veut bien la chercher...
Notre question, ici, sera plutôt d’essayer de comprendre pourquoi ce débat médiatique et syndical s’enflamme autant. Et pourquoi il semble si déséquilibré.
Si le débat a cette virulence c’est peut-être d’abord parce qu’on y rejoue un scénario classique. On a l’impression de revoir le film de 1977 (création du collège unique) ou encore les polémiques autour des “maths modernes” et bien sûr les débats très vifs en 82 (rapport Legrand), en 89 (rapport Bourdieu-Gros et loi Jospin), ou 99 (rapports Meirieu et Dubet, Ministère Allègre). Le débat entre les deux “camps” est présenté souvent comme celui entre les “pédagogues” et les “républicains”. Aujourd’hui on utilise même le terme à connotation péjorative de “pédagogiste”, j’y ai consacré un billet sur mon blog. Ce débat est, pour une bonne part, une construction médiatique. Nous avions consacré la première table ronde de la journée de célébration du n°500 de notre revue en 2012 à cette question (cf. ce compte rendu surprenant ). Plusieurs participants avaient montré que le débat médiatique reposait sur l’obligation du spectaculaire et du simplisme et le refus de la pensée complexe. On a construit des succès de librairie et de presse sur ces simplifications, des oppositions stériles et la fabrication d’adversaires fondée sur des caricatures. La figure du “pédagogiste” (forcément délirant) et au jargon abscons est un épouvantail facile dans certains milieux. Tout comme l’ “anti-pédago” (forcément réactionnaire) est une caricature tout aussi vaine dans le camp pédagogique, d’ailleurs.
Il y a en France, 66 millions de “spécialistes” de l’École. On va y aller, on y est, on y est allé, on y a des enfants ou des petits enfants... Tout le monde a un avis. On a tous aussi une histoire particulière faite d’échecs ou de réussites qui nous ont fait grandir. Et on juge l’École et ses évolutions par rapport à cette représentation idéalisée et nostalgique. Dans les réactions de nos intellectuels et éditorialistes, anciens bons élèves et peu confrontés à la difficulté scolaire, on a l’impression que cela est bien présent. Car plutôt que d’utiliser l’expression de pseudo-intellectuels employée maladroitement par la ministre dans une interview, il faudrait plutôt dire que le statut d’intellectuel (et encore moins celui d’éditorialiste) ne vous confère pas d’expertise dans le domaine de l’Éducation. D’autant plus quand les jugements portés se font sans avoir lu véritablement le projet et sur une idée déjà bien établie de l’École et de son évolution qu’on répète à l’envi. On devrait donc plutôt parler de “pseudo-experts”.
Mais s’ils sont convoqués par les médias c’est aussi parce que ceux-ci aiment bien les polémiques et les grandes causes nationales où il s’agit de préserver notre identité menacée. L’École est un “monument national”, un symbole, auquel il ne faut pas toucher. Tout comme le camembert au lait cru ou les plaques minéralogiques avec le numéro du département...! Dans cette logique l’enseignement de l’histoire a une place particulière puisqu’il est vu par certains comme un vecteur de cette “identité nationale”. Débat récurrent et toujours biaisé.
Si le débat s’exprimait seulement sur le mode de la nostalgie, de la crainte et de la perte, ce ne serait pas trop grave, on est habitué... Mais ce que révèle ce débat médiatique est plus inquiétant. On devrait compter les occurrences du mot “élitisme” ou bien encore de l’expression “idéologie égalitariste” (sans compter le mot “pédagogiste) pour en prendre la mesure. “L’idéologie c’est l’idée de mon adversaire” disait Raymond Aron, et on voit poindre derrière la critique de la réforme, un débat qui remonte aux débuts du collège unique et aux finalités même du système éducatif. Mais qui prend aujourd’hui une signification bien particulière dans le contexte idéologique qui est le nôtre en 2015. C’est Christophe Barbier dans L’Express avec son éditorial intitulé Éducation: la médiocrité partagée qui va le plus loin dans l’affirmation d’une “idéologie” qui est tout sauf égalitaire en prônant une “Exigence intellectuelle, en n'envoyant que ceux qui le méritent vers le haut, en orientant les autres vers des tâches à leur niveau et en rétablissant la sélection dans toute sa saine nécessité.
Derrière la bataille autour du collège, on trouve donc beaucoup de non-dits. L’élitisme qui est défendu est de moins en moins “républicain” et encore moins démocratique. A part quelques uns (dont C. Barbier) qui le disent ouvertement, en général on n’ose pas dire qu’il s’agit bien d’une sélection et d’un tri précoce que l’on défend. Les sections européennes, les enseignements de langues anciennes, l’allemand accueillent bien sûr des élèves issus des milieux défavorisés. Heureusement. Mais la question qui est posée est celle de savoir si l’on peut maintenir en même temps des dispositifs sélectifs et offrir le maximum à TOUS les élèves. Le beurre et l’argent du beurre ? Je l’ai déjà écrit, c’est l’idéal méritocratique et la sélection qui sont inscrits dans l’ADN de notre système éducatif, y compris au Collège qui a été conçu dès sa création comme un “petit lycée” plutôt que d’être pensé comme un prolongement du primaire et surtout comme la poursuite de la scolarité obligatoire. Ce que cette polémique révèle, c’est que quarante ans après, ce débat n’est toujours pas fini pour nos élites. Et qu’il ne sent pas très bon...
Il faut aussi souligner que ce débat ne recoupe pas exactement le clivage droite/gauche. Un bon nombre d’enseignants hostiles à la réforme se déclarent “de gauche”. Même s’ils en viennent sur les forums à trouver des qualités à certains pamphlétaires de droite parce qu’ils s’opposent à la réforme... De même on trouve aussi de nombreuses prises de position pour une pédagogie très traditionnelle et une défense d’une école élitiste. On a donc une confusion des repères et une parole qui se libère, inquiétante dans ses excès et ses implicites. La réforme du collège et des programmes en brassant ces mots piégés d’“idéologie égalitariste” ou de “nivellement par le bas” agit ainsi comme un révélateur des contradictions du monde enseignant et de l’opinion.

