Je publie sur mon blog, ce texte écrit spécialement pour le
Hors-Série numérique n° 46 des Cahiers Pédagogiques intitulé « Antidotes ». Ce
dossier gratuit rassemble 25 textes publiés sur le site de la revue pour
déconstruire et combattre les mensonges et idées reçues sur l’École. Ceux ci ne
sont pas présents que durant les périodes électorales !
Je vous encourage donc vivement à télécharger et conserver ce numéro où vous retrouverez des textes écrits par : Florence Castincaud -
Catherine Chabrun - Grégory Chambat - Sylvain Connac - Jacques Crinon - Bernard
Desclaux - Michel Develay - François Dubet - Marie Duru-Bellat - Hervé Hamon-
Roger-François Gauthier- Michel Guillou - Claude Lelièvre - Françoise Lorcerie
- Philippe Meirieu - Yannick Mevel - Pierre Merle - Liliana Moyano - Patrick
Rayou - Yves Reuter - Bruno Robbes - Philippe Watrelot - Jean-Michel Zakhartchouk.
PhW
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« Il
est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé » Einstein.
Tout le monde a déjà fait l’expérience lors d’un repas de
famille ou une discussion entre amis. Il suffit d’aborder le thème de l’École
pour que tout le monde ait un avis, tiré de sa propre expérience d’élève, d’ancien élève, de
parent, de grand parent… Et en général frappé au coin du « bon sens »
et s’appuyant sur quelques représentations et prénotions solidement installées
et souvent marquées par la nostalgie. Il en est ainsi pour de très nombreux
sujets : les méthodes de lecture, le « niveau » (qui baisse
évidemment), l’évaluation, le « jargon » pédagogique, etc.
Ces discussions dans un cercle restreint sont-elles
compensées par des débats de qualité dans les médias ? La réponse est
malheureusement négative. Il est rare que la Presse nous offre cela. Il y a
plusieurs raisons. D’abord les journalistes spécialisés y sont rares et on y
invite peu d’ « experts ». Et surtout les médias (en
particulier audiovisuels) aiment bien les polémiques et les débats binaires. Car la
nuance n’est pas spectaculaire ! De plus, la parole y est confisquée par d'anciens bons élèves.
Où sont les
« experts » ?
Une expérience (forcément singulière) fait-elle de vous un
expert ? Par exemple, le fait d’être allé à l’hôpital fait-il de vous un
expert des questions de santé ? Évidemment non. Il vous autorise à avoir
un avis sur le service que vous avez reçu et à vouloir être mieux informé des
enjeux de ce domaine, mais cela s’arrête là. L’avis des usagers de l’École est évidemment important et il
mérite d’être entendu, L’École étant l’affaire de tous. Mais, il importe
d’essayer à chaque fois de distinguer l’opinion, l’avis et l’expérience de
chacun, des faits établis et d’une démarche de vérité scientifique.
Cette réflexion sur l’expertise s’applique aussi aux enseignants
eux-mêmes. Le fait d’être un professionnel fait-il de vous un
« expert » de l’École ? Dans le débat récent et très vif sur la
réforme du Collège, on m’a souvent fait un procès en légitimité parce que
j’enseignais en lycée et que je n’avais donc « pas le droit de parler de ce que je ne connaissais pas ». On
déniait ainsi l’idée même de la représentation et des corps intermédiaires
puisque je n’étais pas vu comme le représentant d’un mouvement pédagogique qui
avait collectivement réfléchi sur ce sujet (et qui compte de nombreux
enseignants de collège) mais comme un individu portant une parole singulière.
Le fait de travailler dans l’Éducation
nationale fait-il de vous un expert ? Cela vous donne une vision et
une expérience de votre travail qui est utile et nécessaire et qui doit être
entendue. Mais, même si cette expérience est partagée par plusieurs, cela n’en
fait pas pour autant une vérité absolue. Quelqu’un avec les mêmes conditions de
travail peut avoir un avis différent sur tel ou tel dispositif. Renvoyer celui
qui ne pense pas pareil que vous à une sorte d’étrangeté et le considérer comme
« hors-sol » a été un procédé très utilisé pendant les débats récents
sur le Collège. L’expertise suppose aussi un recul et une analyse qui
peuvent être nourries par la réflexion collective.
