“Ne soyons pas trop
généreux de conseils ; gardons-en pour nous-mêmes.” John Locke
Il y a toujours beaucoup de prétention à s’ériger en donneur
de conseils. D’abord parce que le “conseilleur” n’est pas forcément lui même un
modèle ni un exemple et peut avoir du mal quelquefois à appliquer ses propres
conseils... Et puis ensuite parce qu’il n’y a pas une seule manière de faire et
que toutes les situations sont particulières. Même s’il y a quand même des
invariants, il faut que chacun puisse trouver son style.
Donc, mon premier conseil : méfiez vous des conseils ! (y compris des miens, mais que ça ne vous empêche pas de poursuivre votre lecture...!)
Donc, mon premier conseil : méfiez vous des conseils ! (y compris des miens, mais que ça ne vous empêche pas de poursuivre votre lecture...!)
Tout ne se joue pas
lors de la première heure ! Il faut prendre du recul face à toutes ces
généralités dites souvent sur un ton péremptoire “Ne pas sourire avant Noël”, “ne
pas leur tourner le dos” et autres fadaises. Non, tout ne se joue pas dès
la première heure de cours. Vous risquez même d’être surpris par les
quinze premiers jours qui vont souvent se passer dans une sorte d’état de
grâce. C’est ensuite que les élèves vont vous tester et qu’il va falloir faire
attention et tenir bon sur un certain nombre de principes. Mais, même là, tout
ne se joue pas définitivement. On peut se rattraper même si on a mal commencé.
(je n'ai pas le téléphone de la 3ème fée...) |
Dire ce que l’on va
faire, faire ce que l’on a dit :
ce qui importe pour un enseignant (et au final pour tout adulte) c’est
d’être cohérent et prévisible. C’est pourquoi il faut toujours annoncer
clairement les règles que l’on va suivre et s’y tenir. C’est une question de
clarté du fonctionnement et de respect vis à vis des élèves. Et c'est ainsi d'ailleurs que se construit l'autorité.
Cela veut dire aussi qu’il ne faut pas annoncer et promettre
des choses qu’on ne peut pas tenir. C’est donc pour cela que, s’il est
souhaitable que ces règles et ces valeurs soient formulées explicitement, il
peut être dangereux de s’enfermer dans un ensemble de contraintes trop
important comme des « règlements de classe » interminables. La cohérence, elle
se voit surtout dans les actes et dans les valeurs qui les sous-tendent.
Donner des repères
va dans le même sens. Annoncer le plan du cours et/ou les objectifs, donner le
temps pour chaque tâche, matérialiser par des rituels l’entrée dans l’espace
particulier qu’est la classe sont des moyens de sécuriser l’élève. Une des
fonctions majeures de l’enseignant c’est d’être garant du “cadre” et donc de
rappeler les limites afin de garantir à chacun (y compris contre soi même)
qu'il puisse bien y avoir la possibilité d'apprendre.
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En cas de conflit,
décalez et dépersonnalisez : lorsqu’il y a de la tension, on perd
(souvent) la raison. Réagir à chaud n’est pas forcément une bonne solution
d’autant plus lorsqu’on court le risque de l’engrenage devant le reste de la
classe. Il peut alors être utile de retarder et de décaler la confrontation en
proposant par exemple d’en reparler à froid par exemple à la fin de la classe.
Dépersonnaliser est un des grands principes du droit. Il faut distinguer l’acte
et la personne. Celle ci a commis un acte qui n’est pas acceptable et c’est
cela qui est l’objet du conflit et d’une forme de jugement. Mais (et c’est
aussi un moyen de préserver l’estime de soi) celui qui commis cela n’est pas
réductible à ce seul acte. Concrètement cela signifie dire à l’élève : “tu vaux mieux que l’acte que tu as commis ou
les paroles que tu as dites”
De la mesure en toute chose... : en cas “d’indiscipline”
(bavardage, intervention intempestive, « insolence », …), il faut graduer la riposte et ne pas
monter tout de suite sur ses grands chevaux. Il faut aussi quelquefois être (un peu) sourd et
aveugle et savoir décider de ce que l’on relève et de ce qu’on ne relève
pas
Il n’est pas nécessaire non plus de hausser le ton de la voix
et encore moins de crier : l’énervement est interactif.
Ne pas confondre la
classe et les individus : une classe c’est plus que l’addition de 30 ou 35
individualités. Elle a une personnalité qui lui est propre et des
fonctionnements qui sont spécifiques. Il est utile de les connaître et de
comprendre comment fonctionne un groupe.
