samedi, juillet 16, 2016

Conseils de (vieux) prof...



Ne soyons pas trop généreux de conseils ; gardons-en pour nous-mêmes.” John Locke

Il y a toujours beaucoup de prétention à s’ériger en donneur de conseils. D’abord parce que le “conseilleur” n’est pas forcément lui même un modèle ni un exemple et peut avoir du mal quelquefois à appliquer ses propres conseils... Et puis ensuite parce qu’il n’y a pas une seule manière de faire et que toutes les situations sont particulières. Même s’il y a quand même des invariants, il faut que chacun puisse trouver son style.
Donc, mon premier conseil : méfiez vous des conseils ! (y compris des miens, mais que ça ne vous empêche pas de poursuivre votre lecture...!)


Tout ne se joue pas lors de la première heure ! Il faut prendre du recul face à toutes ces généralités dites souvent sur un ton péremptoire “Ne pas sourire avant Noël”, “ne pas leur tourner le dos” et autres fadaises. Non, tout ne se joue pas dès la première heure de cours. Vous risquez même d’être surpris par les quinze premiers jours qui vont souvent se passer dans une sorte d’état de grâce. C’est ensuite que les élèves vont vous tester et qu’il va falloir faire attention et tenir bon sur un certain nombre de principes. Mais, même là, tout ne se joue pas définitivement. On peut se rattraper même si on a mal commencé.


(je n'ai pas le téléphone de la 3ème fée...)
L’autorité ça s’apprend et ça se construit : une autre fausse évidence souvent entendue est celle sur l’ “autorité naturelle”. Et c’est souvent une angoisse chez les enseignants (et pas seulement débutants...) : vais-je me faire respecter ? Vais-je y arriver avec cette classe ? Il ne suffit pas de maîtriser les savoirs savants et scolaires pour être un bon enseignant. Il faut aussi avoir réfléchi à son rôle et aux questions d’autorité. L’autorité se construit au quotidien et tout au long de sa carrière. Et elle se construit aussi collectivement : quand il y a une cohérence au niveau de l’équipe et de l’établissement, que le climat scolaire est propice aux apprentissages, l’autorité est alors partagée et multipliée...


Dire ce que l’on va faire, faire ce que l’on a dit :  ce qui importe pour un enseignant (et au final pour tout adulte) c’est d’être cohérent et prévisible. C’est pourquoi il faut toujours annoncer clairement les règles que l’on va suivre et s’y tenir. C’est une question de clarté du fonctionnement et de respect vis à vis des élèves. Et c'est ainsi d'ailleurs que se construit l'autorité.
Cela veut dire aussi qu’il ne faut pas annoncer et promettre des choses qu’on ne peut pas tenir. C’est donc pour cela que, s’il est souhaitable que ces règles et ces valeurs soient formulées explicitement, il peut être dangereux de s’enfermer dans un ensemble de contraintes trop important comme des « règlements de classe » interminables. La cohérence, elle se voit surtout dans les actes et dans les valeurs qui les sous-tendent.


Donner des repères va dans le même sens. Annoncer le plan du cours et/ou les objectifs, donner le temps pour chaque tâche, matérialiser par des rituels l’entrée dans l’espace particulier qu’est la classe sont des moyens de sécuriser l’élève. Une des fonctions majeures de l’enseignant c’est d’être garant du “cadre” et donc de rappeler les limites afin de garantir à chacun (y compris contre soi même) qu'il puisse bien y avoir la possibilité d'apprendre.


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Enseigner est d’abord une relation (mais pas seulement)  : ce n’est évidemment pas que cela, mais si on ne crée pas d’abord le contact il ne peut pas y avoir transmission des connaissances… Il y a donc une dimension  affective et interpersonnelle essentielle dans l’acte d’enseignement. Qu’on s’en défende ou qu’on l’assume, notre métier ressemble aussi à celui d’un animateur au contact d’enfants : il faut gérer l’affectif, négocier... Mais être enseignant c’est aussi et surtout une question de savoirs et savoir-faire à apprendre aux élèves. Et pour cela mieux vaut avoir une certaine passion et transmettre la saveur des savoirs. Le risque est double : oublier les savoirs et ne plus être que dans le relationnel et à l’inverse être un savant qui oublie d’établir le contact et de se mettre à la portée des élèves.