Intellectuels et spécialistes
Ces débats mobilisent aussi les intellectuels qui sont souvent interrogés pour
donner leur avis. Le fait d’être un intellectuel reconnu (et médiatique)
fait-il de vous un expert de l’École ?
On se souvient du tollé qu’avait suscité la ministre Najat
Vallaud-Belkacem lorsqu’elle avait qualifié en avril 2015, de « pseudo-intellectuels » ceux qui
s’exprimaient sur les médias à propos de la réforme du collège. C’était
évidemment une erreur. Il s’agissait bien incontestablement d’intellectuels.
Elle aurait plutôt dû parler de « pseudo-experts », car le fait d’être un
« intellectuel » ou un éditorialiste n’autorise pas pour autant à
parler sur tout. L’expertise dans un domaine n’est pas transférable à tous les
sujets. Pour eux, il y a une responsabilité plus grande : on
devrait être fondé à émettre une opinion si et seulement si on a pris la peine
de se renseigner avant de donner son avis...
Si l’on peut avoir de l’indulgence pour ceux qui s’expriment
sans connaitre parce qu’ils subissent le poids des préjugés et des prénotions,
on en a moins pour l'ignorance quand elle est le fait
des savants.
Les sociologues, les philosophes, les historiens, les
économistes, les psychologues spécialisés dans l’éducation existent mais ils
sont peu sollicités et leur parole est rarement entendue. Cela tient à
plusieurs raisons.
Il y a d’abord le fait que ce que dit l’analyse scientifique
est bien souvent contre-intuitif et va à l’encontre de ce que dit l’expérience
immédiate. Ce n’est pas propre aux sciences sociales et humaines. Si on s’en
tenait à sa propre perception et pas à la science on pourrait penser que la
terre est plate…!
De fait, il y a aussi une sorte de méfiance à l’égard des
sciences de l’éducation que certains n’hésitent pas à qualifier de
pseudo-science voire d’imposture. Ce qui est un moyen de faire retomber le
débat dans le sens commun en déniant l’idée même qu’il puisse y avoir des
experts.
Ensuite, et cela n’est pas contradictoire, parce que la
« neutralité axiologique » peut être souvent contestée. En d’autres
termes, il y a souvent un soupçon de parti-pris qui amène à disqualifier
l’analyse, jugée alors comme une opinion.
Enfin et surtout les vrais spécialistes de l’École,
souvent effrayés à juste titre par la teneur du débat et sa violence, hésitent
à s’y confronter et préfèrent s’abstenir. C’est ainsi que seules quelques rares
personnalités prennent les coups et concentrent les attaques. On pense
évidemment à Philippe Meirieu qui a littéralement « incarné » la
pédagogie dans les médias pendant tant d’années.
Oppositions binaires
et représentations
Connaissances/compétences,
didactiques/pédagogie, enseignement/éducation, bienveillance/exigence,
motivation/effort, laxisme/rigueur, savoir/élève… Le débat sur l’éducation est
plein de ces fausses oppositions que j’avais déjà essayé de recenser. Avec évidemment en tête de liste
Républicains/Pédagogues. Le débat sur l’École mérite mieux que ces oppositions binaires
et stériles. Elles pourrissent le débat sur l’éducation. Il est vrai que
la nuance et la complexité ne font pas bon ménage avec les débats simplistes
qu’affectionnent les médias. Il nous faut essayer de comprendre comment elles
se construisent et s’alimentent.
La nostalgie d’une école mythifiée est un puissant ressort
de cette construction. « C’était mieux
avant », tout le monde l’a déjà plus ou moins dit. D’autant qu’avec le tri
opéré dans les souvenirs, on a tendance à idéaliser ou ne retenir que les
aspects positifs de la période qui précède. Le souvenir qu’on a de l’École
d’autrefois est amplifié par l’imagerie produite par les films, les romans et
les médias. La gloire de mon père de
Marcel Pagnol, le film Être et avoir,
toutes les images sur les « hussards noirs de la République », ont
contribué à forger le mythe de cette École passée qui semblait imperméable à
toutes critiques et constituer un des lieux sacrés de la République.
