Samuel Paty, enseignant d’Histoire-Géographie au collège du Bois d’Aulne à Conflans Sainte-Honorine, a été décapité devant son établissement par un jeune de 18 ans. Cet acte a été revendiqué au nom de l’Islam.
L’enseignant était l’objet d’une polémique sur les réseaux sociaux depuis qu’il avait montré en classe des caricatures de Mahomet. Plusieurs personnes avaient même demandé à son administration qu’il soit sanctionné.
C’est d’abord en tant qu’enseignant qu’il nous faut réagir pour dire à la fois notre compassion pour sa famille et ses proches et notre indignation devant ce qui s’est commis vendredi16 octobre.
C’est aussi parce que nous sommes enseignants que nous devons réagir à ce qui est non seulement une intimidation et une menace mais aussi une atteinte à un des piliers de la République.
Il est difficile à quelques heures de cet évènement d’aller beaucoup plus loin et de tirer des conclusions définitives comme le font pourtant certains. On peut toutefois rappeler quelques éléments qui sont malheureusement déjà ceux que nous pouvions énoncer il y a cinq ans.
Ni déni, ni hystérisation.
Il ne s’agit pas de nier la réalité des faits et de la menace. Mais il faut aussi se garder de tomber dans l’excès de la généralisation et de la métaphore guerrière. On doit continuer à penser que la très grande majorité de nos élèves n’adhère pas à ce discours de haine ou d’excuse de la violence. Il ne s’agit pas de « naïveté » comme le disent certains, mais de l’optimisme de la volonté, de la croyance dans la force de l’acte éducatif et de la fermeté de l’École dans la nécessité non seulement de transmettre mais aussi de faire vivre les valeurs de la République et de la démocratie.
Tout comme, il ne faut rien céder sur la nécessité d’éduquer nos élèves à l’esprit critique, il n’y aurait rien de pire que de voir dans chaque élève, chaque parent, une menace potentielle. C’est ce que cherchent ceux qui promeuvent cette idéologie de mort.
Territoire perdus ou territoires vivants ?
Les va t-en guerre sont nombreux. On met en avant depuis plusieurs années des « atteintes à la laïcité » qui sont à prendre en considération et demandent des réponses mais qui ne sont pas non plus aussi importantes que certains le disent.
Y a t-il des territoires perdus de la République ? Nous pensons qu’ils ne le sont pas tant que l’École est là pour montrer toute la confiance qu’il faut avoir dans cette jeunesse et agir pour la réussite de tous. Ces territoires sont bien vivants et sont riches de la diversité et de la tolérance qu’il faut construire patiemment.
S’il y a des territoires perdus c’est surtout parce qu’on laissé des quartiers, des zones entières, s’enfermer dans un séparatisme qui est surtout social. La politique de la ville n’a jamais véritablement eu les moyens d’action suffisants. Le chômage et la précarité, encore renforcés dans la période actuelle, ne font qu’amplifier ce sentiment d’abandon. C’est sur ce terreau que prospèrent la violence, les fanatismes et le radicalisme musulman. Il y a aussi une réponse économique et sociale à apporter pour faire vivre la promesse républicaine. « La démocratie, ce n’est pas de reconnaitre des égaux mais d’en faire » disait Gambetta.
Que peuvent les enseignants, les pédagogues ?
Il nous faut poursuivre notre mission éducative avec pédagogie et dans une réflexion collective. Il ne s’agit pas seulement d’inculquer les « valeurs de la République » comme une sorte de catéchisme républicain mais de les faire vivre au quotidien dans la classe et dans l’établissement.
C’est le meilleur hommage que nous pouvons rendre à notre collègue sauvagement assassiné.
Philippe Watrelot
le 17 octobre 2020
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