En cas de conflit, décalez et dépersonnalisez : lorsqu’il y a de la tension, on perd (souvent) la raison. Réagir à chaud n’est pas forcément une bonne solution d’autant plus lorsqu’on court le risque de l’engrenage devant le reste de la classe. Il peut alors être utile de retarder et de décaler la confrontation en proposant par exemple d’en reparler à froid par exemple à la fin de la classe. Dépersonnaliser est un des grands principes du droit. Il faut distinguer l’acte et la personne. Celle ci a commis un acte qui n’est pas acceptable et c’est cela qui est l’objet du conflit et d’une forme de jugement. Mais (et c’est aussi un moyen de préserver l’estime de soi) celui qui commis cela n’est pas réductible à ce seul acte. Concrètement cela signifie dire à l’élève : “tu vaux mieux que l’acte que tu as commis ou les paroles que tu as dites


De la mesure en toute chose... : en cas “d’indiscipline” (bavardage, intervention intempestive, « insolence », …),  il faut graduer la riposte et ne pas monter tout de suite sur ses grands chevaux.  Il faut aussi quelquefois être (un peu) sourd et aveugle et savoir décider de ce que l’on relève et de ce qu’on ne relève pas
Il n’est pas nécessaire non plus de hausser le ton de la voix et encore moins de crier : l’énervement est interactif.


Ne pas confondre la classe et les individus : une classe c’est plus que l’addition de 30 ou 35 individualités. Elle a une personnalité qui lui est propre et des fonctionnements qui sont spécifiques. Il est utile de les connaître et de comprendre comment fonctionne un groupe.
Mais il ne faut pas tomber dans l’illusion d’optique inverse : se dire que “la” classe a compris à partir de quelques réponses qui vous font croire que, collectivement, les notions ont été assimilées. Sauf que  ce n’est pas “la” classe qui apprend mais une collection d’individus qui ne sont pas semblables, qui ont des profils d’apprentissages différents. Il faut donc se donner les moyens de vérifier les apprentissages individuels et ne pas se fier à une réaction en apparence collective.  


Permettre que l’individu profite du groupe et que chaque individu trouve sa place  dans le groupe : Même si la classe existe en tant que telle, elle ne doit donc pas faire oublier les individus qui la composent. Il faut trouver des dispositifs qui permettent à chacun d’évoluer à son rythme et de trouver sa place et d’apprendre de manière personnalisée. La coopération et l’entraide sont aussi des valeurs qui peuvent permettre au groupe d’exister au delà de la relation frontale prof/ classe.


L’ennui naît de l’uniformité : Certes, on a tous en mémoire de rares enseignants qui parvenaient à nous captiver par leur parole. Mais, on se souvient aussi de longs monologues où l’attention décroche assez vite. Ménager des pauses, varier les activités, sont aujourd’hui des règles d’or de la construction d’une séance de cours. Faire la classe, c’est donc aussi proposer des dispositifs et des supports variés pour combattre un éventuel ennui des élèves et offrir aussi par ce biais des opportunités différentes d’apprendre. 
Cette nécessité du rythme et de la variété des dispositifs permet la prise en compte de la diversité des profils d’apprentissage des élèves. On apprend pas tous de la même manière et il faut que le cours en tienne compte. 
Mais toutes les techniques et tous les dispositifs ne se valent pas. Ils doivent être aussi évalués sous l’angle des valeurs que l’on veut privilégier dans la classe.


Plus je parle, moins ils travaillent ; Cette formule est le titre d’un article de Raoul Pantanella dans les Cahiers Pédagogiques en 2002. Notre ami nous rappelle que si l’on veut faire apprendre les élèves, il est utile voire indispensable de les mettre en activité. On apprend mieux lorsqu’on est actif et acteur plutôt que lorsqu’on est spectateur du cours.
Si le cours magistral peut avoir son utilité (surtout pour l’ego du prof...), il ne peut être qu’une dimension du cours. On est bien plus efficace lorsque on est dans le côte à côte que dans le face à face...