On en oublie que l’École de la troisième République a été fondée sur le principe méritocratique et sur la volonté
de renouvellement des élites. Et la sélection est inscrite dans l’ADN même de
cette école et donc par ricochet dans l’esprit même de nos concitoyens. D’où
l’attachement aux notes ou bien encore toutes les lamentations sur « le niveau qui baisse », la « baisse
des exigences » et le bac qui est « donné
».
Nostalgie, déclinisme et réaction
Ces représentations vont bien au delà de la simple
nostalgie. Elles sont trop souvent au service d’une pensée décliniste et d’un
discours réactionnaire. Sans chercher très loin, il suffit de relire les
interventions de Nicolas Sarkozy, qui fustigait l’ « esprit de
68 » et qui, en meeting à Lille, le 8 juin 2016, estaimait que les
militants du « parti pédagogique » se sont « échinés à détruire méthodiquement le respect de l’autorité,
l’apprentissage de la langue, la transmission de notre histoire nationale, de
nos mœurs, de nos valeurs ». La figure du « pédagogiste »
(forcément délirant voire « assassin ») est un épouvantail facile
dans certains discours conservateurs. C’est ce que ne manque pas de faire un des candidats à chacun de ses meetings en
parlant des « pédagogistes
prétentieux»
En fait, le discours sur l’École est, de plus en plus
explicitement, l’expression d’une pensée réactionnaire. La mise en avant du
« mérite » et la dénonciation de l’ « égalitarisme », la
promotion de l’apprentissage pour ceux qui ne sont « pas doués pour l’école », sont autant d’éléments de langage qui
relèvent de ce discours conservateur et de réaction.
De plus, en désignant un bouc émissaire, on évacue la
complexité des situations. Le procédé
rhétorique qui consiste à se fabriquer son propre ennemi (« stratégie de l’homme de paille ») en la personne du pédagogiste s’accompagne aussi
d’une autre posture. Elle consiste à dénier aux autres une qualité qu’on
s’attribue à soi-même. Tout se passe comme s’il y avait eu une sorte de hold-up
sémantique où plusieurs mots (exigence, savoir, excellence, rigueur, et bien
d’autres) avaient été confisqués par ceux qui se réclament de la tradition et
de la préservation d’une École qui serait en train de disparaitre.
Et c’est ainsi que se
construisent ces oppositions qu’on évoquait plus haut. Pourquoi ne serait-on pas à la fois « exigeant » et « bienveillant » ?
Pourquoi faudrait-il choisir entre le savoir et l’élève ? Le travail de
l’enseignant ne correspond pas à ces oppositions stériles. On ne choisit pas le
matin avant de rentrer en classe de privilégier les compétences au détriment
des connaissances ou l’élève plutôt que les savoirs.
Pour motiver les
élèves il faut aller les chercher là où ils sont en leur proposant des
activités qui partent de leur vécu. Et ce n’est pas être moins
« exigeant » bien au contraire. De même est-ce prendre les connaissances
très au sérieux que de soucier de la durabilité des acquis comme on le fait
dans le travail par compétences. C’est être finalement peu exigeant (avec
soi-même et avec le système dans lequel on travaille) que d’accepter qu’il
produise tant d’échecs.
Il s’agit donc de raisonner plutôt en « tension » entre deux
pôles que de voir les débats de manière binaire. Comme le dit très bien
Philippe Meirieu : « Il faudrait
enfin qu'on arrive à sortir de cette méthode qui consiste à penser toujours sur
le mode de variation en sens inverse, c'est-à-dire que plus je m'intéresse à
l'élève, moins je m'intéresse au savoir ou plus je m'intéresse au savoir, moins
je m'intéresse à l'élève ... »
Cette pensée binaire est alimentée aussi par les médias. L’opposition la
plus connue et la plus classique est celle qui oppose « Pédagogues et
Républicains ». Elle est bien pratique pour construire des pseudo-débats
en deux colonnes, d’un côté les « Pour » de l’autre côté les
« Contre ». Dans un tel cadre, la nuance est difficile à faire
entendre.
