dimanche, février 21, 2016

Bloc-Notes de la semaine du 15 au 21 février 2016




- Orthographe – Remplacements — Pédophilie – EPI – Chemises à carreaux - .



Menu copieux pour ce bloc notes... En espérant qu’il ne soit pas trop indigeste.
En entrée, vous reprendrez bien un peu d’orthographe ? Et ensuite un sujet tout aussi lourd avec les remplacements. La nouvelle affaire de pédophilie est elle aussi difficile à digérer. Pour finir, on évoquera un sondage sur les EPI et on ira faire un petit tour en Hongrie où les enseignants ont adopté la chemise à carreaux comme outil de revendication.



Orthographe
Bon, si on sifflait la fin de la partie et d'une semaine de bruits qui n'ont pas grandi leurs auteurs ?A moins que ce ne soit une vraie campagne de désinformation et de manipulation, délibérément provoquée et dûment orchestrée? Mais que ferait là une secrétaire perpétuelle de l'Académie française ? Ce serait vraiment inadmissible ! ” c’est Claude Lelièvre sur son blog le 15 février 2016 qui s’exprime ainsi. Mais malheureusement ce n’est pas fini. Et la manipulation semble avoir atteint son objectif puisque de nombreuses personnes sont persuadées que cette réforme est de l’initiative de Najat Vallaud Belkacem.
Dans Le Monde Luc Cédelle et Mattea Battaglia tentent une synthèse et une rétrospective de cette polémique qui s’éternise. Les deux journalistes rappellent, comme nous ne cessons de le faire ici même, que la petite phrase “l’orthographe révisée est la référence ” n’est pas une nouveauté et qu’elle figurait déjà dans les programmes parus en 2008 sous la présidence Sarkozy et le ministère de Xavier Darcos sans que ça ne provoque la moindre émotion. Ils rappellent aussi que l’orthographe a le statut de “passion française” et est également un signe distinctif du niveau d’instruction.
Car même, si cette querelle semble bien vaine, cela a eu quand même le mérite de susciter une réflexion sur les fonctions de la langue et de l’orthographe. Dans Libération, le linguiste Fabrice Jejcic estime que l’orthographe a même une fonction politique et rappelle cette phrase de l’académicien Mezeray écrite en 1673 : «La compagnie (Académie) déclare qu’elle désire suiure (suivre) l’ancienne orthographe qui distingue les gents de lettres d’auec (avec) les jgnorants (ignorants) et les simples femmes.». Même analyse chez Claude Lelièvre, cette fois dans Le Monde pour qui “l’orthographe sert à se distinguer socialement”. A l’inverse Cécile Ladjali dans le même journal estime que l’orthographe permet de garder la trace de l’histoire des mots et que cela doit être enseigné à tous. Et de manière plus subtile que ceux qui crient à la “baisse de niveau” elle reconnait que “ nous vivons dans un monde de reproduction des élites. Les politiques démagogues le savent bien. Et c’est cette norme classique, induite par la mémoire des mots, que je voudrais que l’on continue à offrir aux élèves.”. Dans Le Figaro on relativise (eh, oui...) en rappelant qu’une partie des modifications proposées sont déjà enseignées dans les classes comme le confirment plusieurs études.
Pourtant la polémique n’a pas cessé durant cette semaine. La ministre a adressé à Hélène Carrère d’Encausse une lettre, rendue publique mardi, où elle fait part de son étonnement et s'interroge sur le fait que l'académicienne critique (dans une interview auFigaro ) «notamment la référence, pourtant identique à celle de 2008, aux rectifications de l’orthographe proposées par le Conseil supérieur de la langue française». Cette adresse publique a elle même entrainé une réponse d’Hélène Carrère d’Encausse, cette fois dans Le Point où elle redit que “l'orthographe n'a pas à être imposée par un pouvoir politique”. Ces petits allers-retours peuvent durer encore longtemps…
Quoi qu’il en soit, ce qui n’était au départ qu’un buzz médiatique a incontestablement pris un tour politique. Les anciens ministres de l’Education nationale ou de l’Enseignement supérieur, François Fillon, Luc Chatel, François Bayrou ou Laurent Wauquiez se sont tous exprimés au cours de la semaine sur ce sujet. Najat Vallaud-Belkacem, dans une tribune dans Le Monde intitulée “La réforme de l’orthographe n’existe pas !” contre attaque : “Au cours de ces derniers jours, pas moins de trois anciens ministres de l’éducation nationale et un ancien ministre de l’enseignement supérieur ont créé et alimenté une polémique absurde à propos d’une réforme de l’orthographe qui n’existe pas. Plus grave, ils ont sciemment induit en erreur les médias et l’opinion publique en assimilant cette réforme imaginaire à la réforme, bien réelle celle-ci, qui concerne le collège et, plus largement, toute l’école de la République. ” et elle poursuit “Je m’adresse, en l’occurrence, à celles et ceux qui sont en train d’instruire un procès contre une école de la République qu’ils ont saccagée avec un acharnement consternant durant plus d’une décennie : halte à l’imposture ! Vous qui, entre 2002 et 2012, avez choisi de démolir les dispositifs d’aide aux élèves les plus fragiles, de ne plus recruter d’enseignants y compris de lettres classiques ou d’allemand, de ne plus former les professeurs, de concentrer tous les moyens en direction de ceux qui en avaient le moins besoin, de renoncer à toute modernisation pédagogique dans l’acquisition des connaissances fondamentales, dont la maîtrise de la langue française, n’avez-vous rien de mieux à dire au pays que votre soudaine et opportune indignation contre une évolution orthographique décidée il y a plus de vingt-cinq ans, sans jamais l’avoir contestée lorsque vous étiez aux responsabilités ? De qui vous moquez-vous ?
Alimentée aujourd'hui par des enjeux politiques où la Ministre semble maintenant concentrer sur sa personnes les attaques jusque là dévolues à Christiane Taubira, la polémique peut encore durer longtemps. Au détriment de la sérénité des apprentissages des élèves et de l’enseignement des professeurs. En verra t-on la fin ? Je suis... circonspect.