L’expert ne doit pas oublier qu’il est un ex-pair : l’enseignant a un devoir d’empathie et doit être capable, pour comprendre les erreurs (et pas les “fautes”…) de ses élèves de comprendre ce qui peut les provoquer. Rien de pire qu’un enseignant « qui ne peut pas comprendre qu’on ne peut pas comprendre ». (Bachelard).
Le problème, si l’on peut dire, c’est que bien souvent, l’enseignant est un ex bon élève… Alors qu’il est utile pour exercer ce métier de se rappeler les expériences  où l’on a été soi-même en situation d’échec ou du moins en difficulté


Être optimiste... : Comment faire ce métier si on ne croit pas un tout petit peu que son action peut changer le destin ou du moins les connaissances de ceux que l’on a en face de soi  et les faire progresser ? Célestin Freinet finissait la liste de ses invariants par  l'optimiste espoir en la vie”. Philippe Meirieu parle du “postulat d’éducabilité” et cite souvent cette phrase du philosophe Alain « l’on ne peut instruire sans supposer toute l’intelligence possible dans un marmot ».
Notre métier est à la fois ambitieux et modeste. Ambitieux car on se fixe des objectifs élevés pour les jeunes qui nous sont confiés. Modeste car on ne sait que très rarement si notre enseignement a eu un effet durable malgré les résistances à apprendre. Modeste aussi, car nous devons lutter également contre le poids des déterminismes sociaux et la rigidité d’un système éducatif qui peut lui aussi créer des inégalités malgré nos actions individuelles.
Mais, en tout cas, être pessimiste, ou pire encore cynique, est selon moi presque une faute professionnelle !


Philippe Watrelot

dimanche, juillet 03, 2016

Bloc-Notes de la semaine du 27 juin au 3 juillet 2016





- Orientation- École du XXIe siècle - CLIC – une année s’en va..- une autre vient... - .



Dernier bloc-notes de l’année (scolaire). On y évoquera les sujets de la semaine, et il y a de quoi dire entre un rapport sur l’orientation, une série d’articles sur l’école du XXIe siècle et le congrès de la classe inversée. Mais on en profitera aussi pour faire un petit retour sur l’année (scolaire) écoulée et sur ce qui nous attend à la rentrée. Mais d’ici là..., vacances !




Orientation
Le texte de la semaine est un rapport publié le 29 juin par une commission du Sénat pilotée par Jacques-Bernard Magner (PS-Puy-de-Dôme) et dont le rapporteur est Guy-Dominique Kennel (LR-Bas-Rhin) qui fait le point sur le système d'orientation scolaire. Ce texte, adopté à l’unanimité, met en avant le manque de transparence des procédures et les hypocrisies de l'institution et fait une vingtaine de propositions pour une orientation «plus juste, plus efficace, plus transparente et mieux choisie»
Ce rapport a fait l’objet de quelques comptes-rendus. Un dans Le Figaro et un autre lisible dans le journal Le Monde . Et il ne faut pas oublier évidemment la revue de presse du jeudi 30 juin proposée par Bernard Desclaux.
Le rapport préconise de donner davantage de lisibilité et de cohérence à l’organisation des acteurs de l’orientation, notamment par le transfert du réseau Information Jeunesse et des CIO aux régions. La mission d’information propose que dans les établissements, l’orientation devienne « l’affaire de tous». Les professeurs seraient formés au conseil en orientation et découvriraient le monde professionnel au travers d’un stage d’une durée d’un mois dans les premières années de leur carrière. Les conseillers d’orientation-psychologues eux, recentreraient leurs missions sur le suivi psychologique des élèves en difficulté. Le rapport salue aussi la création d’un « parcours avenir » au collège : il s’agit d’un ensemble de connaissances, de compétences, d’activités de découverte professionnelle (visites d’entreprise, mini-entreprises, rencontre avec des professionnels), dont le but est d’aider les élèves à mûrir leur projet. Mais les sénateurs déplorent que ce parcours ne dispose pas d’horaire dédié. Pour le rendre effectif, ils proposent de lui allouer une heure par semaine. Les sénateurs souhaitent également une revalorisation de l’orientation en voie professionnelle. Au lycée, un « droit à l’erreur » serait rendu possible par le développement de stages passerelles, de stages de remise à niveau pendant l’été et de « parcours montants » pour passer d’une voie à une autre sans perdre une année. On notera aussi que le rapport souhaite plus de transparence et de lisibilité des procédures d’affectation AFFELNET et Admission post bac.