Cela a particulièrement été sensible dans la séquence sur la réforme du
collège. Invité dans les médias à de nombreuses reprises, il a été très
difficile pour moi, dans les formats qui étaient proposés, de sortir de cet
étiquetage. Il était alors presque impossible de faire entendre un soutien
critique ou de discuter les conditions de mise en œuvre alors qu’on attendait
de vous une pensée simple et tranchée. Cela a évidemment encore plus été
amplifié dans les réseaux sociaux. Comment développer une pensée complexe en
140 caractères ?
Un débat
confisqué par les bons élèves
Éditorialistes, journalistes, intellectuels, hommes
politiques, ils ont tous un point commun : ce sont d’anciens « bons
élèves ». Dans un système fondé sur la méritocratie, c’est d’ailleurs ce
qui justifie leur place. Or, ce sont ceux-là qui parlent et qui contribuent à
façonner l’opinion et à mettre tel ou tel sujet à l’agenda.
Lorsqu’on invite un intellectuel à parler de l’École,
on lui demande son avis sur un système qui lui a été plutôt favorable. Et
souvent le/la journaliste qui lui pose des questions est dans le même cas.
L’analyse est alors biaisée. Comment critiquer un système qui vous a fait
réussir ? Comment penser l’idée même de « difficulté scolaire »
ou d’échec scolaire quand cela n’a jamais été votre cas ?
Cela va même plus loin lorsque ceux qui tiennent un
discours de préservation du système peuvent en être des
« rescapés ». C’est-à-dire des personnes qui ont pu s’en sortir alors
que rien ne les prédestinait à cela au départ. Même si les statistiques les relativisent, il
reste, et c’est tant mieux, des cas d’ascension sociale exemplaires. Le
problème, c’est lorsque cela conduit à un discours facile qui nierait tout
déterminisme social : « puisque moi,
j’ai réussi malgré tout, pourquoi d’autres n’y arriveraient pas ? Quand on
veut, on peut… » Le discours
sur le mérite s’en trouve alors renforcé et l’échec scolaire est présenté comme un phénomène individuel
et le résultat de l’absence d’efforts. Si on n’a pas saisi sa chance, on a que
ce qu’on « mérite » !
Pour parler d’École ou d’autre chose, ceux qui sont en
échec scolaire, ceux qui sont en situation de pauvreté, ont rarement accès aux
médias. Ou alors c’est à la rubrique faits divers ou lorsque les banlieues et
les quartiers « sensibles » s’échauffent...
Tout le discours très ambigu sur la « baisse de
l’exigence » ou sur « les dangers de l’égalitarisme », voire la
remise en cause du collège unique, peut donc être aussi lu comme un refus des
plus inclus du système (classes favorisées et moyennes, y compris les
enseignants) de lutter vraiment contre les inégalités en confisquant le débat
sur l’École.
Le phénomène marche aussi pour la « mise à
l’agenda », c’est-à-dire le fait de choisir quels seront les thèmes qui
seront traités et leur hiérarchie dans l’information. Par exemple, chaque année
nous avons droit à une rafale de sujets sur le bac : le plus jeune
candidat, le plus vieux, la triche, les sujets, le coût de l’épreuve… Cela
commence traditionnellement par l’épreuve de philosophie. En oubliant que
celle-ci ne marque pas le début du bac mais seulement celui du bac général qui
ne représente qu’à peine un tiers des bacheliers... Les bacs technologiques
et professionnels sont rarement évoqués. On ne traite ce sujet que sous le seul
prisme du bac général qui se trouve être celui où vont être sur-représentés les
enfants des catégories les plus favorisées.
On s’aperçoit aussi que les véritables journalistes
spécialisés dans l’éducation sont rares. Il y en a dans la presse
écrite, un peu à la radio et encore moins à la télévision. Cette pénurie n’est
pas de circonstance. Les sujets sur l’éducation, alors qu’ils touchent
tous les français, y sont souvent jugés secondaires par les rédactions et
souvent confiés à des journalistes de bonne volonté mais inexpérimentés. Ce
qui, compte tenu des contraintes de production et des représentations évoquées
plus haut, conduit bien souvent à une présentation caricaturale ou à la
reproduction de discours figés et convenus.
Tout comme il y a des émissions sur la santé, il serait
utile qu’il y ait des émissions de vulgarisation sur les enjeux de l’éducation
dans les médias. Car l’éducation c’est en effet un sujet qui intéresse tout le
monde. Mais plutôt que d’en parler sur le mode de la polémique caricaturale,
les médias seraient bien inspirés d’en faire un sujet de connaissance et
de culture.