Remplacements
L’éducation nationale a beau créer des postes depuis 2012, le serpent de mer du non-remplacement des enseignants absents refait surface constate Le Monde et les autres journaux nationaux et régionaux qui rapportent de nombreux cas de non-remplacement aussi bien dans le secondaire que dans le primaire.
Mediapart nous apprend qu’en Seine Saint-Denis, dans le département le plus défavorisé de France, environ sept mille élèves du primaire se retrouvent souvent sans professeur ni remplaçant. Les jeunes sont répartis dans d'autres classes, mais les parents ne supportent plus ces pis-aller et réclament des solutions durables.
Selon la FCPE , ce seraient au moins 6000 jours de classe qui auraient été perdus depuis la rentrée. La FCPE a un outil pour mesurer ces absences non remplacées, le site internet "ouyapacours" qui recense à partir des déclarations des internautes toutes les heures ou les journées de classe sans enseignant. La nouveauté cette année, c'est que ces absences concernent aussi l'école primaire. Selon les estimations de la FCPE, ces 6.000 jours de classes non assurés seraient "la fourchette basse", la vérité tournant plutôt autour de 10.000 jours. Une situation qui perdure malgré la création de 35.000 postes par l’Education nationale depuis 2012.
Dans un communiqué, le Ministère réagit à la situation en rappelant donc ces créations de postes et en précisant que le nombre de non-remplacement doit être remis en perspective avec les 30 millions de journées de classe qui ont été assurées dans le premier degré depuis le début de l’année scolaire. En prenant les estimations de la FCPE, “cela représente entre 0,02 et 0,03% du total des jours de classe qui ont eu lieu depuis la rentrée”. Le Cabinet de Najat Vallaud-Belkacem en profite aussi pour rappeler que 1566 postes de remplaçants ont été supprimés dans le 1er degré sous le quinquennat précédent.
Le Monde nous rappelle que le remplacement des absences de courte durée est un éternel problème que nombre de ministres de l’éducation nationale, sous la pression des parents, ont tenté de résoudre. En vain. Selon des chiffres de la Rue de Grenelle, seules 38 % des absences de moins de quinze jours sont remplacées au collège et au lycée. Quant aux absences de longue durée, elles sont remplacées dans près de 97 % des cas. Il faut aussi souligner que ces absences non remplacées ont une saisonnalité et qu’en janvier-février on est dans une sorte de pic des absences. Les enseignants ne posent pas davantage de congés maladie que le reste de la population active – aucune étude ne l’a en tout cas démontré –, mais leur absence est forcément plus flagrante que celle d’un salarié dans un bureau.
Si, dans le primaire 2 172 postes de remplaçants ont été créés depuis 2013, dans le secondaire, en revanche, seule une trentaine de postes ont été créés. Cette situation pose donc plusieurs questions. La poursuite des créations de postes bien sûr (avec la réflexion sur la nécessité d’attirer encore plus de candidats) pour réalimenter un corps de TZR (titulaires sur zone de remplacement dans le secondaire) qui fait défaut aujourd’hui. Il y a aussi l’abus d’utilisation de personnels contractuels avec une organisation de la précarité et un système à deux vitesses qui s’installe. Mais cette tension rentre aussi en collision avec le statut des enseignants et la gestion interne dans les établissements. Le Monde rappelle que de nombreux rapports estiment que seules des solutions internes aux établissements pourraient permettre d’assurer efficacement des remplacements momentanés et imprévus. En 2012, les inspections générales proposaient d’instaurer un système de « permanence » des professeurs, de manière à ce qu’il y ait toujours un enseignant disponible pour assurer un remplacement (ce qui suppose une redéfinition des heures). En 2014, la médiatrice de l’éducation nationale suggérait plus de souplesse dans l’organisation scolaire. Avec des mesures-chocs comme l’annualisation des heures d’enseignement perdues ou la possibilité d’enseigner plusieurs disciplines en cas d’absence d’un collègue.
Sujet hautement inflammable... Bien plus que l’orthographe !