École du XXI eme siècle ?
Cette semaine Le Monde proposait un gros dossier intitulé “Quelle école pour le XXIe siècle?” (titre de l’article d’ouverture d’Emmanuel Davidenkoff). En fait l’angle retenu pour ce dossier est celui de la capacité d’innovation du système éducatif et l’article d’Emmanuel Davidenkoff tente de répondre à cette question en se plaçant dans une dynamique prospective et internationale. Véronique Soulé dans un autre article, L’éducation nationale, entre innovation et conformisme montre le paradoxe au sein d’une éducation nationale qui encourage officiellement, et de manière un peu incantatoire, l’innovation mais qui reste marquée par un pilotage extrêmement dirigiste. Dans ce dossier on trouve aussi un portrait de Nadine Coussy-Clavaud une des fondatrices du collège Clisthène de Bordeaux et un reportage sur l’école des Bosquets dans le Val d’OIse. On pourra lire également une interview d' Andréas Schleicher, le père du classement PISA de l’OCDE . Il revient d’abord sur la notion de compétences et sur la pédagogie : “Il ne s’agit pas d’ajouter de nouvelles matières, mais de changer les méthodes. Il faut enseigner moins de choses, mais le faire mieux ; donner aux élèves l’opportunité de prendre des risques et d’accepter leurs erreurs. En maths, par exemple, ce n’est pas la peine de connaître toutes les formules. Il s’agit d’apprendre à penser comme un scientifique. ”. Il préconise aussi une nouvelle forme de gouvernance : “ Le système français isole les professeurs. C’est une organisation industrielle, avec un ministère qui écrit les programmes et des enseignants qui obéissent. Il faut leur faire davantage confiance, leur donner plus de responsabilités. Les chercheurs dont les publications sont les plus citées sont promus. Il faudrait faire de même à l’école. Inciter les enseignants à mettre leurs cours sur une plate-forme numérique. Et promouvoir ceux dont les cours sont les plus partagés. Chaque enseignant devrait être un entrepreneur social, à même de construire le futur.
En bref un dossier qui donne à réfléchir. Mais en France, on s’intéresse moins à ce qui est dit qu’à qui le dit. “D’où tu parles ?” disait une formule bien désuète aujourd’hui mais dont la logique est toujours à l’œuvre. Dans le petit microcosme constitué par les enseignants qui réagissent sur Twitter, le seul fait que les propos viennent de l’OCDE suffit à les disqualifier. La meilleure illustration de cette position nous est donnée par un billet de blog de Jean-Yves Mas sur Médiapart : “"L'école du XXIe siècle " ... au service du capital ”. Ce texte qui prétend combattre les poncifs accumule de nombreux amalgames en s’acharnant sur les “compétences” et en étant dans une sorte de déni des dysfonctionnements du système éducatif.
Autre sujet de polémique : ce dossier a été réalisé en partenariat avec la fondation Ashoka, une fondation d'"entrepreneurs sociaux" qui organisait une soirée mercredi au Grand Rex à Paris pour “Redessiner l’éducation” . Là aussi les critiques n’ont pas manqué pour dénoncer la collusion du Monde avec ce qui est qualifiée d’officine de la “marchandisation et de la privatisation rampante de l’École”. Ce qui est un peu réducteur pour définir une galaxie extrêmement complexe qui est celle des “entrepreneurs sociaux” (qui sont plus entrepreneurs que sociaux me semble t-il) où l’enjeu pour l’instant semble être surtout de se situer dans une logique complémentaire aux marges de l’école et en soutien des initiatives et des projets innovants. Mais effectivement, cela dessine une tendance de l’évolution du système éducatif qu’on voit poindre aussi dans d’autres pays où les “fondations” (financées par des entreprises privées) prennent une part plus ou moins importante de l’action éducative et où la frontière entre le secteur “associatif” et le privé est de plus en plus difficile à tracer.
L’École du XXIème siècle peut être aussi ultra-libérale... C’est l’annonce récente du renforcement du contrôle des écoles hors-contrat qui a mis le projecteur sur ce phénomène qui se développe. Un article de Libération montre les contradiction de certains députés LR qui ont été amenés à signer, dans le Figaro de ce mercredi, une tribune condamnant fermement une réforme qu’ils avaient pourtant eux-mêmes réclamée, deux mois plus tôt, dans un texte défendu par Eric Ciotti. Les députés s’insurgent : “Les écoles privées hors contrat ne doivent pas être soumises à autorisation !”. On retrouve aussi le même discours chez la philosophe Bérénice Levet qui donne un long entretien au Figaro où elle fait la promotion de ces écoles hors-contrat qui sont, selon elle, une réponse à la “faillite de l’ Éducation Nationale”. On peut lire aussi dans le Café Pédagogique un compte rendu très intéressant sur la rencontre entre le SNALC et la Fondation pour l'École (que F. Jarraud qualifie de “Tea Party” à la française). Ce qui est intéressant c'est surtout la description du projet et l'analyse des enjeux de cette fondation qui promeut une approche ultra-libérale de l'éducation couplée à une vision traditionnelle de la pédagogie.
Le problème c’est que dans cette contestation du contrôle renforcé du hors contrat on trouve aussi des structures qui proposent, quant à elles, des pédagogies plus innovantes et qui s’inscrivent dans la tradition de l’éducation nouvelle. Ce qui complique le jeu et la lecture de cette mouvance.
Ces tendances que nous évoquons nous montrent plusieurs choses. Tout d’abord que le modèle du service public d’éducation “à la française” marqué par un poids important de l’État et un contrôle centralisé des personnels et des contenus n’est pas la seule offre qui existe dans le monde. On peut penser que cela ne nous concerne pas directement mais les collusions entre la droite et ce type d’organisation nous montrent que les risques sont réels et pas si éloignés que ça...
Ensuite, on peut se demander comment réagir. Tous ces phénomènes distincts mais convergents prospèrent sur les difficultés d'évolution du service public de l'Éducation et ses limites. Il faut évidemment s'en inquiéter mais le meilleur moyen de défendre le service public d'éducation n'est surement pas le repli frileux et conservateur mais plutôt de prendre en compte cette interpellation et l’ardente obligation de lutter contre les inégalités pour le faire évoluer de l'intérieur.