Reflux ?
La ministre semble bien seule. Peu de tribunes en soutien à la réforme, nous l’avons dit. Il est vrai que la nuance et la complexité ne font pas bon ménage avec les débats simplistes et binaires qu’affectionnent les médias.
La mobilisation est faible du côté politique. Mais aussi dans le monde éducatif. Ces derniers jours, on n'a pas vu non plus, le reste de l'administration de l'éducation nationale venir au secours du Conseil Supérieur des Programmes (CSP) et de son président Michel Lussault (je distingue bien les programmes de la réforme du collège, même s'il y a convergence). On peut l'interpréter aussi comme une sorte de guéguerre de territoires entre différentes instances. En particulier l'inspection générale, peu impliquée dans la confection des programmes, se garde bien d'intervenir. A t-on vu l'IG d'histoire s'exprimer sur la polémique actuelle ? La Dgesco a t-elle vraiment digéré l'existence de ces instances extérieures à son périmètre que sont le CSP, le CNESCO et le CNIRÉ ? On peut aussi se demander si les corps intermédiaires (chefs d’établissement, inspection) ont tant intérêt que cela à aller vers des programmes qui laissent plus de marge de manœuvre aux enseignants. Ce qui suppose une remise en cause des manières d’agir et de contrôler jusque là en vigueur.
Quelle sera la suite ? Si la réforme du collège est, en principe, bouclée puisque les négociations ont cessé, en revanche la consultation sur les nouveaux programmes de l'école (dont on ne parle pas du tout !!!) et du collège commence le 11 mai et se poursuit jusqu’au 12 juin. Comme le dit Michel Lussault président du CSP dans Les Échos : “En tant qu’universitaire, j’accepte et je réclame des critiques, je les souhaite. Envoyez-moi des critiques, mais des vraies ! Ces programmes sont perfectibles, mais évitons les polémiques politiciennes, l’école vaut mieux que cela. La plupart de ceux qui critiquent ne le font pas dans une bonne perspective, et orientent politiquement leur discours. ”. En Histoire comme ailleurs, peut-être que l’on pourra dépasser les rumeurs et contre vérités (recensées par Bernard Girard) pour aller vers une critique constructive comme celle que propose le collectif aggiornamento avec un ensemble de propositions qui méritent d’être lues attentivement. Gageons que les enseignants des autres disciplines et des autres cycles feront la même démarche en dépassant la méfiance et les craintes.
Et la ministre ? "Il faut qu'elle tienne car c'est une bonne réforme, dans la continuité de ce qui a été fait depuis 2012", déclare à Europe 1 son prédécesseur, Benoît Hamon. "Pour l'instant, elle gère très bien ce dossier. Mais il ne faut pas qu'elle soit seule à parler. C'est dans ces moments-là qu'on aimerait bien entendre le PS et l'exécutif", suggère t-il. Pour Marie-Caroline Missir dans L’Express , le risque est grand cependant qu’on en vienne à “débrancher la réforme”, “quand toutes les interventions medias du monde ne parviennent ni à faire taire les rumeurs de salles des profs, ni à désamorcer des critiques infondées. ”.
Les jours qui viennent vont se jouer à plusieurs niveaux. C’est d’abord une bataille de l’opinion qui se poursuit. C’est aussi un enjeu de rapport de forces avec la grève du 19 mai prochain. Comme une réforme passe forcément par l’assentiment des acteurs, on ne pourra pas faire, me semble t-il, l’économie de part et d’autre d’un retour à la table des négociations pour dépasser le clivage conservateurs/progressistes et entendre les alternatives progressistes qui pourraient enrichir la réforme.
Il y a aussi me semble t-il un travail d’argumentation et de conviction qui peut se jouer dans les établissement scolaires. Partir de l’existant et montrer que les pratiques telles que l’interdisciplinarité ou l’accompagnement existent déjà et que l’on peut s’appuyer sur l’expérience des collègues. Au passage, je signale que c’est ce que propose le dernier numéro des Cahiers Pédagogiques consacré à l’interdisciplinarité (on ne l’a pas fait exprès !). Il faut aussi évidemment “mettre le paquet” sur la formation continue et l’accompagnement de la réforme.