Mais il ne faut pas tomber dans l’illusion d’optique inverse
: se dire que “la” classe a compris à partir de quelques réponses qui vous font
croire que, collectivement, les notions ont été assimilées. Sauf que ce n’est pas “la” classe qui apprend
mais une collection d’individus qui ne sont pas semblables, qui ont des profils
d’apprentissages différents. Il faut donc se donner les moyens de vérifier les
apprentissages individuels et ne pas se fier à une réaction en apparence
collective.
Permettre que
l’individu profite du groupe et que chaque individu trouve sa place dans le groupe : Même si la
classe existe en tant que telle, elle ne doit donc pas faire oublier les
individus qui la composent. Il faut trouver des dispositifs qui permettent à
chacun d’évoluer à son rythme et de trouver sa place et d’apprendre de manière
personnalisée. La coopération et l’entraide sont aussi des valeurs qui peuvent
permettre au groupe d’exister au delà de la relation frontale prof/ classe.
L’ennui naît de
l’uniformité : Certes, on a tous en mémoire de rares enseignants qui
parvenaient à nous captiver par leur parole. Mais, on se souvient aussi de
longs monologues où l’attention décroche assez vite. Ménager des pauses, varier
les activités, sont aujourd’hui des règles d’or de la construction d’une séance
de cours. Faire la classe, c’est donc aussi proposer des dispositifs et des
supports variés pour combattre un éventuel ennui des élèves et offrir aussi par
ce biais des opportunités différentes d’apprendre.
Cette nécessité du rythme et
de la variété des dispositifs permet la prise en compte de la diversité des
profils d’apprentissage des élèves. On apprend pas tous de la même manière et
il faut que le cours en tienne compte.
Mais toutes les techniques et tous les
dispositifs ne se valent pas. Ils doivent être aussi évalués sous l’angle des
valeurs que l’on veut privilégier dans la classe.
Plus je parle, moins
ils travaillent ; Cette formule est le titre d’un article de Raoul
Pantanella dans les Cahiers Pédagogiques en 2002. Notre ami nous rappelle que
si l’on veut faire apprendre les élèves, il est utile voire indispensable de
les mettre en activité. On apprend mieux lorsqu’on est actif et acteur plutôt
que lorsqu’on est spectateur du cours.
Si le cours magistral peut avoir son utilité (surtout pour
l’ego du prof...), il ne peut être qu’une dimension du cours. On est bien plus
efficace lorsque on est dans le côte à côte que dans le face à face...
L’expert ne doit pas
oublier qu’il est un ex-pair : l’enseignant a un devoir d’empathie et
doit être capable, pour comprendre les erreurs (et pas les “fautes”…) de ses
élèves de comprendre ce qui peut les provoquer. Rien de pire qu’un enseignant « qui ne peut pas comprendre qu’on ne
peut pas comprendre ». (Bachelard).
Le problème, si l’on peut dire, c’est que bien souvent,
l’enseignant est un ex bon élève… Alors qu’il est utile pour exercer ce métier
de se rappeler les expériences où
l’on a été soi-même en situation d’échec ou du moins en difficulté
Être optimiste... :
Comment faire ce métier si on ne croit pas un tout petit peu que son action
peut changer le destin ou du moins les connaissances de ceux que l’on a en face
de soi et les faire progresser ? Célestin Freinet finissait la liste de
ses invariants par “l'optimiste espoir en la vie”. Philippe
Meirieu parle du “postulat d’éducabilité” et cite souvent cette phrase du
philosophe Alain « l’on ne peut instruire
sans supposer toute l’intelligence possible dans un marmot ».
Notre métier est à la fois ambitieux et modeste. Ambitieux
car on se fixe des objectifs élevés pour les jeunes qui nous sont confiés.
Modeste car on ne sait que très rarement si notre enseignement a eu un effet
durable malgré les résistances à apprendre. Modeste aussi, car nous devons
lutter également contre le poids des déterminismes sociaux et la rigidité d’un
système éducatif qui peut lui aussi créer des inégalités malgré nos actions
individuelles.
Mais, en tout cas, être pessimiste, ou pire encore cynique,
est selon moi presque une faute professionnelle !
Débuter 2016 : une série de trois billets.
1. Conseils et ressources 2016 2. Conseils de (vieux) prof... 3. La bibliothèque idéale du prof débutant |
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