« L’École mérite
mieux que ça ». Cela pourrait être la conclusion de cette réflexion.
On devrait se réjouir que l’École suscite tant de
discussions passionnées chez les Français. Car cela prouve au moins que ce
sujet ne laisse pas indifférent. Et un militant pédagogique ne peut qu’être
sensible à cet intérêt. L’éducation, c’est l’affaire de tous.
Mais, tout comme nous le faisons en classe, pour que la
discussion ne se limite pas à un échange un peu vain d’idées toutes faites et
d’invectives, il faut produire les conditions d’un débat argumenté.
C’est-à-dire déconstruire les prénotions, les préjugés, apporter de la
connaissance (et admettre donc qu’il y en ait une !) et repérer les
véritables enjeux. C’est la responsabilité de tous : politiques, médias et
acteurs de l’École.
Philippe Watrelot
Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 France.
1 commentaire:
Tout d'abord, je souscris entièrement à vos analyses.
Pour sortir des polémiques (ou surnager !), quelques réflexes sont possibles :
a) éviter les débats abstraits avec des grands mots ou des grands modèles pédagogiques, demander à quoi pense l'interlocuteur quand il mobilise un grand mot ou un grand modèle. Quand on raisonne sur des exemples et des contre-exemples, on voit bien qui est expert et qui ne l'est pas, sans avoir à mobiliser un argument d'autorité toujours discutable : « Je suis expert. » (Et alors ? Si je suis expert, cela doit me permettre d'argumenter avec plus de facilité, nul besoin de l'utiliser comme un argument d'autorité, celui-ci sera toujours mal perçu dans un débat démocratique) ;
b) demander des solutions constructives et concrètes à des problèmes définis, puisque la critique est plus facile que la découverte de solutions cohérentes, puis examiner à fond la consistance des propositions faites par le camp adverse : on en connaît les contradictions et les limites ;
c) ne pas proposer de solutions avant d’avoir passé les autres au crible, idéalement, susciter ces demandes de la part des adversaires (mais alors que proposez-vous ?). Présenter le plus tard possible ce que vous défendez.
Ne pas se poser (ou se laisser introduire) en expert porteur de solutions exposées au feu des critiques, mais demander à être enseigné par des personnes qui parlent d'autorité. Vos interlocuteurs ont des prétentions, mais aussi des contradictions (méthode socratique). Plus facile à dire qu’à faire, je le reconnais, bien que je ne connaisse pas d’autre piste pour assurer… Enfin, parler des expériences des autres professeurs, ne pas se laisser enfermer dans son expérience propre par des collègues qui n’en ont jamais observé d’autres au travail, sauf quand ils étaient élèves.
Un expert en éducation doit avoir observé des pratiques diverses qu’il peut relater avec précision, tandis que le praticien qui invoque son vécu contre l’expert a un point faible dans le fait qu’il n’a pas vu de professeurs enseigner depuis des lustres. Un raisonnement typique : « c’est impossible », en fait la personne n’y arrive pas et trouve une échappatoire à sa culpabilité en déclarant que les exigences sont folles (montrer que si d’autres y arrivent, alors ce n’est pas impossible, mais éviter aussi de culpabiliser autrui). Les polémiques françaises ont en partie pour origine cette absence de culture de l’analyse et de l’observation dont nos professeurs ne sont pas responsables. Elles sont dues à des injonctions paradoxales de l’employeur, injonctions qui déclenchent des crises de rage partiellement justifiées. Il y a un fort besoin d’imitation (imitation au sens où on cherche à se construire un modèle à partir d’une diversité d’exemples) qui n’est pas satisfait chez les professeurs français, d’où ce raidissement chez certains, parce que faute de trouver des modèles à imiter (sans exclure la distance critique) dans leur vie professionnelle ils ont tendance à les chérir dans le passé ou à imaginer leurs propres pratiques sans les réfléchir (aux deux sens du terme).
Pour sortir du panier de crabes, il faudrait privilégier l’observation et l’analyse en termes d’efficacité par rapport à des objectifs clairs, sans quoi c’est la foire aux malentendus où se développent les procès en sorcellerie.
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