Pédophilie
©France3 Ile de France
Un professeur de mathématiques de 55 ans du collège Blaise-Pascal de Villemoisson-sur-Orge (Essonne) a été mis en examen jeudi 18 février pour agression sexuelle d’un mineur de moins de 15 ans. Il avait déjà été condamné en 2006 par la justice britannique pour de tels faits au Royaume-Uni et avait continué à enseigner pendant toutes ces années. En 2006, l’enseignant avait été condamné par un tribunal britannique à quinze mois d’emprisonnement, assortis d’une exclusion de tout travail avec des enfants, pour « relations sexuelles avec un enfant à partir d’une position de confiance » (selon le vocabulaire juridique en vigueur outre-Manche) et pour « voyeurisme ». Il avait passé ses vacances d’été dans le pays, où il était directeur de colonie.
 Cette condamnation ayant été inscrite dans son dossier professionnel, une commission administrative paritaire – composée de représentants de l’administration et du personnel – s’était tenue en mars 2007 dans l’académie de Versailles pour auditionner le professeur et décider des conséquences de sa condamnation. D’après ce que l’on peut lire dans la presse, cette commission administrative paritaire académique avait conclu, à l’unanimité de ses 35 membres présents, à l’absence de sanction, ayant constaté que : “la matérialité des faits reprochés était sujette à caution et que le doute devait lui profiter”. Et c’est ainsi que l’enseignant a retrouvé son poste.
Najat Vallaud-Belkacem a tenu une conférence de presse le vendredi 19 février pour évoquer cette affaire. La ministre de l’Éducation nationale a qualifié d’ “insupportable” le fait qu’il ait été autorisé à continuer d’enseigner. Najat Vallaud-Belkacem a lancé “une enquête administrative” et prendra, “le cas échéant, les sanctions qui s’imposent”. Elle a ajouté : “nous entreprenons la vérification des casiers judiciaires de l’ensemble des enseignants. L’omerta est révolue.”.
Il y a donc une mise en cause très vive par la ministre de sa propre administration. L’enquête interne devrait éclaircir les responsabilités. D’après certaines sources, il semblerait que la commission n'aurait pas eu accès à la totalité du dossier judiciaire, que le Royaume Uni n'avait pas transmis. La condamnation portait alors sur des faits de voyeurisme et était de 15 mois avec sursis. Donc, la commission aurait alors travaillé sur un dossier mal construit et incomplet, comme cela arrive malheureusement trop souvent. Et cela peut expliquer l’unanimité de cette commission disciplinaire. Mais expliquer n’est pas excuser, ne cesse t-on de nous dire...
Rappelons que cette affaire vient après un autre scandale de pédophilie qui avait secoué l’opinion il y a près d’un an. Un directeur d’école de Villefontaine (Isère), mis en examen pour le viol d’une partie de ses élèves alors qu’il avait été condamné, en 2008, pour détention d’images pédopornographiques. Cela a conduit les deux ministères de l’Éducation Nationale et de la Justice à rédiger conjointement un projet de loi afin que les faits de pédophilie soient transmis par la justice avant même que la condamnation soit prononcée. Ce projet est actuellement en cours d’examen au Parlement.