Marigot.
Le débat sur le collège s’est aussi développé sur les réseaux sociaux. J’ai déjà évoqué de manière allusive, dans plusieurs blocs-notes le climat tendu et malsain dans lequel il se déroule.
Cela a été résumé dans un article paru sur le site BuzzFeed avec le titre “Le débat sur la réforme du collège, pire que la cour de récré ”. Le Figaro a aussi évoqué les profs qui s’invectivent sur les réseaux sociaux.
Plusieurs enseignants se sont aussi émus de ces dérives : Laurent Fillion ou Mila Saint-Anne ou encore une collègue du primaire qui s’interroge “Comment des gens qui sont descendus dans la rue au cri de « je suis Charlie » peuvent-ils à ce point écraser à coup d’insultes et de lâches comptes anonymes la liberté d’expression de leurs collègues, pour de simples divergences d’opinion ?”.
Nous évoquions au début de ce trop long bloc-notes, des débats anciens et récurrents. Mais une des nouveautés du “débat” tient en effet à l’usage des réseaux sociaux. Un usage maladroit et hystérique. C’est particulièrement vif sur Twitter où le format (140 caractères) est peu propice à l’échange d’arguments mais plutôt à des comportements de sniper où il s’agit de répliquer dans l’instant et avoir le dernier mot.
Disons le, le plus clairement possible, cela s’est surtout manifesté avec une irruption massive et apparemment concertée de militants syndicaux se revendiquant du SNES et une stratégie visant à interpeler de manière systématique (à la limite du harcèlement) ceux qui émettaient un avis positif sur la réforme du collège. L’objectif avoué étant de « pourrir » les comptes de ceux qui devenaient alors la cible de leurs messages à répétition. On retrouve aussi derrière cette stratégie, me semble t-il, la volonté de combler un retard dans l’usage des réseaux sociaux par rapport à d’autres syndicats et notamment le SE-UNSA qui en avait fait un outil privilégié. Il y a une logique de revanche qui se double alors d’une logique du “camp contre camp” où tout est lu par certains au prisme de cette “guerre” syndicale ancienne et ravivée par les réseaux sociaux. Si on est optimiste, on peut se dire que ces excès actuels se réguleront avec le temps et qu’on reviendra à un usage plus intelligent de ces réseaux. On peut y échanger autre chose que des invectives...
En 140 caractères, difficile de faire dans la nuance et chaque mot peut être très vite détourné et mis en exergue dans le but de nuire ou d’être lu comme une insulte. Il est facile en revanche de renvoyer tout le monde dos-à-dos. Mais il est quand même notable que les attaques sur les personnes plus que sur les idées semblent provenir plus d’un camp que d’un autre. On remet par exemple en question la légitimité à parler de tel ou tel qui ne serait pas “dans les classes” (on n’a pas vu la même critique pour les intellectuels hostiles à la réforme, c’est curieux). Mais un autre stade a été franchi par quelques uns, évidemment anonymes, avec ce que l’on appelle avec beaucoup de guillemets des “comptes parodiques”... Il s’agit de comptes ouverts (anonymement) pour se moquer de certains intervenants en détournant leur identité. Une lecture rapide pourrait faire dire qu’il s’agit d’humour et d’un esprit satirique à la française. Mais le contenu et l’usage qui en est fait est aussi. destiné à nuire et à blesser. Après d’autres, je suis victime à mon tour d’un de ces comptes “parodiques”. avec attaques sur le physique et jeux de mots sur mon nom et celui de l'association que je représente. 
J’espère que cela est le fait d’individus isolés et en déshérence et que cette pratique n’est pas cautionnée par une quelconque organisation. On serait alors au delà de la “cour de récré”, ce qui n’est déjà pas très glorieux. Pour ma part, ma détermination est totale. Non pas pour “culpabiliser” qui que ce soit ni porter des analyses surplombantes mais pour interpeller et surtout discuter des finalités et des modalités d’organisation du collège et de l’ensemble du système éducatif. Ce qui me donne cette force c’est que ma parole et mes analyses s’appuient sur un collectif (le CRAP-Cahiers Pédagogiques et son réseau) et la conviction que l’on peut parvenir collectivement à faire évoluer notre système éducatif pour construire une École plus juste et plus efficace.

Bonne Lecture...



Philippe Watrelot




Ajout du lundi 4 mai : Dimanche 3 mai, en fin d'après-midi, j'apprenais que le compte twitter “FifiWaterzoi" a été supprimé ainsi que d'autres comptes "parodiques” du même acabit.
Fin de la récré ?



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