CLIC
Cette fin de semaine (du 1er au 3 juillet) se tenait CLIC2016, le congrès de la classe inversée organisé par l’association Inversons la classe (en partenariat avec les Cahiers Pédagogiques. Même si la couverture médiatique n’a pas été aussi importante que cela, cela a comme trop souvent, déclenché des réactions vives et immédiates sur les réseaux sociaux et sur Twitter en particulier.
Certains se sont agacés du bruit médiatique accordé à cet évènement et opposent à ce qu'ils qualifient de fausse innovation la “pédagogie ordinaire" qui serait méprisée et niée par ce genre d'événement et ceux qui s'engagent dans cette réflexion. 
C'est à mon avis une fausse polémique ou en tout cas un débat bien mal posé...
Ceux que je connais qui pratiquent la classe inversée sont des personnes modestes et qui sont en situation de recherche. Pas des détenteurs d'une vérité et d'une solution miracle comme aimeraient le faire croire leurs contempteurs. 
Ce qui est détestable dans les débats sur l'école c'est la multiplication des procès d'intention et la propension à l'hyper-susceptibilité... 
Je me répète, je ne vois nul mépris d'une supposée “pédagogie ordinaire" chez ceux qui se lancent dans cette expérimentation. 

On semble déplorer aussi la couverture médiatique et institutionnelle de l'évènement et l’injonction implicite à innover qui en découle. Il est vrai que d'une certaine manière la présence de la Dgesco Florence Robine en ouverture de ce congrès suffit, dans la logique d'exacerbation du “camp contre camp" qui caractérise la période actuelle, à décrédibiliser cet évènement aux yeux de ceux qui raisonnent ainsi... 

On peut aussi se demander si les raisons de cet engouement ne sont pas aussi à chercher dans le fait qu'on trouve dans ce congrès rassemblées des personnes qui apportent la preuve que l'esprit de recherche et d'expérimentation est bien présent dans la grosse machine qu'est l'Éducation Nationale alors que ce n'est pas l'image (à tort selon moi) qu'elle donne dans les médias.
Car, finalement, s'il y a un vrai débat ce serait peut-être celui qui oppose l'enthousiasme et l'expérimentation au cynisme et à la déploration. Si le CLIC cristallise les critiques c'est peut-être, à son corps défendant, parce qu'il sert de révélateur de cette situation de malaise qui traverse le corps enseignante et aboutit à cette agressivité et cette hyper-susceptibilité. Le dénigrement de collègues, les procès d'intention, toutes les attaques (dont certaines insultantes) sur la "pédagogie", tout cela me semble excessif et immérité. Faire apprendre et réussir les élèves, lutter contre les inégalités, devrait être notre objectif à tous et ce qui nous rassemble.

