mardi, août 31, 2010

Le blues du formateur


Je voudrais exprimer un grand sentiment d'amertume après cette demi-journée passée à l'IUFM pour accueillir les nouveaux profs "stagiaires". Avec l'impression d'une grande impréparation dans l'élaboration de cette réforme et surtout le sentiment d'être un rouage d'un système qui envoie ces jeunes profs dans le mur...


Je suis donc allé ce mardi 31 aout i à l'IUFM de Paris où je suis toujours en temps partagé. Les locaux n'étaient pas encore pleins quand je suis arrivé, quelques personnes erraient dans les couloirs à la recherche du bureau de tel ou tel responsable. Car pendant l'été tous les bureaux ont été redistribués et réaménagés. La raison ? Il faut se serrer pour faire de la place pour accueillir des services de l'université de rattachement, Paris IV, pendant les travaux de rénovation de la Sorbonne. On nous affirme que c'est provisoire mais ça a quand même un petit côté “ôte toi de là que je m'y mette" qui rajoute au malaise...

J'apprends que finalement j'aurais à intervenir auprès de trois stagiaires de SES. Les profs du privé qui jusque là participaient en partie à la formation ne viendront plus. C'est fini. Il n'y aura plus aucun moment commun avec eux. Après une longue bataille où nous avons obtenu que la formation continue à être commune à Paris et l'académie de Versailles (comme c'était le cas auparavant), les stagiaires de Versailles (qui sont 18) ne pourront pas venir. La décision n'ayant été prise que vendredi dernier, il n'a pas été possible de modifier l'organisation de  leurs journées. 

Plusieurs petits couacs sans gravité dans l'accueil des stagiaires. Après un petit temps de flottement, on arrive à s'installer. Ces difficultés sont à l'image de la mise en place de toute cette formation dont les derniers détails viennent à peine d'être connus. Et je tout cela ne remet pas en cause, bien au contraire, la bonne volonté et le dévouement des personnels de l'IUFM. Au contraire, ils font tous le maximum dans un contexte très contraint et difficile...
Finalement je retrouve les 3 stagiaires : deux jeunes femmes n'ayant jamais enseigné et un homme ayant déjà une expérience de l'enseignement. L'Inspectrice de SES est venue les accueillir et leur souhaiter la bienvenue et bon courage.  Puis elle me laisse pour 3h30 avec les stagiaires. 

« Nous n'allons pas les lâcher comme des frites dans l'huile bouillante ! »
Xavier Darcos le le 28 août 2008,
Comment résumer en si peu de temps, ce que je faisais habituellement en 5 séances ? Malgré tous mes efforts pour les sécuriser et pour aller à l'essentiel, j'ai l'impression de les assommer et au final de rajouter à leur inquiétude. Ils sont avides de conseils, ont plein de questions. Et ils ont seize (16 !) heures de cours avec trois ou même quatre programmes différents à préparer (dont certains en 1ere qui ne seront donc pas reconduits l'année prochaine...). L'un des stagiaires n'a pas encore de tuteur, l'IPR lui affirme qu'il en aura un bientôt mais qui ne sera pas dans le même établissement. Son emploi du temps n'est pas prêt
Quand les stagiaires me demandent “quand est-ce qu'on se revoit", je suis obligé de leur "avouer" que ce ne sera pas avant début novembre pour le stage groupé et octobre pour le stage filé (une demi-journée de formation un mardi après-midi...). Alors que je sens qu'ils ont tant besoin d'échanger entre eux, de mutualiser, de discuter... Et qu'ils ont tant de questions !!!

Qu'on me comprenne bien. Je n'ai pas eu le sentiment de mal faire ma séance de formation, j'ai fait du mieux que j'ai pu. Mais je suis sorti de là, en me disant que je participais à un système qui envoie les stagiaires dans le mur...

Certains esprits forts pourraient me répondre que la solution aurait été le boycott, le "refus" par exemple d'être tuteur. Mais en même temps, et c'est à la fois très immodeste et très limité, je pense que je peux malgré tout être utile aux stagiaires et que je ne dois pas déserter. 

Je ne sais plus dans quel oeuvre de Charles Péguy on trouve cette phrase “ils avaient les mains propres mais ils n'avaient pas de mains...". Je préfère avoir les mains sales...
Mais ça n'empêche pas le goût d'amertume dans la bouche...


[Information : il existe une version longue de ce texte sur le site d'Alternatives économiques intitulée “Comme des frites dans l'huile bouillante”]

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