EPI

Le Web Pédagogique a mené une enquête auprès des enseignants et des chefs d'établissements (781 enseignants, 258 chefs d'établissement) sur les Enseignements pratiques interdisciplinaires qui sont un des dispositifs clés de la réforme du collège prévue en 2016.
Les enseignants "enthousiastes", qui ont "hâte de commencer" un EPI ne sont que 7,6 % mais ils sont 22 % à se déclarer "sereins" et près de 40 % à se dire "attentifs", "à la recherche de solutions". Ils sont en revanche 21 % à être "inquiets", à ne pas savoir comment les mettre en place. Parmi les chefs d'établissement, près d'un sur trois estime que son équipe est inquiète, mais ils sont près d'un sur deux à la trouver "sereine", car ayant déjà mené ce type de projets.
On apprend aussi dans ce sondage que les chefs d'établissement et les enseignants interrogés estiment qu' "une plateforme en ligne permettant aux enseignants et aux élèves de créer, gérer et suivre à plusieurs l'avancée de leurs EPI (pourrait) être utile" (77 et 79 %). Tiens... quel hasard, c’est justement une plate forme de partage que vient de créer le Web Pédagogique... Et l’on peut penser que d’autres outils de mutualisation vont se créer d’ici la fin de l’année.
Ce qui est intéressant à observer, c’est aussi la manière dont le même sondage est interprété dans des sites d’information différents. “Près de 80 % des enseignants positifs, mais souvent "dans le flou" ”, c’est ce qu’on peut lire dans Touteduc. Alors que selon VousNousIls , il y aurait “60 % des profs en « état de stress » avant la rentrée 2016 ”.
L’éducation aux médias est vraiment une matière d’avenir...

Chemises à carreaux
La Hongrie poursuit sa dérive populiste et autoritaire...
Samedi 13 février les enseignants hongrois manifestaient pour protester contre la politique de Viktor Orban. Ils dénonçaient les conséquences de la prise de contrôle de l’enseignement par l’Etat depuis des réformes centralisatrices adoptées en 2013. Les établissements publics seraient petit à petit privés de moyens, au profit des seules écoles gérées, aux frais du gouvernement, par les Eglises. Il y a trois ans a en effet été créé un organisme public (avec des fonds européens), et auquel sont désormais rattachés les milliers d’établissements scolaires du pays, auparavant dépendants des municipalités. Baptisé KLIK (pour « Centre Klebelsberg pour la gestion institutionnelle »), c'est un organisme de contrôle centralisé. Les manifestants l’accusent d’avoir retiré toute autonomie aux équipes pédagogiques. Depuis son instauration, les enseignants seraient surchargés de tâches administratives et obligés de transmettre aux élèves une quantité de données rendant quasiment impossible la réflexion et le sens critique. En Hongrie, le traitement des enseignants varie entre 145 000 et 250 000 forints (470 à 800 euros) par mois.
Depuis cette manifestation, la protestation a pris d’autres formes. Les enseignants viennent tous faire cours en chemise à carreaux ! Le mot d'ordre, largement relayé par les réseaux sociaux, avait été lancé en réaction à des propos d'un proche du pouvoir, Istvan Klinghammer, qui avait qualifié le week-end dernier les enseignants manifestant contre le gouvernement de "mal coiffés, mal rasés et en chemise à carreaux". Baptisée "Journée nationale de la chemise à carreaux", l'action a été suivie dans tout le pays par les enseignants et même par leurs élèves. Une nouvelle journée d'action est prévue pour le 15 mars. Les enseignants retroussent leurs manches...








Bonne Lecture et bonnes vacances pour ceux qui y sont encore ou qui commencent et bon courage pour ceux qui reprennent...
(d’ailleurs, le bloc-notes fait aussi relâche la semaine prochaine)



Philippe Watrelot

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