Une année s’en va...
Cette polémique évoquée plus haut est d’une certaine manière à l’image de toute l’année scolaire qui vient de s’écouler. On en ressort avec le sentiment que les positions se sont cristallisées et les ressentiments se sont exacerbés avec beaucoup d’agressivité notamment autour de la réforme du collège. Du moins dans les discours (et ces fameux réseaux sociaux !). Reste à savoir si dans les établissements, ces postures tiennent toujours ou si on parvient malgré tout à un travail collaboratif.
La revalorisation des salaires des enseignants a été la grande annonce de cette année pré-électorale. Alors qu’on apprend la disparition de Michel Rocard, il faut se souvenir que c’est lorsqu’il était premier ministre et que Lionel Jospin était ministre de l’éducation qu’a eu lieu la précédente revalorisation. Mais il faut aussi se souvenir qu’on avait raté alors une occasion historique de faire vraiment évoluer les statuts et le métier enseignant... Saura t-on éviter ce piège cette fois ci ?
Le climat de défiance à l’égard du gouvernement d’une bonne partie de la gauche et qui se combine avec un sentiment toujours très fort de lassitude impatiente et de déclassement des enseignants font penser que cette revalorisation et les efforts menés dans le domaine de l’éducation ne seront pas forcément déterminants dans les votes futurs. Et il est vrai aussi que les effets des réformes et des dépenses publiques (les fameux 60.000 postes) tardent à se faire sentir. On l’a suffisamment répété : le temps de l’éducation n’est pas celui du politique !
Si l’année a été marquée par la suite des tensions et des conflits autour de la réforme du collège, on en a vu d’autres arriver. Enseignement de l’arabe, dictée, laïcité, réforme de l’orthographe , contrôle des écoles hors-contrat,... les sujets de polémiques plus ou moins fabriqués n’ont pas manqué. Najat Vallaud-Belkacem semble avoir remplacé Christiane Taubira comme cible préférée des attaques de la droite.


...une année arrive
La prévision est un art difficile surtout quand elle s’applique à l’avenir” disait JM Keynes. On ne s’y risquera pas. Mais on peut d’ores et déjà constater des tendances qui risquent de se poursuivre durant l’année prochaine qui, je ne vous apprends rien, sera marquée par l’élection présidentielle.
Les thèmes conjoints de l’École et de la jeunesse avaient été au cœur de la campagne de 2012. Au minimum, l’année qui vient sera l’occasion de faire le bilan des promesses et de la politique menée dans ce domaine. Le gouvernement a t-il été “fidèle aux postes” ? , et plus globalement quel bilan peut-on faire de la refondation ? et est-ce que ça va mieux ?. Ces questions seront mises à l’agenda politique. Mais on peut penser que la question de l’École fera aussi partie de la campagne de 2017. La question de la gouvernance du système et de sa finalité est posée par de nombreux candidats. On a vu en particulier le (presque) candidat Sarkozy fustiger le “pédagogisme” et promettre des réductions de postes et le salaire au mérite. Il y a de quoi s’inquiéter en écoutant certaines déclarations et prises de position.
Dessin de Jimo
Du côté gouvernemental, même si on a présenté les assises de la refondation comme un “bilan d’étape”, on peut craindre que l’année qui vient soit surtout une année de consolidation et de promotion des réalisations plutôt qu’un moment de nouvelles réformes de fond. On évitera d’aborder de nouveaux sujets qui fâchent. Même si tous les chantiers n’ont pas été ouverts ou achevés: lycée, évaluation, métier enseignant, gouvernance...
Ce qui m’inquiète le plus, comme je disais plus haut, c’est la nature du débat au sein du monde enseignant. Les positions semblent figées et exacerbées. Et la violence des propos est dangeureuse. Le dénigrement des collègues constitue une sorte de limite qui a été franchie. On voit aussi que la réforme sur le collège et d’autres mesures ont fait resurgir des débats et des positionnements qui, malgré les dénégations de certains, montrent le conservatisme et l’élitisme qui sont toujours à l’œuvre. Saurons nous dépasser collectivement ces tensions dans nos établissements et dans le débat public ? C’est un des enjeux de l’année qui vient.
Mais en attendant... Bonnes vacances !

et Bonne Lecture...



Philippe Watrelot

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